De l’importance de prendre soin de son management pour devenir une entreprise où il fait bon travailler
D’un phénomène anecdotique il y a une dizaine d’années, où les termes bien être et travail étaient rarement associés, nous sommes devenus aujourd’hui les premiers témoins de l’évolution de notre vision, mais également de la place que nous donnons au travail. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’effectuer une recherche sur le bien-être et la satisfaction au travail dans des bases de données tels que Google pour réaliser qu’il existe plusieurs milliers d’articles à ce sujet.
La notion même de bien-être reste floue car elle est sujette au débat entre plusieurs écoles de pensées (notamment hédoniste et eudémonique). Nous pourrions toutefois simplifier cette notion en suivant celle donnée par le Larousse1, qui le définit comme étant la « satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Ce sujet populaire a donc donné naissance à de nombreux classements traitant du bien-être, notamment au travail comme celui d’« HappyTrainees » ou de « GreatPlaceToWork », mais a aussi permis la publication de nombreux articles dans la presse généraliste et spécialisée… Et ne peut aujourd’hui plus être ignoré des entreprises.
Le bien-être au travail : une population souvent oubliée des débats
Cependant, le relai de tous ces changements, pourtant essentiel dans le développement du bien-être au travail, est de façon surprenante souvent absent du débat ! Nous parlons bien entendu des managers. Mais pourquoi est-il si difficile de trouver des informations sur le bien-être des managers ?
La notion même de manager est bien souvent associée, à tort, à celle de cadre. En France, faire partie des 4,3 Millions de cadres ne signifie pas être dans l’encadrement des équipes2. En effet, cette notion, différenciée selon les conventions collectives des organisations, peut être définie comme étant une personne occupant une fonction de dirigeant, de manager ou bien travaillant dans une profession intellectuelle supérieur. Dans les faits, les managers occupant une place minoritaire dans la population active, il est donc de prime abord logique qu’elle occupe une place moins importante dans les recherches ciblées sur le bien-être au travail. De plus, l’atteinte de certifications et de labels tels que « GreatPlacetoWork » valorise l’atteinte collective d’un sentiment de satisfaction au travail, elle se focalise donc peu sur les fonctions ayant une présence minoritaire dans l’entreprise. Comment pouvons-nous donc mesurer la satisfaction au travail de cette catégorie de la population active ?
Dans les faits, il est difficile de trouver des données spécifiquement orientées sur les fonctions d’encadrement. Toutefois, il existe une réalité présente dans nos entreprises agiles et innovantes : selon une étude d’Audencia Business School et BVA3, seulement 29% des jeunes diplômes souhaitent devenir managers. Cette étude vient également appuyer ce propos avec uniquement 20% des salariés français ayant pour ambition de devenir manager. Mais pourquoi cette fonction suscite-t-elle un si faible engouement ?
Un lien direct entre les difficultés traversées par la fonction et son faible attrait auprès des salariés
« La critique est aisée, mais l’art est difficile ». En effet, cette maxime se retrouve dans l’exercice du métier de manager : Ils ont de très nombreuses responsabilités auxquelles il est parfois difficile de concilier la notion de bien-être au travail.
Dans la réalité, ils doivent avoir la capacité à s’adapter à un nombre important d’interlocuteurs différents (responsables hiérarchiques, membres de leur équipe, clients, organisations syndicales…), avec des contextes parfois difficiles (application des décisions et de la stratégie de la direction malgré un désaccord éventuel ou gestion de stress intense en période de crise financière) tout en étant coach, manager et responsable des actions de l’équipe. Ils ont également le devoir de se rendre disponible sur des plages horaires étendues (fait renforcé avec les outils digitaux), de prendre et d’assumer des décisions pour une équipe et de progresser dans un métier et un environnement en constante transformation. Ils doivent être porteurs de sens auprès de leurs équipes et ce malgré une impression partagée par un nombre croissant de cadres que leurs métiers manquent de concret et d’utilité dans la société. Enfin, ils ont aussi la lourde responsabilité d’atteindre leurs propres objectifs, tout en étant les garants de l’atteinte des objectifs des membres de leurs équipes !
Les nouveaux modes de travails ne facilitent également pas la situation des managers. En effet, la frontière entre les champs d’actions du manager et de ses collaborateurs tend à se confondre, mais la responsabilité des premiers en cas d’échec elle, existe toujours ! De surcroît, l’arrivée du digital induit de nouvelles attentes des collaborateurs : plus de confiance, plus de liberté mais également plus de disponibilité de la part des responsables. Les organisations, devenant de plus en plus horizontales, remettent en cause la légitimité de l’encadrement, qui doit se trouver de nouveaux moyens de prouver son utilité auprès d’équipes devenues plus exigeantes. Cette évolution devrait nécessiter un accompagnement particulier, mais la réalité nous montre que le coaching est toujours réservé en majeure partie aux dirigeants d’une entreprise et non aux managers opérationnels. Les grands programmes de transformation apportent eux aussi leurs charges de travail, car les managers sont souvent les 1ers relais de la transformation en entreprise : on les encourage à faire preuve de leadership, à relayer les messages de la direction alors qu’ils sont également les premiers à supporter les impacts dus aux résistances des salariés. Pourtant, cette charge supplémentaire de travail se rajoute souvent à une fiche de poste souvent floue en termes de responsabilités, et devient donc facteur de stress, de surmenage et de démotivation.
Des leviers de bien-être au travail similaires entre managers et collaborateurs
Tout comme n’importe quel salarié, les managers possèdent les mêmes sources de satisfaction au travail. Peter Warr, de l’institut de psychologie du travail de l’université de Sheffield en Angleterre en propose une synthèse assez exhaustive du bien-être au travail :
- Avoir un niveau de contrôle personnel suffisant sur son travail
- Avoir la possibilité d’utiliser ses compétences et d’en apprendre de nouvelles
- Avoir des objectifs clairs, atteignables, cohérents et stables
- Bénéficier de missions variées
- Avoir des contacts interpersonnels de qualité avec son équipe/manager/clients
- Percevoir une rémunération satisfaisante
- Bénéficier d’une sécurité physique
- Avoir une valorisation sociale grâce à sa fonction
- Avoir un appui de la part de sa hiérarchie tels que la reconnaissance et de la considération
- Avoir des perspectives d’évolutions horizontales ou verticales
- Etre traité de manière juste comme tous les employés d’une société
Ainsi, nous constatons qu’il existe donc une pléthore de solutions disponibles afin de contribuer au bien-être des salariés. Robert Sabatier nous explique qu’« Affirmer qu’il n’y a pas de problème en est pour beaucoup la solution ». Cette citation faisant écho aux décisions prisent par de nombreuses entreprises, nous préférons donc opter pour l’action !
Quelques pistes à creuser pour développer le bien-être au travail des managers
Ces différents aspects doivent être adaptés aux situations et aux environnements des managers. Voici donc plusieurs idées, sans doute déjà appliquées dans certaines entreprises mais qui ont le mérite de pouvoir s’adresser spécifiquement à la population des managers.
Le feedback 360° en est une. En effet, trop peu de managers reçoivent de feedback des personnes qu’ils managent. Le modèle standard fait que le feedback se donne de manière descendante et rarement ascendante. Or, qui de mieux que les salariés exposés chaque jour à l’encadrement du manager pour lui donner un retour sur ses compétences dans ce domaine ? Si le feedback est prodigué dans un cadre bienveillant, basé sur des faits et a pour but de faire progresser la personne concernée, celui-ci peut donner la reconnaissance, favoriser les échanges mais également donner du sens à la fonction du responsable. Cette nouvelle façon de travailler nécessite toutefois un accompagnement, car de nombreux responsables ne sont pas encore prêts à se faire évaluer par les équipes, malgré tous les bénéfices que cette méthode peut représenter.
Une deuxième idée consisterait à bloquer les connexions ainsi que les messages durant les heures non travaillées. En effet, la mission du manager étant de recueillir le maximum d’information afin de guider ses équipes dans un environnement complexe et incertain selon Mintzberg, celui-ci peut rapidement être submergé par l’ampleur de ses responsabilités. A cela se rajoute une disponibilité étendue aux horaires de travail de ses équipes mais également auprès de ses responsables nous donnent une situation où le manager sera de facto plus exposés aux longues semaines de travail. Ce droit à la déconnexion serait donc un moyen pour les managers de bénéficier d’un meilleur équilibre vie personnelle/vie professionnelle, de leur offrir un meilleur contrôle sur leur métier et inciterait à une responsabilisation des équipes qu’ils dirigent.
En effet, la troisième idée suit l’évolution de la posture du manager. Dans un contexte où le fonctionnement des entreprises se fait de plus en plus autour de projets, et parfois à distance notamment avec le télétravail, le manager peut confier une partie de ses responsabilités auprès de salariés devenus chef de projets de manière ponctuelle. Cela nécessite la création d’une relation de confiance mais aussi un certain lâcher-prise, auxquels certains managers ne sont pas habitués. Ainsi, cela leur laisse l’opportunité d’’occuper un rôle d’accompagnateur et de coach, où la perspective d’un management à l’horizontale comporte une pléthore d’avantages. En effet, le partage des responsabilités, l’opportunité laissé à plus de personnes de monter en compétences dans le domaine du management et le changement de paradigme induit par l’évolution de la posture de manager permet une meilleure proximité entre salariés, une meilleure compréhension des enjeux de chacun et également une meilleure considération mutuelle.
Comme nous avons pu le constater, le bien être des managers dans l’entreprise n’est peut-être pas un axiome. Cependant, nous avons la profonde conviction qu’il est possible de compléter ce célèbre adage « On rejoint une entreprise pour son image, on y reste pour l’intérêt du travail, et on y est bien grâce à son management ». Prenez soin de vos managers, et ils prendront soin de vous !
Alexandre Bastide, consultant People & Change, et Jessica Le Loarer, consultante senior People & Change
Sources
1 : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bien-%C3%AAtre/9159
2 : http://www.cadre-dirigeant-magazine.com/actu/social-emploi/cadre-france/
3:http://www.faculte-recherche.audencia.com/fileadmin/user_upload/Chaire_innovations-manageriales/Valorisation/CP.pdf