Si la réponse à cette question vous semble être obligatoirement « Non », la réponse ne semble plus tranchés aujourd’hui… en tout cas pas pour la Cour de Cassation qui depuis un arrêt du 1er juillet 2009 enjoint les entreprises à respecter le principe d’égalité de traitement entre salariés, cadres et non cadres.
En l’espèce, ce jugement a donné raison à un salarié non cadre qui ne bénéficiait que de 25 jours de congés par an, contre 30 jours pour les cadres. Lui aussi aurait dû prétendre au bénéfice de 30 jours de congés payés. La Cour a opposé à l’employeur l’égalité de traitement entre salariés et l’obligation de fournir des « raisons objectives » vérifiables pour justifier les avantages catégoriels. Dans ce cas précis, la Cour a appliqué son raisonnement à un accord d’entreprise.
La position du juge est en définitive tout à fait compréhensible. Seules des raisons objectives peuvent conduire à différencier des traitements entre catégories de personnel. Par exemple, des salariés mis dans des dispositions de travail différentes peuvent bénéficier d’avantages spécifiques car propre à ces conditions de travail et non pas liés à leur appartenance à une catégorie de personnel. Seraient ainsi concernés, les congés payés, les accords de RTT, les indemnités de licenciement, les mutuelles, les régimes de prévoyance, le 13ème mois, … ?
La plupart des 700 conventions collectives françaises présentent des différences de traitement entre cadres et non-cadres, qui pour partie sont quasiment injustifiables au sens de la Cour de cassation. Comment expliquer que seuls les ingénieurs et cadres ont le droit de voyager en première classe alors que les non cadres doivent utiliser les transports en commun en seconde classe ?
A l’inverse certains non cadres bénéficient de majoration de salaire en cas de travail de nuit, de dimanche ou de jours fériés alors que rien n’est prévu pour les cadres …
Poursuivant la voie ouverte par la Cour de Cassation le 1er juillet 2009, le 4 novembre 2009, la Cour d’appel de Montpellier a donné raison à une salariée non cadre licenciée économique qui réclamait une indemnité de licenciement calquée sur celle des cadres, plus généreuse. Ne voyant « aucune raison objective et pertinente » à cette situation, les juges ont donc fait sauter la différence de traitement.
Encore, le 20 avril 2010, la fédération Nationale des Personnels des Sociétés d’Etudes, de Conseil et de prévention CGT a assigné l’ensemble des signataires de la Convention Collective dite SYNTEC au tribunal au motif qu’il ne peut y avoir de différence de traitement injustifiée entre les ETAM et les ingénieurs et cadres…
Dans cette perspective, il semble opportun pour les décideurs de réfléchir à l’impact de ces décisions dans leur entreprise :
- Quels sont les thèmes soulevés et d’ores et déjà analysés par la jurisprudence que l’on rencontre dans son entreprise ?
- Quels sont les éléments de rémunération directe, périphérique, différée qui sont, dans son entreprise, différenciés selon que le collaborateur, concerné pour leurs bénéfices, soit cadre ou non cadre ?
- Les conditions d’attribution, de versement, de différenciation sont-elles suffisamment objectives pour pouvoir affronter sereinement un questionnement des salariés ou des partenaires sociaux ?
- Qquel est le poids financier, les conséquences sociales, les contraintes juridiques auxquels son entreprise doit faire face ?
Les partenaires sociaux s’étant déjà emparés du sujet au travers de contentieux portant sur des conventions collectives, il n’est plus à exclure que de nouveaux contentieux apparaissent, sur des éléments de rémunération ou des avantages sociaux, instaurés par l’employeur de manière unilatérale. Le débat passerait alors de l’accord concerté entre les partenaires sociaux à la décision issue du seul bon vouloir du chef d’entreprise. La situation apparaît tellement incertaine et mouvante, voir excessive à l’extrême, qu’elle semble en l’état difficilement tenable.
D’un point de vue financier tout d’abord, car l’impact sera vraisemblablement élevé en terme d’alignement ou de rattrapage entre les catégories. Social ensuite, car la question se poserait sur une nouvelle différence statutaire à mettre en place dans la mesure où la distinction cadre non cadre deviendrait feinte au regard de la rémunération, du temps de travail, des congés …
Les négociations vont donc devoir s’ouvrir par la force des choses. Les rapports de force vont s’installer entre les partenaires sociaux. Des équilibrages devront émerger, avantage par avantage, reposant sur des raisons objectives. Ainsi, certains éléments de rémunération convergeront vers les rémunérations actuelles des cadres, d’autres vers celles des non cadres. En tout état de cause, seul un audit des pratiques de l’entreprise, de son positionnement lui permettra de mesurer les impacts réels et de disposer de tous les atouts nécessaires pour réussir sa transformation.
Auteurs :
Jean-Christophe PROCOT, Senior Manager, RH-Management
Médérick TREMAUD, Manager, RH-Management
Accéder à l’étude Egalités de Traitement Cadres / Non cadres : cliquer sur ce lien
Très intéressant en effet, des bouleversements potentiels. Une question anecdotique : pourquoi publier ce billet aujourd’hui?
Nous publions cet article suite à différents retours du marché au sujet de cette problématique d’égalité de traitement. Nos clients et prospects se posent des questions sur l’origine de ces bouleversements ainsi que leur issue probable.
Dans le prolongement de l’article ci-dessous, la Cour de Cassation a été saisie sur le forfait jour. Les cadres vont-ils exiger le paiement d’heures supplémentaires ?
Kurt Salmon propose d’accompagner ces clients sur cette réflexion globale, mesurer les risques, les zones d’ombre, les contraintes financières …
Jean-Christophe Procot, Senior Manager, RH-Management