« Travailler en open space ? Surtout pas ! ». Voilà la première réaction d’une bonne partie des 2 500 collaborateurs d’une grande entreprise du CAC 40, lorsque leur déménagement vers de nouveaux locaux, aménagés en open space, leur a été annoncé. Les partenaires sociaux ont renchéri : l’entreprise allait devenir une usine, il deviendrait impossible de se concentrer, sans parler des problèmes de confidentialité. La direction avait beau rappeler les avantages de l’espace ouvert (meilleure collaboration entre équipes, plus grande efficacité collective, des espaces calmes et privatifs, salles silence, boxes individuels, …) rien n’y faisait : les débats s’enlisaient. Seule solution pour sortir de l’impasse : demander leur avis directement aux salariés qui vivaient ce changement.
Le contexte se prêtait bien à une telle consultation : l’entreprise avait déjà réalisé ce déménagement pour une partie de son personnel et s’apprêtait à faire vivre la même expérience de passage à l’open space à l’autre partie de ses effectifs. Mener une étude de satisfaction vis-à-vis de l’environnement de travail auprès des deux populations permettrait donc de comparer l’avant et l’après et d’identifier les actions à répliquer, ou pas, pour la deuxième phase de transformation des bureaux. Surtout, cette consultation présentait un avantage majeur : objectiver les débats et ne plus se contenter des perceptions des deux camps. Menée par un cabinet de conseil indépendant, proposant aux collaborateurs de s’exprimer de manière anonyme, elle permettait de repartir sur des bases saines pour la suite des opérations.
L’étude fut donc menée auprès de l’ensemble du personnel ; ceux ayant déménagé (occupants du site B, désormais tous en open space), et ceux du site A, occupant encore des bureaux individuels ou partagés. Pour tous, une série de questions concrètes relatives aux fonctions de base d’un environnement de travail : votre environnement de travail actuel vous permet-il de travailler avec le niveau de concentration dont vous avez besoin ? Est-il esthétique ? Favorise-t-il l’échange ? À cette liste s’ajoutaient, pour les premiers déménagés, des questions sur l’accompagnement dont ils avaient bénéficié au cours du transfert.
Comment analyser ces résultats ? D’abord, en notant que, globalement, les occupants d’un bureau individuel se déclarent plus satisfaits que les autres, sauf en termes de partage et d’esthétique. Rien de très étonnant à cela. Ce qui en revanche peut surprendre, c’est que les occupants des open spaces (les « déménagés » donc) se déclarent globalement mieux lotis que leurs collègues disposant d’un bureau partagé. Cette solution « entre-deux » n’apporte, finalement, ni les bénéfices de l’espace individuel (elle ne permet pas de se concentrer), ni ceux de l’open space qui favorise la collaboration. En clair, quitte à partager son espace de travail, autant le faire vraiment : dans un open-space bien conçu, réalisé avec des matériaux absorbant le bruit, proposant des boxes individuels et des salles silence.
Restait à évaluer l’impact des actions de communication et d’accompagnement déployées avant, pendant et après le déménagement, pour les personnels concernés. Pour faciliter la transition, la DRH n’a pas lésiné : en amont, ces collaborateurs ont pu visiter les locaux avant les travaux, se tenir informés, via intranet de l’avancement du chantier, participer au choix des noms des salles de réunion… Ensuite, au fur et à mesure que l’échéance se rapprochait, ils ont été très précisément informés des dates auxquelles allaient se dérouler les différentes étapes : réception des cartons, cleaning day, déménagement par équipes… et, à leur arrivée dans les nouveaux locaux, ils ont bénéficié d’un accueil spécifique, avec petit-déjeuner, kit de bienvenue et équipe dédiée pour régler en temps réel tous les problèmes techniques. Enfin, durant toute cette période, chaque équipe avait choisi en son sein un « ambassadeur » du déménagement, chargé de relayer toutes les informations sur le sujet, et de faire remonter les interrogations. Globalement, ces efforts ont été bien perçus par les salariés, même si tous n’étaient pas exposés au même niveau à ces actions de communication ou d’accompagnement. On observe que les plus satisfaits par ces actions sont aussi ceux qui, à l’arrivée, apprécient le plus leur nouvel environnement de travail. C’est ce que montre le graphique ci-dessous.
Lors d’un déménagement, l’accompagnement humain et la communication comptent, donc, au moins autant que le choix des matériaux ou la disposition des bureaux. Proposer aux collaborateurs des équipements flambants neufs, sans le technicien capable de leur expliquer comment s’en servir, ne sert à rien. Pas plus que la création d’espaces collaboratifs sans communiquer sur le système de réservation associé. Enfin, cette étude a, en elle-même, constitué un accompagnement post-déménagement, puisqu’elle a permis de recueillir les souhaits des collaborateurs pour l’amélioration de leur nouvel espace de travail : casques anti-bruit, espaces de rangement personnels, mise en place d’une charte de bonne conduite en openspace, etc. Ces demandes ont pu être, pour la plupart, satisfaites par la direction de l’entreprise, montrant jusqu’au bout sa volonté de faire de ce déménagement un événement positif.
Au final, cet épisode a permis à la seconde phase de transformation des bureaux de se dérouler dans un climat plus serein, les bénéfices de l’open space ayant pu être mis en avant de manière crédible et des solutions, au moins partielles, trouvées pour pallier les inconvénients. Cette expérience permet de mieux comprendre comment mener ce type de transformation et en faire un outil d’engagement des collaborateurs. Plutôt que de tout investir dans le mobilier ou les équipements, réussir un déménagement, c’est surtout l’accompagner : en écoutant les utilisateurs, en direct ; en les accompagnant pendant toute la durée de l’opération, en procédant par phases, de manière à pouvoir, en cours de route, ajuster les actions à leur ressenti. Étant donné le coût d’un déménagement et sa fréquence dans la vie d’une entreprise, autant rentabiliser l’investissement !
Auteur : Armand Bahri
Nous remercions Office et culture pour la publication cet article dans leur n°42 que vous pouvez retrouver et lire au complet sur leur site et suivre leur compte Twitter.