Un déménagement d’entreprise peut être l’occasion de repenser l’organisation du travail et de renforcer l’esprit d’appartenance des collaborateurs. C’est ce que démontrent Claude Bodeau, associé en charge du pôle People & Change du cabinet de conseil Wavestone et Marc Godard, manager People & Change moving, dans cette chronique. Un beau programme en perspective pour les DRH !
Changer de locaux, réaménager, c’est aussi imaginer comment on travaillera, communiquera dans le nouvel espace. C’est réfléchir à la fonction même d’un lieu de travail, générateur de nouveaux modes de management. Autant de sujets qui justifient que la DRH s’implique, fortement et dès l’amont, dans le projet. Pour en faire un outil de conduite du changement, et de renforcement des valeurs de l’entreprise.
Comment réussir un changement de locaux ? Qu’il s’agisse d’une reconfiguration de l’espace de travail ou d’un déménagement, ce genre d’épisode marque toujours la vie d’une entreprise. Avec son lot de rumeurs (qui aura le plus beau bureau ?) et de craintes : va-t-on se retrouver dans un open-space géant, façon hall de gare ? Pourtant, ce moment peut devenir une vraie opportunité pour l’entreprise. L’occasion de réaffirmer ses valeurs, d’améliorer les conditions de travail et de renforcer le sentiment d’appartenance de ses collaborateurs. A une condition : que la DRH s’implique fortement dans le projet, dès l’amont. Pour piloter tous les aspects -sociaux, humains, managériaux, organisationnels- qu’implique la reconfiguration d’un lieu de travail.
S’engager dès la genèse du projet, pour la DRH, c’est avant tout communiquer, dès que possible, sur les nouveaux locaux. D’abord, en expliquant les raisons qui ont motivé ce choix et les bénéfices escomptés : meilleure efficacité, progression de la qualité de vie au travail, image de l’entreprise… L’objectif est à ce stade de démontrer aux salariés qu’ils sont considérés et impliqués dans cette décision qui les concerne tous. Idéalement, plusieurs collaborateurs, représentatifs des différentes populations de l’entreprise, pourront participer à des ateliers thématiques : partage des équipements digitaux, choix des prestations proposées aux salariés, signalétique, temps de travail, mode de travail… Cette logique de co-construction permet aux collaborateurs de se projeter dans ce futur environnement et de devenir des ambassadeurs du projet auprès de leurs collègues. Un aspect essentiel pour sécuriser le dialogue social et avoir anticipé les questions qui émergeront lors des consultations des instances représentatives.
Analyser finement les besoins de chaque métier
A ce stade également, c’est à la DRH de se saisir des enjeux managériaux liés à cette nouvelle configuration : comment profiter de cette évolution pour améliorer les performances, la communication, l’efficacité de chacun ? C’est l’occasion d’analyser finement, pour chaque métier, la part de l’effectif qui doit être physiquement présente chaque jour et le type de travail effectué (seul, au téléphone, à plusieurs…). Ce qui permettra de décider d’un aménagement précis et adapté. Non seulement avec le nombre adéquat de salles de réunion, de boxes individuels ou d’espaces de détente, mais aussi avec le nombre de postes de travail réellement nécessaires. La décision peut être prise de passer à un fonctionnement « flex office », avec moins de postes de travail que de collaborateurs. Avec pour corollaire la mise en place -ou l’élargissement- des accords portant sur le télétravail.
Autre question centrale : où implanter les différents services au sein de l’entreprise pour favoriser la collaboration entre les équipes ? Dans certaines entreprises, il a été décidé de reproduire, dans la configuration des locaux, le parcours client, par exemple en rapprochant les commerciaux des équipes techniques. Même s’ils ne dépendent pas des mêmes directions, cette proximité leur permet de mieux répondre, ensemble, aux attentes des clients.
Reconfigurer le lieu de travail, c’est aussi l’opportunité pour l’entreprise de promouvoir, concrètement, ses valeurs. De fonctionner dans un esprit « village », renforçant l’implication de chacun et le sentiment d’appartenance. Par exemple, en créant, à chaque étage, un « totem » : un lieu créant de l’attractivité et amenant les collaborateurs à se déplacer. Des exemples ? Une salle de créativité avec murs-écritoires et mobilier coloré ou une salle de silence recréant l’atmosphère d’une bibliothèque universitaire… Ou encore un « help desk » informatique, piloté par un collaborateur permettant de résoudre son problème technique en direct, sans devoir émettre un anonyme « ticket » ! Ces « totem » peuvent aller plus loin, et permettre de réfléchir sur la transversalité interne et externe : par exemple, en créant un espace de co-working ouvert à d’autres entreprises, dont des start-up que l’entreprise peut décider d’héberger pour mélanger les cultures.
S’impliquer sur le « jour d’après »… et les suivants
Toutes ces bonnes idées doivent ensuite bénéficier d’une exécution sans faille. Là encore, à la DRH de s’assurer que chaque collaborateur dispose, le jour du changement de locaux, de toute l’assistance requise – modalités de son déménagement, liste des les objets personnels qu’il peut garder, réseau informatique fonctionnel dès l’installation… et surtout d’un interlocuteur auprès duquel trouver rapidement de l’aide en cas de besoin. Mais c’est surtout dans les jours et les semaines qui suivent que la DRH doit rester impliquée et suivre les conséquences de la reconfiguration. Par exemple, certains managers de proximité peuvent rencontrer des difficultés à travailler en espace ouvert. Même si l’époque des open-spaces d’un seul bloc est révolue, il peut s’avérer compliqué de gérer certaines situations : comment préserver des données sensibles, ou mener un entretien délicat ? Il est alors possible de proposer une formation pour apprendre à manager en milieu ouvert, à utiliser les outils de confidentialité (salle spécifique, filtre pour écran d’ordinateur) …et à faire confiance à ses collaborateurs, qui ne se trouvent plus forcément en permanence sous les yeux de leur manager ! Très concrètes et opérationnelles, ces formations peuvent s’enrichir du retour d’expérience d’autres entreprises, qui ont mis en place ces nouveaux modes de management. Mesurer les effets du changement s’avère d’ailleurs indispensable : mener un questionnaire de satisfaction, avant et après la reconfiguration de l’espace de travail, permet d’en objectiver les effets. C’est aussi l’occasion de régler, au fur et à mesure, les questions qui peuvent émerger. Optimiser l’attribution des emplacements de parking ou la réservation des salles de réunion permet, non seulement de fluidifier la vie quotidienne, mais aussi d’apporter des réponses concrètes aux collaborateurs.
S’il est bien mené, et bien adapté au contexte spécifique de l’entreprise, un changement de locaux peut engendrer, très rapidement et sur le long terme, des bénéfices indéniables : l’équipe chargée de réaliser une application la livre avec trois mois d’avance sur le planning prévu, le « coworking » s’organise plus naturellement, l’absentéisme diminue… et les nouveaux modes de management, plus souples, plus digitaux et plus agiles, se généralisent. Preuve, s’il en fallait, qu’il s’agit d’un sujet fondamental pour une DRH. Et d’une opportunité d’inscrire son action, à la fois aux côtés des managers opérationnels, des équipes, et au cœur de la stratégie de l’entreprise.
Nous remercions ActuelRH, Journal en ligne des Editions Législatives, qui a rédigé cet article, que vous pouvez retrouver sur leur site ou leur compte Twitter.