Sauf énorme surprise, le rapprochement de la Fnac et de Darty va se concrétiser dans les semaines et les mois qui viennent. Le développement des acteurs de la distribution sur internet se poursuivant, celui-ci apparaît comme une nécessité pour ces deux institutions emblématiques du commerce physique. L’autorisation de l’autorité de la concurrence qui pourrait intervenir dans les prochaines semaines ne sera que la première, et pas la plus complexe, des étapes de ce projet.
70% à 90% des fusions échouent à créer de la valeur
La nouvelle entité devra identifier et réaliser les synergies (chiffrées à 85 millions d’euros par un cabinet d’audit) qui permettront à l’union des deux enseignes de demeurer un acteur important dans les activités de la distribution (rappelons qu’entre 70 et 90% des fusions échouent à créer de la valeur selon la Harvard Business Review).
Cette réorganisation, qui aura à n’en pas douter des conséquences directes sur l’emploi, ne pourra aboutir à un succès sans se préoccuper des cultures, des collaborateurs et de leurs représentants. Quel accompagnement à mettre en œuvre pour réussir le rapprochement d’entreprises aux cultures radicalement différentes ? Comment assurer la sauvegarde des talents ? Quelle stratégie de concertation adopter auprès des partenaires sociaux ?
Autant de questions essentielles à poser et à résoudre pour faire de ce projet un succès économique, financier et humain.
Concilier des cultures fortes et différentes
D’une part, la Fnac valorise l’innovation et la passion, et fait face à une crise identitaire liée au déclin de ses ventes, en particulier sur les produits culturels.
D’autre part, Darty encourage plutôt l’esprit de service et la solidarité, dans une culture plus généralement entrepreneuriale.
La conciliation des cultures et des méthodes de travail doit être pensée dès maintenant et traitée comme un objectif à part entière.
Accompagner des collaborateurs déjà sous tension
Parallèlement à cela, il est essentiel de tenir compte du fait que même en amont du rapprochement, les collaborateurs des deux enseignes font déjà face à des niveaux de stress importants liés aux performances économiques actuelles.
S’assurer que les collaborateurs de la nouvelle organisation sont dans de bonnes dispositions pour garantir l’avenir de l’entreprise est donc une nécessité. Des efforts en matière de Qualité de Vie au Travail, et en particulier sur le traitement du stress doivent être mis en œuvre.
Plus spécifiquement, identifier les compétences clés et prévoir des moyens de fidéliser les talents est également essentiel pour la pérennité.
Faire le pari du Dialogue social
Les partenaires sociaux, qui ont été informés par voie de presse du rapprochement ont déjà fait publiquement part de leurs inquiétudes.
Si, en théorie, l’opposition des Comités d’Entreprises et des autres instances ne peut bloquer indéfiniment le rapprochement, proposer une démarche laissant la part belle au Dialogue Social et à la Négociation devrait certainement favoriser le succès de la fusion.
Si les conséquences sur l’emploi sont a priori inévitables, amorcer le dialogue au plus tôt devrait permettre d’aboutir à une solution mieux acceptée, et surtout plus rapide qu’un passage en force pouvant mener à un blocage et à des mouvements sociaux. Ces derniers engendrent des perturbations coûteuses de l’activité mais également une grande attention médiatique. Celle-ci peut contraindre l’état ou les administrations locales à prendre position, le plus souvent en faveur des salariés. Cela peut contribuer à encourager les représentants du personnel à durcir leur mouvement.
Les risques à prendre en compte
Si ces enjeux ne sont pas pris en compte et traités à leur juste mesure, le rapprochement s’exposera à des risques de trois ordres, au-delà des problématiques spécifiques aux ressources humaines :
Une perturbation de l’agenda
Ces risques sont principalement liés à la relation avec les partenaires sociaux. En effet, une relation conflictuelle peut impacter très négativement le timing de mise en œuvre des actions de rapprochement et les projets post rapprochement requérant une consultation des instances.
Même si la capacité d’entrave des représentants du personnel a été relativement réduite par la Loi de Sécurisation de l’Emploi de 2013, une posture systématiquement contradictoire peut nuire au déploiement de projets nécessaires à la performance de l’entreprise. Parmi ces projets, un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), un accord de compétitivité emploi ou encore un accord sur le travail le dimanche pourraient contribuer à diminuer les impacts sur l’emploi.
L’émergence de nouveaux coûts
Au-delà des coûts induits par des retards de mise en œuvre, des ressources démotivées représentent une source de coûts non négligeables (CF Article CSP) en matière :
- d’absentéisme
- de stress
- de formation ou de renouvellement des expertises suite au départ de talents ou de compétences clés.
Un impact sur l’image
Alors que les deux premiers risques représentent des implications à très court terme, l’impact en matière d’image est plus difficilement quantifiable. Il est pourtant avéré que le public est de plus en plus sensible à l’engagement des entreprises en matière de responsabilité sociétale et de comportements éthiques lors du choix d’enseigne.
A plus long terme, la marque employeur de la nouvelle entité peut pâtir d’une transition mal gérée et occasionner une difficulté dans le recrutement des talents de demain.
Ces impacts pourraient causer des conséquences très négatives sur les débuts de la nouvelle entité, dont les performances seront scrutées de très près par les investisseurs.
Le plus important est de se préoccuper des hommes le plus en amont possible, plutôt que d’en payer le prix par la suite.
Auteur : l’équipe Social Transformation – RH Management