Une réforme pour quel(s) objectif(s) ?
La réforme du code du travail, dans la lignée du rapport Badinter (voir nos articles à ce sujet : premier épisode et deuxième épisode) revient sur plusieurs sujets clefs du droit du travail et répond à un objectif double :
- donner plus de place à la négociation d’entreprise, aussi bien matériellement que par un élargissement des sujets ouverts à négociation. Elle offre plus de pouvoir au dialogue social en entreprise et promeut l’accord d’entreprise pour trouver des compromis sociaux en faveur de la compétitivité et le maintien dans l’emploi
- rendre plus lisible le code du travail pour les salariés, les entreprises et les juges
Tour d’horizon des principales mesures et changements de la réforme
Temps de travail – majoration des heures supplémentaires
Aujourd’hui la loi encadre le temps de travail et la rémunération des heures supplémentaires (celles effectuées au-delà des 35 heures). Ainsi, les 8 premières heures supplémentaires bénéficient d’une majoration égale à 25 % du salaire horaire et 50% au-delà (à compter de la 44ème heure). Les accords de branche peuvent cependant modifier ces seuils, sans pour autant aller en deçà d’un minimum de 10%.
Le projet de réforme propose : de donner la possibilité aux entreprises, par accord, de moduler ces majorations. Tout en respectant le seuil plancher de 10%, les entreprises pourront descendre sous la majoration de 25% appliquée majoritairement par les branches.
Temps de travail – durée de temps de travail
Aujourd’hui la loi permet de dépasser la durée légale de travail tout en respectant certaines limites :
Le projet de réforme propose : d’assouplir la durée quotidienne de travail. Si un accord de branche ou d’entreprise le prévoit, les salariés pourront travailler jusqu’à 12H sans demande préalable à l’inspection du Travail. Dans le même schéma, la durée hebdomadaire pourrait aller jusqu’à 44h en moyenne (calculée sur une période de 16 semaines (ou 46h en cas d’accord).
Temps de travail –application des forfaits jour
Aujourd’hui il existe trois types de conventions de forfait. Les forfaits en heures sur une semaine ou un mois, la convention de forfait annuel en heures et la convention de forfait annuel en jours. Pour mettre en place les deux dernières formes de conventions, l’entreprise doit conclure un accord collectif qui fixe le cadre, les limites, les règles applicables etc….
La réforme du code du travail propose : d’autoriser les entreprises à mettre en place des conventions annuelles (heures ou jours) dans les entreprises de moins de 50 salariés sans accord préalable. Les règles et garanties minimales sont fixées par l’employeur.
Rupture du contrat de travail –Licenciement économique
Aujourd’hui l’article L 1233-3 du Code du Travail dispose « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques »
La réforme du code du travail propose : que cette définition soit complétée dans sa dernière partie. Ainsi nous aurions « […] d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:
- à des difficultés économiques, caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs semestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément à justifier de ces difficultés
- à des mutations technologiques
- à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
- à la cessation d’activité de l’entreprise»
A défaut d’un accord de branche définissant ces éléments, la durée de « baisse des commandes ou du chiffre d’affaires » sera de 4 trimestres consécutifs, celle des « pertes d’exploitation » d’un semestre. Cette appréciation se fait au niveau de l’entreprise ou si elle appartient à un groupe : « au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient ».
Rupture du contrat de travail –Indemnités prudhommales en cas de licenciement
Aujourd’hui lorsqu’un employeur licencie un salarié sans cause réelle et sérieuse, ce dernier reçoit des indemnités prudhommales. Ces indemnités, appréciées par le juge, sont variables Le coût de la rupture constitue donc une inconnue pour l’employeur et par conséquent, un frein lors de l’embauche. Il existe toutefois un plancher d’indemnités pour les salariés de + 2 ans d’ancienneté (dans une entreprise de + 11 salariés) égal à 6 mois de salaire brut moyen.
La réforme du code du travail propose d’encadrer le montant de ces indemnités, en fonction de l’ancienneté, tel que :
Aujourd’hui les droits acquis par les salariés sont en majorité liés à leur statut. Ces dispositifs sont peu adaptés aux mutations du marché du travail. Par ailleurs, leur lisibilité pour les salariés est complexe et parfois confuse.Acquisition de droits –Compte Personnel d’Activité
La réforme du code du travail propose de mettre en place un portail unique réunissant les droits des personnes, tels que le CPF ou le compte pénibilité.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur : le CPA, pour quoi ?
Négociation – Accord de maintien de l’emploi
Aujourd’hui les entreprises peuvent mettre en place des accords de maintien de l’emploi en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles (NB : un accord de maintien dans l’emploi permet de maintenir l’emploi des salariés en contrepartie d’un aménagement du temps de travail et de la rémunération).
Ce type d’accord qui est prévu pour une durée limitée est soumis à plusieurs conditions telles que l’application à un périmètre réduit (une seule partie des effectifs) ou l’ampleur des difficultés économiques dont le diagnostic est opéré en relation avec les organisations syndicales.
La réforme du code du travail propose d’élargir le champ d’application de ce type d’accord, hors de la condition de difficulté économique. Il s’agirait donc de pouvoir moduler le temps de travail et la rémunération d’une partie des salariés dans un objectif de développement de l’emploi (par exemple dans le cadre d’un accroissement de l’activité). Pour autant, l’employeur ne peut utiliser ce type d’accord pour modifier la rémunération mensuelle des salariés. Les salariés, si l’accord est accepté à majorité, se verront par ailleurs imposer l’accord sous peine de licenciement pour motif personnel.
Négociation – Validité d’un accord collectif
Aujourd’hui, un accord d’entreprise est valide s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections du comité d’entreprise (CE) et ne pas avoir fait l’objet d’une opposition de la part d’une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés au premier tour des élections du CE.
La réforme du code du travail propose d’appliquer la règle de l’accord majoritaire – selon laquelle seul un accord signé par des syndicats représentant au moins 50% des salariés concernés serait valable. Cependant, si l’accord n’a pas obtenu la majorité des 50% mais a été signé par les syndicats représentant au moins 30% des salariés, l’employeur pourra le soumettre à référendum. L’accord sera valide s’il est approuvé par au moins la moitié des salariés à la majorité des suffrages exprimés.
Autre avancée, en cas de dénonciation d’un accord, la notion d’avantages individuels acquis sera substitué par un maintien de la rémunération perçue.
En mars, ne ratez pas les avancées du projet de réforme du code du travail et retrouvez les sur le blog RH Kurt Salmon.
Auteur : Basilia Leclercq, Consultante
Ce projet de loi vise à favoriser les accords et conventions collectifs et supprimant des aspects du droit du travail, ce qui n’est pas au goût des syndicats de salariés