Contrairement aux idées reçues, le secteur public n’a pas attendu la crise sanitaire pour découvrir le management à distance.
C’est notamment le cas des collectivités territoriales, qui, au fil des réformes structurelles de rationalisation des différents échelons administratifs (la plus récente, la Loi NOTRe du 7 août 2017 portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République) ont vu leurs périmètres d’influence très considérablement s’accroître avec la création des EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale) et le regroupement des 22 régions administratives en 13 grandes régions.
Couvrir des missions aux échelles régionales, départementales ou même communales, impose une gestion des hommes et des actions à distance. C’est le cas par exemple de la direction générale adjointe des lycées de la Région Île-de-France (600 lycées, plus de 8000 agents en 2019) ou de la Région Grand-Est dont l’action s’étend désormais du Rhin aux Ardennes. Autre logique, au niveau des communes, la volonté d’entretenir une relation de proximité avec les usagers et un traitement plus individualisé imposent une dissémination des équipes sur le territoire (dans des mairies annexes ou des maisons du département par exemple). La méthode et la complexité managériale sont très différentes, mais un facteur commun rapproche ces deux organisations : le management de site distant. Ces situations sont nombreuses dans l’environnement territorial, et conduisent à renouveler les pratiques managériales pour répondre aux légitimes interrogations des cadres concernés. Par exemple, quelle part accorder au management de terrain par rapport à celle dédiée au management à distance ? Ou encore, comment dans un management à distance satisfaire à la fois la nécessité pour les agents de rencontrer leur hiérarchie et leur besoin d’une plus grande autonomie ?
La dispersion géographique décloisonne la notion d’équipe pour laisser place à un nouveau leadership de proximité. Le risque est qu’une logique individualiste dégrade l’objectif collectif. Les divergences culturelles et professionnelles peuvent engendrer des insuffisances, et le cadre, qui ne pouvant plus s’appuyer sur les acquis fondamentaux de méthodes de travail corporatives au sein de son équipe, risque de perdre du temps et créer des découragements.
Par ailleurs, la qualité de service peut être dégradée par un délai décisionnel trop long ; l’équipe perd alors en crédibilité vis-à-vis de sa hiérarchie, de ses partenaires et des usagers. Enfin, la sensation d’isolement peut s’emparer des agents comme du cadre, avec un risque de démotivation.
Innover pour faire évoluer les pratiques : trouver le bon cap, rester « focus »
Le management à distance n’implique pas un renoncement aux règles de management classiques mais vise à mettre en place un nouveau cadre et de nouveaux rituels avec les équipes. Il s’agit de créer de nouveaux modes de fonctionnement pour recréer une dynamique et un engagement à distance qui tienne compte à la fois du contexte et des particularités collectives mais aussi individuelles.
Toutefois, difficile de savoir par où commencer et surtout, comment s’y prendre. Une chose est sûre : il est important de co-construire avec les équipes, d’expérimenter et d’avoir une approche par étape pour mettre en place des bases de travail solides et garantir un ancrage durable des nouveaux modes de fonctionnement. C’est ce que nous avons résumé à travers une démarche expérimentale et concrète appelée « FOCUS » qui vise à doter les managers de leviers concrets d’actions (des « tips » qui traduisent le « comment ») en lien avec la compréhension des enjeux du management à distance.
Cette démarche expérimentale et concrète, dans une logique de ‘Test & Learn’, permet ainsi de positionner le cadre comme révélateur de nouvelles pratiques individuelles et collectives. Elle permet, grâce à ce travail de co-construction, de responsabiliser les collaborateurs en les rendant acteurs du changement et engagés dans une transformation porteuse de sens. C’est en outre l’opportunité d’éprouver et de prouver ce qui fonctionne (ou ne fonctionne pas !) et de faire naître des succès à la maille des équipes tout en laissant une place nécessaire et suffisante au droit à l’erreur.
Les équipes RH pourront dès lors promouvoir ces succès « locaux » (voire même les échecs) afin de créer le désir de changement pour une mise en mouvement collective des équipes et une dynamique vertueuse pour l’organisation.
Les cadres, boussoles du sens au « bureau »
La mise en œuvre de ces différents modèles de travail à distance a entraîné la remise en cause du sens du bureau « traditionnel », les cadres se retrouvant ainsi en première ligne, à jongler entre collaborateurs sur site et à distance, dans un contexte de recherche croissante de flexibilité.
A cette difficulté de gérer des équipes hybrides entre présentiel et distanciel, s’ajoute une nécessité immuable : celle de piloter la performance individuelle et collective, parfois dans la continuité des modalités déjà en place, souvent en rupture avec les pratiques passées, à présent obsolètes car très liées à la notion de « bureau physique » dans les locaux de l’administration publique. Pour en savoir plus sur ce sujet, au cœur du management à distance, nous vous invitons d’ailleurs à consulter notre article où nous évoquons ces enjeux « Le management de la performance : un prérequis pour réussir le travail à distance ».
—– | Sabrina YOUNSI YUTH – Senior Manager | |
—– | Philippe GOT – Senior Business Advisor |