Jusqu’à présent, les salariés raisonnaient principalement en brut. Ils s’intéressent désormais davantage à leur pouvoir d’achat, représenté par le net avant impôts. Cela implique certains équilibrages dans la politique de rémunération.
Améliorer le résultat d’exploitation en préservant le climat social
Le contexte économique et social souvent tendu et incertain, et l’évolution importante de la législation sociale et fiscale soumettent les entreprises et leurs dirigeants à une pression forte de leur environnement marquée par plusieurs contraintes : la nécessité de maîtriser la dérive de la masse salariale, d’améliorer les résultats sans dégrader les fondamentaux (stratégie, organisation, effectif…) tout en étant capables de dynamiser le dialogue social, de motiver les salariés et de répondre à une exigence de hausse de pouvoir d’achat. L’équation financière et sociale du dirigeant se résume en deux questions phares : Comment améliorer conjointement le résultat d’exploitation, le climat et le dialogue social ? Comment faire de la rémunération un outil de management au service de la stratégie ?
D’une manière générale, les directeurs financiers et les directeurs des ressources humaines s’accordent à dire que la notion de « sortie de crise » reste fragile et nécessite la plus grande prudence.
Une priorité : le cash
Ces constats, corroborés par une récente étude (1), valident que les grandes priorités des entreprises se concentrent sur la protection du cash, des liquidités et donc de la trésorerie. Cela se traduit notamment par des augmentations générales modérées, des restrictions sur les enveloppes de rémunérations variables (un gel ou une limitation des bonus des dirigeants, membres du board et des cadres supérieurs, le passage de parts variables trimestrielles ou semestrielles à des parts variables annuelles, des parts variables et de l’intéressement collectif directement lié à la génération de cash (cash-flow libre).
Cette étude précise que la maîtrise des coûts sociaux et de la masse salariale est une priorité constante chez nos clients. L’objectif premier est, bien souvent, via une optimisation et un pilotage resserré de la masse salariale, de maintenir des politiques de rémunération restrictives et parfaitement alignées sur la stratégie business, de privilégier les augmentations individuelles aux augmentations générales – même si ces dernières restent culturellement toujours très présentes et constituent une base de référence incontournable –, et d’orienter la rémunération variable vers les économies de coûts et la protection de la trésorerie.
Après deux années de crise, le constat est simple. Le champ juridique a été modifié à de nombreuses reprises et le sera encore en 2011 : annualisation du calcul des allègements de charges patronales, plafonnement de la réduction forfaitaire de 3 % de l’assiette de la CSG et de la CRDS pour la partie du salaire inférieure à 4 fois la valeur du plafond de la sécurité sociale, réforme des retraites, évolution du forfait social… Les hausses de salaires sont restées très limitées en 2009 et 2010. Certaines études avancent que près d’un tiers des cadres n’a pas connu d’augmentation de sa rémunération en 2010, tout comme en 2009.
Pour les non-cadres, la référence globale reste l’augmentation générale, l’indicateur moyen est l’inflation ou la hausse du Smic. Ce dernier est passé à neuf euros au 1er janvier 2011, soit une hausse de 1,6 %. Ainsi, entre mai 2008 et janvier 2010, soit peu ou prou, la période correspondant à la crise économique et financière actuelle, le salaire minimum interprofessionnel de croissance aura augmenté de près de 4,3 %.
Pour les entreprises qui, du fait de la valeur nominale des rémunérations, se trouvaient au-delà du Smic et qui ont pratiqué un quasi-gel des salaires depuis deux ans, le déficit de croissance des salaires est lourd. Un nouveau gel des salaires s’apparenterait à une décision difficilement acceptable de la part des salariés et des partenaires sociaux. D’autant plus que le constat partagé tant par les cadres que par les non-cadres reste la dégradation forte de leur pouvoir d’achat.
Un équilibre basé sur le concept de rémunération globale
Il existe en France un paradoxe historique entre la notion de brut et de net : si les salariés continuent de raisonner principalement en brut (la comparaison des salaires s’opère sur le brut, le contrat de travail est exprimé par rapport au brut), force est de constater que, relayées par les médias, les mentalités changent et évoluent, se déplacent pour se positionner de plus en plus sur la notion de pouvoir d’achat, de net avant impôts. Ce qui compte aujourd’hui semble être de trouver certains équilibrages dans la politique de rémunération entre cette notion même de brut et de net. Aussi, il n’est pas rare que les entreprises raisonnent de plus en plus « rémunération globale ». On s’oriente parfois – ce n’est pas qu’anecdotique – vers une réflexion de type « cafétéria plan de la rémunération » afin de mieux répondre à des demandes propres à telle ou telle population. Entre un cadre de 26 ans et un autre cadre de 50 ans, les préoccupations et les aspirations sont souvent très différentes. Si la direction souhaite fidéliser ses collaborateurs et recruter de nouveaux talents, cela passe aujourd’hui, parfois, par une politique de rémunération un peu plus innovante et « sur-mesure ». Maîtriser la masse salariale et ses dérives, découvrir et explorer des marges de manœuvre budgétaires sans comprimer les revenus des salariés qui revendiquent toujours de multiples améliorations : l’entreprise doit faire preuve de créativité et trouver des solutions pertinentes. Le DRH et le DAF doivent être encore plus imaginatifs, proposer des idées solides qui, sans effets pervers ou secondaires, permettront via une réflexion globale et multi dimensionnelle de dépasser le simple cadre des augmentations générales ou individuelles pour faire coïncider les orientations stratégiques de l’entreprise avec la satisfaction et la motivation du salarié. Cet objectif reste ambitieux et difficile, mais certainement pas impossible.
Les directions financières et des ressources humaines doivent garder à l’esprit qu’il existe des zones souvent techniques, mais très efficaces, à explorer et dont l’ingénierie génère des solutions qui permettent aux entreprises d’optimiser la politique et les pratiques de rémunération afin d’atteindre conjointement, et à périmètre égal (sans modifier la stratégie, l’organisation ou les effectifs), un triple objectif.
Un objectif financier, d’abord : générer des gains significatifs et récurrents sur la masse salariale via l’apport de trésorerie immédiate (réalisation de cash, optimisation des règles de paramétrage et de gestion de la paie) et la création de budgets permettant d’optimiser la moindre progression des rémunérations.
Un objectif social, ensuite : enrichir la politique RH, fluidifier le climat et le dialogue social, dynamiser les négociations annuelles obligatoires, améliorer le pouvoir d’achat des salariés dans un contexte global parfois tendu.
Un objectif politique, enfin : les leviers qui sont exploités deviennent, de fait, un excellent outil politique pour le responsable qui porte le projet tant auprès de sa direction générale que des partenaires sociaux. L’objectif est aussi d’instaurer un cercle vertueux où, par exemple, les budgets générés permettent à la direction d’autofinancer plus facilement un projet, une avancée sociale… Pour arriver à respecter ce type de cahier des charges ambitieux et passionnant, il faut systématiquement partir du principe que chaque entreprise, de par sa culture, son histoire, ses pratiques, son contexte, ses objectifs sociaux et financiers, est unique. Le client autant que son conseil doivent être, de part et d’autre, ouverts, curieux et sans a priori pour être en mesure d’exploiter chaque idée en profondeur. Le conseil doit proposer des solutions très opérationnelles, sur-mesure – des simulations financières seront effectuées en fonction des souhaits de l’entreprise – et sans risques, c’est-à-dire parfaitement encadrées juridiquement par des avocats spécialisés.
- Menée par le département Kurt Salmon – RH-Management.
Auteur : François LAFAY