Les évolutions réglementaires et applicatives en cours sur les fonctions PAIE-GAP permettent de repenser la place de ces fonctions dans l’entreprise et leur mode de communication.
Les fonctions Paie-GAP ont souvent été taxées (de façon injuste, il faut le préciser) de fonctions poussiéreuses au sein des entreprises ; le cadre contraignant de la législation sociale et les usages en matière de paie, la confidentialité des données, la rigidité des processus (qui garantit la qualité des paies produites) n’y sont certainement pas étrangers.
Pour autant, des transformations importantes sont actuellement en cours (au plan administratif comme sur le fonctionnel des applications de paie), et il serait dommage que les entreprises ne profitent pas de ces évolutions récentes ou à venir pour se lancer dans une réflexion de fond sur le déploiement de nouveaux schémas relationnels avec les Salariés comme avec l’Administration et plus globalement sur le rôle des fonctions Paie-GAP au sein de leur organisation.
-1- Transformation de la relation Salariés ↔ Entreprises
Au plan administratif, les annonces en 2012 ont principalement porté sur la simplification du bulletin de paie, tant sur le fond (mention du montant des cotisations patronales, regroupement des cotisations perçues par un même collecteur,…) que sur sa forme (réduction du nombre de lignes de cotisation, dématérialisation du bulletin,…).
Au plan applicatif, les évolutions fonctionnelles des logiciels de Paie-RH sont également importantes, intégrant désormais des fonctionnalités de portail salarié et manager, assorti d’un workflow d’approbation permettant aux salariés de poser directement leurs congés et de consulter leur soldes, de modifier leurs informations personnelles (RIB, situation de famille, …) et d’accompagner ces demandes du scan des justificatifs nécessaires.
En associant ces évolutions (applicatives et réglementaires), on mesure le potentiel de transformation des fonctions Paie-GAP, permettant notamment :
- un déport important d’une part de la charge administrative vers les collaborateurs eux-mêmes et leur management,
- la mise en place d’un dialogue numérique, donc instantané, entre ces derniers et leurs services RH, voire même la possibilité de consulter ces informations de chez eux ou sur leur Smartphone en web 2.0 (va-t-on parler de RH 2.0 ?).
La dématérialisation du bulletin, avec en corollaire la mise en place d’un coffre fort salarié afin de sécuriser dans le temps (pendant et après son passage dans l’entreprise) la conservation de ses données, doit permettre d’amplifier cette numérisation du dialogue Salarié – Services RH.
-2- Transformation de la relation Entreprise ↔ Organismes de Protection Sociale (OPS)
Complémentairement aux évolutions précédentes, l’administration et les OPS se mobilisent et travaillent ensemble à la simplification des tâches administratives. La communication faite le 8 novembre dernier dans nos locaux par la Délégation Interministérielle et le GIP MDS sur la mise en place de la DSN (déclaration sociale nominative) en atteste.
A cette occasion, le calendrier de mise en œuvre progressive de la DSN, entre 2013 et 2016, a été reconfirmé. Pour le rappeler brièvement, la DSN sera le nouveau véhicule des données sociales déclaratives qui se substituera, comme flux unique mensuel, à l’ensemble des déclarations actuelles, qu’elles soient événementielles, mensuelles, trimestrielles ou annuelles.
Dans le cadre de cette réforme profonde des échanges avec les OPS, la numérisation des flux constitue là encore l’objectif premier, renforcé par l’unicité des échanges, et en permettant la linéarisation de la charge déclarative ; le mythique zéro papier commencerait-il à prendre forme au royaume de la paie ? Assurément, les lignes bougent et il serait dommage, pour les entreprises volontaires, de ne pas emboiter au plus vite le pas de cette réforme (qui deviendra une obligation en 2016), car le GIP MDS leurs propose, en tant que pilotes ou précurseurs, d’être accompagnées par ses services en adoptant la DSN dès avril 2013 sur un premier périmètre déclaratif.
-3- Repositionnement global des fonctions Paie-GAP
La combinaison de ces évolutions légales, administratives, et applicative doit permettre, de repenser les fonctions Paie-GAP au sein de l’entreprise, et de les placer au cœur d’un échange globalement numérisé et centré exclusivement sur un cycle mensuel :
- intégration et contrôle au fil de l’eau des événements personnels dématérialisés (entrée, sortie, présence/absence, évolutions des situations personnelles,…),
- traitement mensuel de paie (collecte et contrôle des EVP, calcul de paie et vérification)
- renvoi, en fin de cycle mensuel et toujours sous forme numérique, des données sociales individuelles aux organismes sociaux, fiscaux, de protection,
- et diffusion, dans leurs espaces personnels, aux salariés eux-mêmes et à leur management, des informations et bulletins les concernant, en respectant les règles de confidentialité définies dans l’entreprise.
Cependant, pour que la DSN constitue « naturellement » cette dernière étape du cycle mensuel, la chaine des processus de Paie-GAP doit être revue et adaptée afin d’y placer des contrôles qualitatifs des données en continu sur la chaine de traitement ; seuls ces contrôles permanents, induisant une correction systématique des anomalies sur les données sources et non sur les données produites, peuvent permettre d’atteindre ce résultat.
En conclusion, quels enjeux pour l’entreprise
La numérisation des flux et l’intégration de la chaine de traitement des données de Paie-GAP vont permettre :
- la sécurisation des données et leur montée en qualité,
- l’unicité et l’automatisation des traitements,
- la linéarisation de la charge de travail,
et, par voie de conséquence, entrainer une diminution appréciable de la charge de travail sur les processus Paie-GAP, avec un enrichissement des tâches sur la charge résiduelle (principalement du contrôle et de l’expertise, peu d’acquisition de données).
De notre point de vue, l’enjeu de cette réduction de charge ne doit pas se réduire à une économie de quelques postes au sein des services Paie-GAP ; il faut exploiter ce potentiel de ressources disponibles au sein de la DRH en les réaffectant à des fonctions RH trop souvent sous-développées au sein des entreprises, comme par exemple :
- la GPEEC, l’adéquation ressources-emplois et la mobilité interne, avec pour enjeu de maximaliser l’utilisation et l’évolution des ressources internes et de réduire le recours à l’intérim ou à des CDD,
- le contrôle de gestion sociale avec pour enjeu de piloter et de contrôler l’expansion de la masse salariale.
Ainsi, on amplifie les effets de cette transformation sur l’entreprise, en y associant des enjeux d’une autre nature et d’une autre échelle, ce qui revient à utiliser la restructuration des fonctions Paie-GAP comme un levier de l’amélioration de la gestion des ressources humaines et de l’optimisation de la masse salariale des entreprises.
Auteur : Philippe MARTIN, Directeur RH-Management