Plusieurs membres du gouvernement ont récemment affirmé qu’il n’y a pas de différence d’absentéisme entre les salariés du public et du privé, en se référant à ce sujet à l’étude de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) publiée début février (http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2013-009.pdf ).
Cette étude, menée sur une période de 8 ans avait deux objectifs essentiels :
– Déterminer les probabilités d’absence des salariés par rapport aux critères courants de segmentation de la population active (sexe, âge, situation familiale, profession, type de contrat, etc…),
– Analyser l’incidence de facteurs en lien avec les conditions de travail (contraintes physiques et psychosociales) des salariés sur ces mêmes probabilités d’absence.
En réalité, cette étude n’a en aucun cas calculé un taux d’absentéisme, tel que communément admis (nombre de jours ou d’heures d’absence d’une population sur une période de référence / nombre de jours ou d’heures normalement travaillées par cette population sur cette même période) mais le ratio de salariés absents sur une semaine donnée. Ainsi, quelqu’un absent par exemple 4 jours sur 5 a le même impact sur le calcul de ce ratio qu’un individu absent 1 seul jour la même semaine. Au final, cette enquête permet juste de dire effectivement que la proportion de salariés absents une semaine donnée est quasi équivalente dans le privé et le public.
En France, aucune étude statistique publiée sur l’absentéisme ne combine les critères suivants : exhaustivité des secteurs (même par échantillonnage), méthodologie scientifique, données récentes :
– Soit les résultats publiés sont produits très irrégulièrement et sont donc rapidement anciens (ils remontent vite à 3 ou 4 ans, voire plus), et ne concernent pas tous les salariés (public et privé),
– Soit ces données sont partielles et/ou sous forme financière,
– Soit ils se concentrent sur un secteur bien déterminé, voire des statuts spécifiques (fonctionnaires territoriaux, secteur hospitalier, etc), et avec des indicateurs parfois très agrégés, parfois sous forme de fourchettes,
– Soit, lorsque ces données sont plus récentes et régulières elles ont été obtenues au travers d’un processus de collecte déclarative auprès d’entreprises, avec des règles de calcul dont l’homogénéité et la représentativité ne sont pas complètement garanties.
Pour montrer le caractère ambigu de l’usage qui est ainsi fait de l’étude de la DARES, voici trois chiffres, issus d’études, illustratifs de l’absentéisme sur trois périmètres distincts du secteur public :
– Taux d’absentéisme pour raisons de santé (tous motifs – maladie, maternité, longue maladie, AT) dans la Fonction Publique territoriale sur 2011 (Etude SOFCAP – Assurance des collectivités territoriales – en date de mai 2012 ) : le taux d’absentéisme varie de 6,6% dans les structures de moins de 10 agents CNRACL (Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales à laquelle sont affiliés les agents des collectivités locales) à 10% dans les structures de 350 agents CNRACL et plus,
– Taux d’absentéisme pour raisons de santé (tous motifs – maladie, maternité, longue maladie, AT) dans la Fonction Publique hospitalière sur 2011 (Etude SOFCAP – Assurance des établissements hospitaliers – en date de mai 2012) : le taux d’absentéisme varie de 14% dans les établissements de moins de 50 agents CNRACL à 10% dans les établissements de 100 agents CNRACL et plus,
– Taux d’absentéisme pour raisons de santé (tous motifs là aussi) dans l’Education Nationale sur 2009-2010 (Rapport – n° 2011-056 de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche sur la base des chiffres de la Direction générale de l’enseignement scolaire, page 11) : 7,44%
A titre comparatif le dernier baromètre Prévoyance du groupe d’assurance et de prévoyance Marsh, établi sur le portefeuille des clients du groupe pour la France métropolitaine, sur une période allant de janvier 2011 à juin 2012, pour toutes les absences pour raisons de santé hors maternité, donne un taux d’absentéisme moyen de 3,30%.
En extrapolant le taux d’absentéisme maternité, qui représente 24% du montant des IJSS versées en France en 2010 (chiffres des Comptes de la Santé de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du Ministère des Affaires Sociales), on obtiendrait donc un taux final de (3,30% / 0,76) = 4,34 %.
C’est ce taux de 4,34 % qui serait donc à comparer à ceux, par exemple, des différents secteurs d’activité publics ci-dessus. On voit bien que le niveau d’écart n’est plus du tout négligeable.
Auteurs :
Frédéric Martin, Directeur Associé, Mind Consultants
Frédéric Le Serrec, Manager, RH- Management Kurt Salmon
Références citées :
http://www.sofcap-sofcah.com/file/soflink/pj/note_regard_sur_p_2012_r64189.pdf
http://www.sofcap-sofcah.com/file/soflink/pj/note_regard_sur_h_2012_r64190.pdf
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2011/56/9/2011-056-IGAENR_215569.pdf
Baromètre Mercer-Marsh :
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ved=0CDsQFjAC&url=http%3A%2F%2Fwww.mercer.be%2Fattachment.dyn%3Bjsessionid%3DvXFiXTo9X6Le650kLCCylw**.mercer02%3FidContent%3D1508975%26filePath%3D%252Fattachments%252FFrench%252F2013_FEV_Barometre_Prevoyance.pdf%26fileType%3DDB%26siteLanguage%3D101&ei=sBNnUfmkJaOY0AXQxYCoBw&usg=AFQjCNFcuusPnj4PInq4lvuLIc5KgseNlQ&sig2=3mwUbjz1c8fhNfEmNWVWSg&bvm=bv.45107431,d.d2k
Agréger congé maladie et maternité semble un peu abusif, et d’autre part faire l’hypothèse que le taux d’absentéisme dû à la maternité est le même dans le public et dans le privé est une hypothèse forte. Rien ne prouve que les congés maternité effectivement pris par une agente de catégorie A ou B de la fonction publique soient les mêmes que ceux pris par une caissière hypermarché ou par une ouvrière de l’agro alimentaire. La protection sociale pour la maternité n’est certainement pas la même dans tous les secteurs.