La réforme de la formation votée en mars 2014 approche à grands pas. Dès le 1er janvier 2015, le DIF disparaît au profit du Compte Personnel de Formation (CPF) ; dès 2016, les premières contributions unifiées à un OPCA apparaîtront ; et dès 2017, se dérouleront les premiers entretiens professionnels obligatoires. Beaucoup de changements sur la forme donc, mais également sur le fond.
Les mécanismes ainsi que les pratiques de production de la formation professionnelle sont amenés à évoluer, et ceci du fait de trois dynamiques structurantes de la Réforme.
La première concerne le renforcement de la responsabilisation des entreprises sur la formation professionnelle, notamment par l’obligation pour l’employeur d’effectuer au moins une action de formation ou de permettre l’acquisition d’une certification pour chacun de ses salariés tous les 6 ans. L’obligation de résultats remplace l’obligation de moyens.
La seconde touche à la sécurisation des parcours professionnels en s’appuyant principalement sur le CPF. Celui-ci, à la différence du DIF, n’est plus rattaché à l’entreprise, mais à l’individu. Il sera mobilisable, uniquement à l’initiative du salarié et sur les formations diplômantes et certifiantes.
Enfin, la dernière tient de l’allègement des restrictions réglementaires en termes de suivi et de contrôle avec la suppression, à horizon 2016, des critères d’imputabilité et de la déclaration 2483 sous sa forme actuelle.
Que ressort-il de tout ceci ? Quelles seront les conséquences pour la production de la formation pour les entreprises ? Quelle place pour les nouvelles formes d’apprentissage ?
Réforme de la formation professionnelle : opportunité ou menace ?
Si les objectifs de la réforme s’annoncent bénéfiques, notamment pour les salariés, les entreprises y voient un impact opérationnel à double tranchant.
D’une part, la suppression des critères d’imputabilité va fournir plus de liberté dans l’organisation des actions de formation. On ne se pose plus la question d’éligibilité de financement sur l’enveloppe 0,9 (plan de formation) et des quelques règles de cadrage associées. De fait, l’effort des responsables de formation sera davantage canalisé vers l’optimisation budgétaire et pédagogique de la formation que vers le respect des engagements de l’entreprise sur les fonds mutualisés du plan.
D’autre part, l’introduction d’une nouvelle enveloppe mutualisée, c’est-à-dire le CPF, limite la marge de manœuvre dont disposait l’entreprise sur la définition du contenu et de la durée des formations relevant de l’ancien DIF. Finis les stages courts souvent déconnectés des besoins opérationnels des salariés que l’entreprise leur offrait à la fois pour « leur faire plaisir » et récupérer à tout prix l’argent versé à l’OPCA. Finis aussi les formations obligatoires du plan financés par le DIF avec accord du salarié. Les fonds versés dans le cadre du CPF ne sont désormais récupérables que s’ils permettent une réelle évolution en termes de compétences grâce à un dispositif de formation diplômant ou certifiant.
On attend alors deux types d’impacts paradoxaux sur les dispositifs de production de la formation :
- Les actions courtes, et surtout les actions non certifiantes et non diplômantes, tendent à se raccourcir davantage car elles ne sont désormais soumises à aucune règle de cadrage en termes de durée. Puisque l’entreprise ne peut les financer qu’avec ses fonds propres, chaque minute doit se justifier. Résultat : une guerre de prix de plus en plus intense, se traduisant le plus souvent par un sacrifice de durée.
- Les actions de professionnalisation vont, quant à elles, bénéficier des mesures prévues par la réforme pour se développer. Dans les grandes entreprises, les équipes de financement de la formation vont tout faire pour récupérer les fonds qui se figent sur le CPF, dont la somme peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. Les leviers d’actions sont multiples : renforcer les cursus et les parcours de formation liés au métier de l’entreprise, s’associer avec les branches professionnelles pour s’inscrire dans la démarche de développement des certifications professionnelles, proposer une offre de formation optionnelle (éligible au CPF et en lien avec les compétences de l’entreprise) que le salarié pourrait demander, développer les partenariats avec les universités et les grandes écoles, élargir le terrain de jeu sur la formation initiale, etc. Il va de soi que les universités d’entreprise se placent au cœur de cette stratégie.
Ces deux tendances contradictoires en apparence, mais complémentaires en réalité, ont un point en commun : elles s’appuient toutes les deux sur le développement de nouvelles formes d’apprentissage, les dispositifs d’accompagnement (coaching, tutorat etc.) et l’apprentissage informel (sur le lieu de travail).
A suivre …
Auteurs : Mehdi Bahri, Senior Consultant ; Laetitia Génot, Consultante RH – Management
Ceci n’est qu’un petit aspect de la réforme: le gros enjeux en terme de politiques RH va concerner la sanction de l’entretien professionnel tous les 2 ans et surtout le bilan à 6 ans: car si 2 actions sur les 3 objet du bilan ( formation + diplôme ou certificat agréé par les branches ou le rncp + une évolution professionnelle ou de salaire ) l’entreprise devra abonder le CFP ( 3000 € pour un temps plein et 3900 pour un temps partiel…) : l’entreprise qui n’aurait rien activé verserait donc l’équivalent d’un 13° mois de salaire au bas mot (ce qui reviendrait à quasiment une augmentation salariale de 3% annuelle). Je ne suis pas certain que tout le monde ait bien perçu les impacts immédiats et futursµ. Ou alors le silence assourdissant actuel signifierait que tout le monde parie sur l’abandon du dispositif d’ici 6 ans….