A la recherche de l’intelligence perdue

L’intelligence collective, catalyseur de la (trans)formation des collaborateurs et de nos organisations ?

“Pour l’humain, l’intelligence est indissociable du collectif” démontre Emile Servan-Schreiber dans son dernier livre, Supercollectif. Force est de constater que dans nos structures actuelles, nous avançons bien souvent en silo, jusqu’à en oublier l’essence, la force du collectif : son intelligence. Et si la solution avait toujours été juste sous notre nez ?

Pourquoi parle-t-on autant d’intelligence collective aujourd’hui ? D’où vient ce renouveau d’intérêt ?

L’intelligence collective, c’est quoi au juste ?

Sa définition peut tout autant faire débat que celle de l’intelligence artificielleet en effet, il en existe déjà une multitude. Dans le contexte de l’entreprise et des organisations, j’apprécie la justesse de la formule de Bernard Besson : “l’intelligence collective est un multiplicateur des intelligences individuelles[…] elle est la coordination des intelligences de l’entreprise” (2002).

Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience sans le savoir : lors d’un atelier de créativité, de travail, avec ou sans facilitateur ou pendant une formation. Lorsque vous avez travaillé avec un binôme que vous ne connaissiez pas et avez réussi, en un temps record, à produire ou imaginer une solution qui marche, construire un argumentaire en béton et convaincre vos pairs. L’intelligence collective c’est cette étincelle inattendue. Mais sait-on reproduire les bienfaits collectifs d’un atelier à l’échelle d’une organisation ?

Je vous pose vraiment la question : à quoi ressemble une entreprise qui capitalise pleinement sur le potentiel de l’intelligence collective, c’est-à-dire, sur son intelligence ?

L’intelligence collective, expression du nouveau paradigme intergénérationnel ?

La digitalisation croissante de nos organisations, et surtout celle de nos vies, redéfinit nos interactions dans les espaces de travail et nos attentes à l’égard des dispositifs mis en place par notre entreprise pour travailler. Oui, la génération des millennials revendique du télétravail, des espaces de coworking (plutôt que des open spaces glaçants), du multi-tasking, du mode projet… Plus qu’une simple nouvelle façon d’appréhender le travail, il s’agit là d’une tendance de fond. Si je peux me faire livrer en moins de 2h un nouvel ordinateur, ou commander une pizza en 3 clics, pourquoi dois-je encore dans mon entreprise faire mes notes de frais à la main ou attendre 3 jours pour que mon PC soit réparé ? En France, le progrès technique dans notre vie quotidienne est transgénérationnel et il influence positivement le monde du travail. Il pousse les organisations à se digitaliser, certes, mais surtout à repenser les façons de travailler, en collectif — ce que nous appelons chez Wavestone, les New Ways of Working.

Ce changement culturel de fond, dont l’impulsion vient des collaborateurs et de la détérioration de leur perception de la qualité de vie au travail, fait resurgir l’intelligence collective au sein des organisations, tel un buzzword. Intelligence collective rime alors avec d’autres tendances, parfois utilisées à outrance et pouvant sonner creuses : innovation ou design thinking. Ce que nous vivons aujourd’hui dans la société civile — un souhait de convergence vers plus d’intelligence (collective) — se reflète au sein des entreprises. Il y a urgence de comprendre à la fois ce qu’est l’intelligence collective et comment la libérer.

Quand l’intelligence collective change la donne

Une question sous-jacente serait plutôt “Pourquoi n’en reparle-t-on quemaintenant ?” Ce n’est pas là un concept nouveau, et sans vous faire ici l’historique de l’intelligence collective, nous l’observons depuis longtemps dans le règne animal avec les fourmis ou les abeilles. Mais nous n’en parlons que maintenant car la structure actuelle de l’entreprise est remise en cause. Elle ne semble pas adaptée à l’intelligence collective.

Nombre de nos clients souhaitent devenir plus “agiles” ou développer le “mode projet” dans leur approche business, pour rester pertinent, innover et faire face à la concurrence. Leurs tentatives de flexibilité et d’agilisation s’embourbent bien souvent dans de la réunionite aiguë, de l’administration procédurière et ont un impact négatif sur la vie du collectif. Pourtant, c’est au nom du “collectif” que nous multiplions encore et toujours ces réunions, que nous justifions certains choix dits ‘d’équité’, préférant faire passer le collectif normalisé devant la reconnaissance de performances individuelles exceptionnelles qui, pourtant, servent ledit collectif. En d’autres termes, dans leurs efforts d’innovation, l’intelligence collective est sapée.

“La convenance du collectif se limite à des schèmes d’actions préfabriqués, valables pour tous et donc pour personne.” — Nicolas Bouzou et Julia de Funès dans La Comédie (in)humaine

L’intelligence collective a toujours existé, mais pour qu’elle bourgeonne et s’épanouisse dans les organisations, elle demande à repenser leur structure pyramidale pour une structure plus holacratique (ou holomidale selon Jean-François Noubel), sans quoi elle ne reste qu’un état d’âme, une envie, un simulacre. Votre entreprise est-elle prête à se remettre en question structurellement pour que tous contribuent “au bien de l’entreprise et non de son département” et se mettent “au service du projet commun” ? Êtes-vous prêts à réellement accueillir l’audace des collaborateurs pour innover ?

“Le collectif, au sens où l’entend généralement l’entreprise, est motivé par le confort pour les plus paresseux des salariés de se reposer sur le groupe et la crainte de laisser les individus agir à partir d’eux-mêmes, alors que ce serait la meilleure façon d’être efficaces ensemble. Les entreprises évoquent en permanence l’audace, l’initiative, la créativité, l’innovation, mais l’obsession du collectif les empêche parfois de les pratiquer.” — Nicolas Bouzou et Julia de Funès dans La Comédie (in)humaine

Le paradoxe de l’intelligence collective c’est qu’il ne faut pas penser collectif mais bien se recentrer sur les individus, leurs particularités, leurs divergences d’opinion (et leur ouverture d’esprit !). L’intelligence collective permet de mobiliser effectivement les compétences (Pierre Lévy), de capitaliser sur le collectif à bon escient : il en est de la survie de l’entreprise pour rester pertinent (Stephen Shapiro), pour accélérer la prise de décision, l’innovation et maintenir les avantages compétitifs.

L’intelligence collective, par où commencer ?

Ne pas confondre “intelligence collective” et “travail d’équipe”

Il ne suffit pas d’un collectif pour avoir de l’intelligence collective, aussi intelligents soient les personnes constituant le collectif. Car après tout, il est possible que tout le monde ait tort. Toutefois c’est un vrai travail d’équipe. “On parle métaphoriquement, d’ “intelligence” collective lorsqu’un groupe social peut résoudre un problème dans un cas où un agent isolé en serait incapable” (Bonabeau 1994)

Dans Supercollectif : La nouvelle puissance de nos intelligences, Emile Servan-Schreiber se base sur ses années de recherche et son expérience avec Hypermind (création de marchés prédictifs consolidant l’intelligence collective d’un panel de prévisionnistes sélectionnés au mérite et à la performance), pour nous faire explorer l’intelligence collective sous divers angles — dans l’entreprise, sur les marchés prédictifs ou en société. Il est possible de mesurer le QI d’un groupe, et il développe notamment comment la composition du groupe (proportion de femmes, ouverture d’esprit, divergences d’opinions…) fait varier le QI collectif. Il prône la diversité d’opinions du groupe, comme compensation d’un manque d’expertise potentiel. Selon lui, le QI collectif est indépendant de la somme des QI individuels : il émerge plutôt du QE (Quotient Emotionnel) de chacun. Emile Servan-Schreiber prend l’exemple du cabinet du président américain Donald Trump, qui se complaisait dans l’idée d’avoir composé son cabinet de personnes dotées d’un QI largement supérieur à la moyenne, mais qui pour autant avait perdu plus de la moitié de son effectif d’origine…

“None of us is as smart as all of us” — Ken Blanchard (Aucun d’entre nous n’est aussi intelligent que l’ensemble d’entre nous)

Notre capacité à créer du lien, développer une densité de connexions et organiser un réseau sont au cœur de cette intelligence. Elle est “l’art de maximiser simultanément la liberté créatrice et l’efficacité collaborative” (Perret Clermont 2003).

Pour fabriquer son intelligence, il suffit de ne pas être passif : c’est la passivité qui tue nos neurones et il en va de même pour l’intelligence collective. Il faut utiliser le collectif et le faire travailler ensemble pour que chacun développe son QE et ainsi contribue à une dynamique d’équipe positive et productive, et de fait qui valorise le QI collectif.

“ “Réussir” est devenu l’obsession générale dans notre société, et cette réussite est mesurée par notre capacité à l’emporter dans des compétitions permanentes. Il est pourtant clair que la principale performance de chacun est sa capacité à participer à l’intelligence collective, à mettre en sourdine son “je” et à s’insérer dans le “nous”, celui-ci étant plus riche que la somme des “je” dans laquelle l’attitude compétitive enferme chacun.”— Albert Jacquard dans Mon utopie

Rendre l’entreprise intelligente, c’est donc libérer son intelligence collective par l’action, l’audace et l’esprit d’initiative des salariés.

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Article rédigé par Salomé Bidaux, consultante People and change chez Wavestone.

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