A la suite de nombreux scandales de harcèlement sexuel qui ont et continuent de secouer notre société, la prévention du sexisme et du harcèlement au travail est un enjeu crucial pour les entreprises. Pourtant, les services RH – alors qu’ils sont les acteurs privilégiés de la prévention du sexisme et du harcèlement au travail – manquent parfois de repères pour les aiguiller dans la gestion du sujet. Voici donc quelques éléments ayant pour but de préciser comment les services RH peuvent intervenir pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail.
1. Informer les collaborateurs pour leur permettre d’identifier les cas de sexisme et de harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel au travail connait aujourd’hui un véritable problème de perception, de la part des collaborateurs en général comme de la part des victimes elles-mêmes qui connaissent mal ce qui relève juridiquement d’un acte de harcèlement sexuel.
La prévention passant par l’information, les RH doivent effectuer un travail de sensibilisation sur les actes et les comportements qui relèvent du sexisme et du harcèlement sexuel d’un point de vue juridique. Il est essentiel d’informer les collaborateurs de l’entreprise sur le sujet afin de pouvoir éviter le harcèlement et l’identifier s’il a lieu malgré tout. Cette sensibilisation passe principalement par la formation. Chez Wavestone, une campagne de sensibilisation contre le sexisme ordinaire a été proposée aux collaborateurs pendant 6 mois (et certaines actions continuent sur la durée), avec des ateliers ouverts à tous, une formation management et également un e-learning quotidien présentant :
• Des cas réels issus de situations vécues par des collaborateurs Wavestone
• Une méthode simple pour se mettre à l’écoute et aider efficacement une victime de sexisme
• Des exemples concrets de réponses à apporter lors d’un acte sexiste
• Un rappel des personnes à contacter en cas de besoin
2. Etablir une procédure de gestion des plaintes pour libérer la parole des victimes
Selon une étude de l’Ifop pour le site VieHealthy, seules 7 à 16% des victimes de harcèlement sexuel ont réagi en dénonçant la situation à des interlocuteurs internes capables de mener une action (représentant du personnel ou syndicaliste, supérieur hiérarchique), car la majorité se confie à ses proches ou ses collègues. Or, pour libérer la parole des victimes, il faut que l’entreprise montre l’importance qu’elle accorde au sujet du harcèlement sexuel et les actions qu’elle est prête à mettre en œuvre pour l’empêcher. Cela passe par une procédure précise de gestion des cas de harcèlement par les RH, afin d’assurer aux victimes qu’elles seront écoutées et protégées. Car, comme l’écrit Marlène Schiappa : « si les femmes osent aujourd’hui davantage dénoncer les violences dont elles sont victimes, elles doivent aussi avoir l’assurance que leur parole sera véritablement prise en compte et qu’elles seront prises en charge »1
3. S’appuyer sur les IRP comme relai au sein de l’entreprise
Les IRP sont un relai au sein de l’entreprise. Elles sont un relai d’information auprès des collaborateurs. Il est donc essentiel de les former et de les sensibiliser à la lutte contre le harcèlement sexuel.
Elles sont également identifiées comme un acteur pouvant aider les victimes, qui se tournent souvent vers un représentant du personnel ou un syndicaliste afin de faire remonter une plainte. Ce sont des interlocuteurs qui disposent souvent d’informations cruciales pour accompagner correctement les victimes jusqu’à une prise en charge par une cellule dédiée éventuellement.
Par exemple, la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » prévoit la désignation d’un référent harcèlement sexuel et agissements sexistes au sein de tous les Comités Sociaux et Economiques (CSE). A cela s’ajoute, au sein des entreprises de 250 salariés et plus, l’obligation de désigner un référent supplémentaire ayant pour rôle de « d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (Article L1153-5-1 du Code du Travail).
4. Prouver l’engagement de l’entreprise en donnant de la visibilité au sujet
L’intransigeance de l’entreprise envers tout type de comportement sexiste passe certes par un discours, mais ne sera efficace et ancrée dans ses valeurs que si elle est concrète.
Cela peut passer, par exemple, par la mise en place d’une politique antisexisme, promouvant un environnement de travail sain et égalitaire. Les convictions de l’entreprise doivent être relayées par ses dirigeants, ses managers et son service RH dans des communications régulières auprès de tous. Des actions doivent également être menées pour permettre à tous d’être correctement informés, conscients des enjeux du sujet et en capacité de réagir correctement en cas de confrontation à des cas de sexisme ou de harcèlement sexuel. Par exemple, des ateliers de théâtre ou de jeu de rôles où des hommes prennent la place des femmes peuvent favoriser la prise de conscience.
5. Mesurer l’efficacité des actions menées et les améliorer
Il est essentiel de suivre les actions menées et de fixer des résultats clés à atteindre. L’attention et l’exigence accordées à l’atteinte des objectifs assureront que les actions ne sont pas isolées et superficielles. Par exemple, ce suivi des actions mises en place et de leur efficacité peut se faire par l’instauration d’un baromètre évaluant le ressenti du sexisme dans l’environnement de travail, l’efficacité des actions déjà menées et permettant d’identifier de nouvelles actions. Ces chiffres donneront du poids à l’engagement de l’entreprise, et seront un outil précieux pour en témoigner en interne et en externe.
En conclusion, le rôle des services RH est crucial pour prévenir et gérer les cas de sexisme et de harcèlement sexuel au travail. Ils sont des acteurs essentiels pour informer les collaborateurs, protéger et accompagner les victimes, et faire rayonner et piloter les actions menées à tous les niveaux de l’entreprise.
[1] Préface du livre blanc de l’ANDRH #Prévenir le harcèlement sexuel – Repères pour les RH
Sources :
Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner – Guide pratique, Ministère du travail, Mars 2019
Observatoire du harcèlement sexuel – Volet 1 : les Françaises et le harcèlement sexuel au travail, étude de l’Ifop pour le site d’information VieHealthy.com, Février 2018
Prévenir le harcèlement sexuel au travail : repères pour les RH, Association Nationale des DRH, Janvier 2019
Kit pour agir contre le sexisme : trois outils pour le monde du travail, Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, Novembre 2016
Sigolène JOUPPE – Analyste
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