Ordonnances Macron : la flexibilité des contrats de travail, quels impacts pour le salariat ?

Demain, quelle sera la norme : CDI, CDD, intérim, CDI de projet ou freelance ?

Le 22 septembre 2017, Emmanuel Macron a signé 5 différentes ordonnances sur le Code du Travail, réformant, entre autres, le salariat, en rendant plus flexibles certains contrats de travail : le CDD, le contrat de mission temporaire et le CDI de chantier. Ces changements sont effectifs pour tous les contrats signés depuis le 24 septembre 2017.

Décryptage de l’ordonnance n°3, chapitre 2 :

un CDD assoupli et un CDI de chantier élargi

La flexibilité des contrats de travail est maintenant entre les mains de la branche : de nouvelles prérogatives lui sont accordées.

Désormais la convention ou l’accord de branche primera sur les dispositifs législatifs. Ainsi, ce sont les branches qui décideront de :

  • La durée totale du CDD – auparavant max. 18 mois
  • Le nombre de renouvellements du CDD – plafonné à 2, avant
  • La durée du délai de carence – avant, équivalente au tiers de la durée du contrat venu à expiration s’il excédait les 14 jours et à la moitié de la durée du contrat, sinon.
  • L’utilisation (ou non) du CDI de projet dans la branche : le CDI de projet est identique au CDI de chantier et s’applique à des projets qui, comme les chantiers, sont éphémères et pour lesquels il est difficile de définir précisément une date de fin.

La branche a ainsi la possibilité de lever le délai de carence, d’augmenter la durée totale et le nombre de renouvellements du CDD ou, au contraire, de limiter et rigidifier l’utilisation du CDD.

Autre changement clé prévu par cette ordonnance, l’assouplissement de la requalification du CDD en CDI : l’excès de 2 jours à la transmission du contrat ne suffira plus à lui seul à la requalification du contrat. La durée tolérée pour la transmission n’étant pas précisée, ni les autres éléments à apporter, ce sera à la Cour de cassation de trancher en dernier lieu.

Toutefois, bien que les décisions soient à la discrétion de la branche, à défaut de stipulations, les dispositions législatives supplétives s’appliqueront : les plafonds restent identiques, à quelques exceptions près. Il nous reste donc à guetter les décisions prises par les branches…

Une appréciation « domaine par domaine »

pour faire face aux réalités changeantes du monde de travail

Ubérisation, télétravail, génération Y… Le monde du travail a connu des changements de fond depuis dix ans sans pour autant de remise en cause de la nature du salariat.

Les ordonnances Macron changent-elles la donne ?

Le CDI, jusqu’ici ultradominant, est-il pour autant toujours adapté au marché du travail français ?

Petit rappel sur l’état du marché de travail français

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Le recours grandissant au CDD (85% des nouvelles embauches en 2016) ou à l’intérim (+10% en 2016) a révélé l’inadaptation du CDI à l’ensemble des secteurs et à nos modes de vie, sans oublier le nombre croissant de freelances et de travailleurs indépendants.

À travers ces ordonnances, Emmanuel Macron a fait le pari de la flexisécurité. En apportant plus de flexibilité aux CDD et CDI de chantier, il entend :

  • Fluidifier le marché du travail en encourageant le CDD, par l’assouplissement de sa gestion temporelle et par la limitation du risque de requalification
  • Redonner du sens au travail et adhérer à ses nouvelles valeurs grâce au CDI de projet, qui fait de l’employabilité, une nouvelle forme de sécurité de l’emploi, en facilitant le recrutement et en soutenant la volonté des nouvelles générations de multiplier missions et expériences

Ces impacts sont toutefois à relativiser. Le saviez-vous ? Seuls 30% des CDD ont une durée supérieure à 1 mois. Or, le CDI de projet et le CDD assoupli faciliteraient surtout les contrats longs (soit une minorité de CDD).

Quant à la situation de l’emploi intérimaire et des CDD de courte durée, des dispositions en faveur d’une flexibilité responsable existent pour l’améliorer : par exemple, le CDI intérimaire, déjà en vigueur depuis 2014.

Mais alors, quelles seront les industries susceptibles d’adopter le CDI de projet ?

En pratique, le CDI de projet n’est pas adapté à l’ensemble des secteurs – d’où le fait que son utilisation soit laissée à la discrétion de la branche. Pour autant, il pourrait apporter une flexibilité à certaines industries qui peinent à recruter efficacement, notamment dans les métiers de l’informatique, de l’encadrement ou des nouvelles technologies et SSII.

Jusqu’à présent, pour des entreprises travaillant en « mode projet », aucune solution n’était idéale : le CDI classique pouvait être trop engageant, le CDD trop contraignant et le recours aux freelances, coûteux. Le CDI de projet a des atouts qui pourraient ainsi séduire à la fois les collaborateurs et les employeurs :

  • L’employeur peut licencier le collaborateur pour motif personnel dès la fin du projet, comme convenu dans les modalités. C’est une démarche qui simplifierait la gestion contractuelle en l’alignant à celle du projet, et limiterait le coût de l’intermission.
  • Au terme du projet, le collaborateur licencié est maintenu prioritaire pour intervenir sur un prochain projet, ce qui permet à l’entreprise d’animer un vivier de talents qualifiés et à l’individu, s’il le souhaite, de repartir sur un autre projet au sein de l’entreprise : un gain de temps et d’argent pour les deux partis
  • Il se traduit, pour les collaborateurs, par l’accès au salariat pour certains, donc par plus de facilité pour obtenir un prêt ou un logement mais surtout par plus de flexibilité pour démultiplier ses expériences et améliorer son employabilité

Le CDI de projet pourrait même s’avérer être une solution intéressante pour des équipes temporaires – qui ont vocation à disparaitre une fois leur mission accomplie (ex.: transition digitale) – ou pour des startups early stage, qui voudraient donner plus de sécurité à leurs premiers employés, bien souvent à leur propre compte au début, pour laisser plus d’agilité à la startup en attendant la réussite du projet. Ce nouveau type de contrat pourrait rapidement changer le paysage.

Salomé Bidaux, Consultante People & Change

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