Les termes de « réseaux sociaux » désigneront ici au sens large ce qu’on appelle fréquemment les « média sociaux », à savoir les réseaux sociaux privés, professionnels, les blogs, les jobs boards et autres sites de cooptation.
Leur utilisation est de plus en plus étendue et de plus en plus quotidienne, autant dans la sphère privée que professionnelle. D’aucuns prétendent même que nous sommes entrés dans une « société 2.0 » où les comportements seraient régis par les avancées technologiques et où chacun disposerait d’une seconde identité à travers son existence numérique, comme une version distincte et améliorée d’une vie « réelle » trop monotone.
Depuis peu, le monde des Ressources Humaines commence à faire sienne la révolution numérique et exploite, de manière assez paradoxale, ce transfert du capital humain en données digitales. Si c’est principalement le domaine du recrutement qui en bénéficie, cela ne semble être que le commencement.
De quoi parle-t-on ?
Aux réseaux sociaux les plus populaires et qui sont essentiellement privés (Facebook, Twitter) s’ajoutent les réseaux professionnels classiques (LinkedIn, Viadeo), les job boards qui font surtout office de CVthèques géantes à l’usage des DRH (Monster, Apec, Regionsjob) et les sites de e-cooptation (Cooptin, JobMeeters) qui ne sont rien de plus que des sites de recommandations numériques. Ce sont principalement les deux premières catégories qui vont nous intéresser, pas simplement par leur le nombre assez impressionnant de membres qu’elles regroupent mais par les nouveaux comportements qu’elles induisent, tant chez les recruteurs que chez les candidats.
Les réseaux sociaux privés tout d’abord. Avec respectivement 750 et 200 millions de membres, Facebook et Twitter sont devenus des bases de données facilement exploitables et accessibles à toutes les entreprises. En effet, nombre de grandes sociétés y ont une page : elle leur permet d’être suivie par les autres membres intéressés, de poster des annonces d’emploi (en vidéo, donc plus directes et plus précises), de collecter directement des CV, de faire connaître ses initiatives en matière de philanthropie ou de sponsoring par exemple, de présenter sa politique RH, etc. Les pages peuvent êtres liées à celles d’autres entreprises du même secteur, aux pages privées du CEO ou d’autres dirigeants médiatisés, et être ainsi plus visibles. Elles constituent donc un lieu de rencontre privilégié avec de potentiels candidats qui peuvent faire eux-mêmes la démarche de montrer leur intérêt pour l’entreprise et son activité.
Mais ce que cette présence numérique dans des endroits à première vocation privée apporte de plus, c’est une nouvelle forme de contrôle sur le futur et l’actuel personnel. Dans la mesure où l’employé ou le candidat n’ont pas sécurisé eux-mêmes les informations disponibles sur leur page, elles seront accessibles à l’entreprise qui s’en sert souvent alors pour « compléter » un CV : photos personnelles dans des situations compromettantes, commentaires privés exprimant des opinions politiques ou sociétales, appartenances à des groupes d’opinion, de jeux, de culte, etc. Bref, tout ce qui ne figure pas sur le CV mais qui orientera favorablement ou défavorablement la décision du DRH de recruter, ou par exemple de licencier des employés, comme ce fut le cas récemment en France après des propos calomnieux tenus sur Facebook.
Intrusion dans la vie privée ? Certes, mais participative, chacun ayant la possibilité de réserver ses informations privées à qui il le souhaite et surtout de ne pas être en contact avec l’entreprise dans laquelle il travaille ou veut travailler.
Les réseaux professionnels constituent un tout autre outil. Contrairement aux premiers, chacun y figure généralement sous son vrai nom, n’indique que les informations pertinentes à sa recherche d’emploi courante et illustre son profil par une photo d’identité ordinaire et sérieuse. Pas de dérapages donc ici, mais bien une avancée qui pourrait rendre le CV obsolète. En effet, nombre de sites de recrutement (entreprises ou cabinets spécialisés) offrent désormais aux candidats la possibilité de postuler directement avec leur profil social, généralement sous LinkedIn. Peu osent encore (ce qui pousse certains DRH à dire que les candidats sont pour l’instant majoritairement moins prêts que les recruteurs) et s’en tiennent à la version pièce jointe de leur CV, croyant probablement qu’elle est encore aujourd’hui la norme la plus lisible et la plus acceptée.
Ces réseaux présentent également un avantage nouveau pour les entreprises : ils constituent un vivier de CV accessible sans l’intermédiaire des cabinets de recrutement (et entraîne donc une réduction de coûts) et ne nécessite plus de publication de poste. C’est donc bien le recrutement qui est aujourd’hui principalement « 2.0 », et les DRH s’attendent à effectuer environ 10% de leur recrutement de manière entièrement numérique en 2011.
Ceci dit, nous pouvons citer, pour conclure, une amélioration que le réseau social a apportée à la fonction RH : le réseau social apporte la possibilité d’une capitalisation sur un support unique de toutes les informations (expériences, formation, compétences) et de tous les documents (CV, diplômes, livrables produits) relatifs à son personnel et à l’entreprise en général. Tout au même endroit, au même format, facile à connecter, à utiliser et à mettre à jour (si cela ne se fait pas automatiquement). Outre le gain de temps et donc d’argent considérable, la capitalisation numérique permet la création de communautés de compétences, de profil ou d’organisation. Restera à régler la question de la sécurisation et de la protection des données dont l’entreprise est garante.
Auteur : Nicolas Negrilic, RH Management