Depuis décembre 2014, le sujet revient d’actualité : François Hollande a confié à un groupe de députés socialistes de la commission des finances, la mission de réfléchir à la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source. Le projet avait été abandonné suite au départ de Jean-Marc Ayrault en mars 2014. Il semble que l’impopularité du président et le ras-le-bol fiscal des contribuables encouragent le gouvernement à mettre en œuvre ce projet jugé populaire, avant la fin du quinquennat.
Le prélèvement du montant de l’impôt par son employeur
Le prélèvement ou retenue à la source est un mode de recouvrement de l’impôt, consistant à faire prélever son montant par un tiers payeur, le plus souvent l’employeur ou le banquier, au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’impôt. En France, près de la moitié des prélèvements obligatoires, principalement les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée, sont déjà prélevés à la source. Aujourd’hui calculé sur le mode déclaratif, par foyer fiscal, et prélevé l’année suivante, l’impôt sur le revenu serait donc calculé et prélevé de la même manière que la CRG et la CRDS, en amont du versement de la paie des salariés. Et comme la déclaration de la CRG et de la CRDS, l’impôt retenu à la source fera l’objet d’une déclaration dans la DSN dès Janvier 2016.
Un alourdissement de la gestion de la paie des salariés pour les entreprises !
Les entreprises devront intégrer quantités d’informations supplémentaires sur le salarié et son foyer fiscal pour être en mesure de calculer l’impôt sur le revenu.
Il est assez difficile de parler d’avantage apporté par cette réforme pour les entreprises, car elles devront faire face à :
- Une hausse du prix du bulletin de paie : il faudra prévoir à minima d’intégrer de nouvelles rubriques de paie et un mode de calcul de l’impôt.
- Un dossier administratif du salarié enrichi et ultra confidentiel : pour reconstituer le foyer fiscal du salarié, il faut intégrer l’ensemble des revenus de son foyer (y compris ceux du conjoint) et les éléments de déduction (mobiliers/immobiliers/financiers, …) à moins que le législateur ne maintienne un système déclaratif indépendant pour ces éléments.
- Le respect de normes définies par l’administration fiscale et la CNIL, et sans doute des mesures d’inspection des impôts.
- Une mise à disposition des informations du bulletin et du montant de l’impôt auprès des salariés : l’entreprise assurera au salarié la transparence sur sa situation fiscale.
- Une formation des gestionnaires de paie aux nouvelles compétences fiscales afin qu’ils puissent justifier le montant de l’IR prélevé sur le bulletin des salariés.
Un levier d’optimisation des rémunérations ?
Les entreprises pourront indirectement tirer parti des informations collectées sur la situation fiscale des salariés, dans la gestion des salaires et primes, et plus globalement dans l’optimisation de la masse salariale. Il s’agit de moduler les augmentations et la nature de la rémunération en fonction du barème d’imposition (je t’augmente de 5% parce que 6% te fait passer à la tranche d’imposition supplémentaire et va te coûter plus cher). A la DRH de mener l’analyse de sa masse salariale pour identifier les éventuels leviers d’optimisation à l’aide d’experts.
Des avantages en accord avec les attentes des salariés
« C’est un mode de recouvrement relativement simple et « indolore » pour le contribuable, favorisant l’acceptabilité de l’impôt », précise Olivier Indovino, Senior Manager RH chez Kurt Salmon. Par ailleurs, il permet de relier plus étroitement les variations de l’impôt à celles du revenu (le prélèvement à la source offre l’avantage de ne pas avoir à provisionner pour un versement plus tardif –l’année suivante – alors que leur situation financière a peut-être évolué). Enfin, en rapprochant l’impôt sur le revenu des charges sociales CSG et CRDS, les salariés prendront aussi conscience de la fiscalité globale qui pèse sur leur revenu, et de leur réel pouvoir d’achat. Il ne reste plus qu’à payer…la TVA !
Comment organiser la transition la première année ?
L’Etat risque de se priver d’une année de collecte lors de son entrée en vigueur (soit entre 5 et 10 milliards d’euros). Pour ne pas abandonner une année d’imposition, il pourrait prévoir d’étaler l’impôt de cette « année de transition » sur plusieurs années (durant lesquelles les contribuables devraient payer l’impôt dû au titre de l’année en cours et de « l’année de transition »). Si l’exercice est difficile à mettre en place, il aura au moins le mérite de faire entrer davantage de trésorerie.
Ce qui n’est pas dans le projet de loi
Pour l’Etat, il doit bien y avoir quelques puissants arguments ? La diminution des risques de fraude fiscale est modestement énoncée (mais non mesurée) ainsi que la réduction des coûts du prélèvement (il est moins coûteux de prélever les entreprises que des individus plus nombreux) qui devrait se traduire par une optimisation des effectifs de l’administration fiscale.
Auteurs : Claire Chaumais, Senior Consultante, RH – Management