Nous n’entendons plus parler que de révolution digitale en entreprise, de l’employé nomade, ultraconnecté, et de nouveaux modes de travail et métiers liés aux technologies digitales (tablettes et smartphones). Est-ce que le télétravail vient au premier rang des nouveaux modes de travail dans les entreprises digitales ? Est-ce qu’il figure dans la stratégie RH des entreprises françaises ?
Tout d’abord, revenons à la définition du télétravail que nous propose le nouvel article L 1222-9 du Code du travail, adopté en mars 2012 : « sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci ».
Le télétravail au sens du Code du travail est exécuté « de façon régulière et volontaire », donc ne s’applique pas à l’exercice occasionnel d’une activité hors des locaux de l’entreprise, ni à une activité ponctuelle ne pouvant se faire dans les locaux de l’entreprise. Un cadre commercial travaillant de chez lui ponctuellement n’est pas un télétravailleur au sens de la loi.
Ce sont majoritairement les grands groupes et ETI qui pratiquent le télétravail, et dans des activités de commerce, de l’énergie et du numérique. D’après un article des Echos du 14/10/2014, 62,8% des salariés en télétravail appartiennent au secteur de l’information et la communication. Depuis 2005, 60 à 70 accords-cadres portant sur le télétravail ont été signés. Ils concernent des entreprises des secteurs de la banque et de l’assurance (AXA, la Banque Postale, Crédit Agricole, Macif…), de l’informatique et du consulting (Accenture, Capgemini, Hewlett-Packard, Oracle…) et quelques grosses entreprises industrielles (L’Oréal, Renault, Danone…). Le site internet de l’Observatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ergostressie (Obergo) a recensé ces accords.
Les PME et TPE pratiquent le télétravail de manière informelle, sans accords-cadre, en s’appuyant sur le règlement intérieur.
L’employeur ne semble pas avoir d’obligations précises pour mettre en place le télétravail, d’après les 3 articles L1222 du code du travail. Cependant il existe des obligations matérielles induites par ce mode de travail : il doit fournir et installer le matériel dont le salarié a besoin (ordinateur, logiciels, téléphone portable…) et en assurer la maintenance ; il a aussi l’obligation de veiller à la sécurité et à l’adaptation de son poste de travail, et de s’assurer de la conformité de l’installation électrique de son logement (art. 7 et 8 de l’ANI de 2005).
Certaines entreprises se contentent d’une attestation sur l’honneur, d’autres exigent un diagnostic par une entreprise agréée (dont elles prennent en charge le coût). Des visites de contrôle des conditions de travail, rares en pratique, peuvent également avoir lieu, sous réserve de l’accord préalable du salarié.
Enfin, le salarié doit informer son assureur d’habitation de son télétravail. « L’assurance multirisque habitation doit couvrir les conséquences du télétravail, comme les dommages que le matériel professionnel pourrait causer à ses biens personnels. Les garanties doivent également être étendues au matériel professionnel mis à disposition par l’employeur », précise la Macif dans ses accords. Si cela entraîne une augmentation de la prime d’assurance, ce surcoût doit être payé par l’entreprise.
La mise en place du télétravail s’accompagne donc de frais qui ne sont pas à négliger d’autant plus qu’ils sont difficilement quantifiables. La loi impose à l’employeur de prendre en charge « tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci » (art. L 1222-10 1° du code du travail). L’abonnement internet personnel de l’employé est remboursé au moins à hauteur de son usage professionnel. Quant au dédommagement versé pour l’occupation à titre professionnel de son logement personnel (frais d’électricité, de chauffage…), elle prend souvent la forme d’une indemnité forfaitaire journalière (de quelques euros) ou mensuelle, soumise au paiement des cotisations sociales (salariales et patronales).
Autre point assez flou du télétravail : le temps de travail du salarié en télétravail est-il compté ? Les télétravailleurs apprécient ce mode de fonctionnement pour la souplesse et la liberté qu’il offre, mais leurs horaires de travail doivent néanmoins être contrôlés. L’employeur doit, en effet, justifier du suivi de leur durée de travail. Même s’il s’agit de cadres censés être autonomes dans l’organisation de leurs tâches, et dont le temps de travail est exprimé en nombre de jours travaillés dans l’année (forfait jours), la Cour de cassation exige de l’employeur qu’il veille à ce qu’ils ne dépassent pas les durées maximales de travail (10 heures par jour et 48 heures par semaine.
L’étude menée par Kurt Salmon auprès des DRH au sujet de la digitalisation des entreprises, en octobre 2014, a relevé que 49% des DRH interrogés pensent que la facilité d’accès au télétravail est une attente particulièrement exprimée (par les employés). Ce qui prouve que le télétravail est loin d’être une stratégie RH et une priorité pour les employés, conscients ou non des conditions de sa mise en œuvre.
A suivre,…
Auteur : Claire Chaumais, Senior consultante, RH – Management
Les évolutions technologiques ont permis l’émergence de nouveaux outils de travail performants rendant les collaborateurs de plus en plus mobiles. Le poste de travail traditionnel fixe devenant obsolète, les entreprises et les entrepreneurs sont désormais attirés par les nouvelles formes de travail nomade. Retrouvez les pratiques actuelles et les enjeux du nomadisme en entreprise dans notre infographie dédiée http://bit.ly/1tHHGrv