La déclaration sociale nominative (DSN) est sur le point d’être lancée !

Après 5 ans d’études, la déclaration sociale nominative (DSN) est sur le point d’être lancée, à titre expérimental.

Cette procédure constitue une évolution très sensible de l’approche déclarative dans le secteur de la protection sociale. Depuis la création de la sécurité sociale et le repositionnement qui en a suivi des régimes de retraite complémentaire, les procédures déclaratives étaient restées immuables : appels de cotisation trimestriels, paiements des retraites trimestriels, déclarations annuelles des salaires en fin d’année pour établir le compte réel de l’entreprise et valider les droits.

Bien sûr, ces procédures ont évolué au fil du temps, avec la notion de formulaire commun à plusieurs destinataires (la DAS 1 dans les années 70), le guichet unique (CRAM pour les DADS dans les années 80, Compte central Entreprise Urssaf dans les années 90, Net Entreprise pour les télé-déclarations dans les années 2000) ; avec aussi, l’appel mensuel des gros comptes dans les Urssaf et le passage du paiement des retraites à terme échu (avec l’argent reçu des cotisations encaissées) au terme à échoir (qui implique de disposer de réserves).

Avec la DSN, la protection sociale entre dans une nouvelle approche de ce que les consultants appellent la réingénierie des processus.

Lors de mon retour sur le secteur de la retraite (1996), j’avais été frappé de constater que les processus n’avaient pas changé depuis que je l’avais quitté (1982) et que les initiatives de simplification administrative que j’avais portées au sein du CESIA (années 1980) se heurtaient au dogme des processus réglementaires gravés dans le marbre.

Il m’a été facile de proposer de repenser le processus, en partant du fait générateur : le bulletin de paie.  Il m’a été beaucoup plus difficile de convaincre mes différents interlocuteurs que la révision d’un processus aussi structurant dans les relations entre les entreprises et les organismes de protection sociale (OPS) pouvait se faire.

Au terme de 6 années de présentation, de propositions faites aux organismes collecteurs concernées, l’idée était finalement reprise par les responsables du GIP MDS et de la DSS avec l’objectif d’instruire le dossier. Mais il aura fallu encore 5 années d’études pour que le lancement soit annoncé par le Gouvernement.

Pour celui qui comme moi observe ces évolutions de l’extérieur, il est toujours surprenant de constater qu’il faille mobiliser les Ministres pour faire de telles annonces. Certes, le jour où la DSN deviendra obligatoire, l’intervention du Ministre au plus haut niveau de l’Etat doit être requise, mais pourquoi les partenaires sociaux n’ont-ils pu lancer une expérimentation reste pour moi un mystère.

Pour autant, la DSN ne doit pas être considérée comme une fin en soi. Deux  évolutions significatives de notre approche de la relation Entreprises – OPS devront à mes yeux être portées dans les prochaines années (décennies ?) : la période de référence pour le plafond de sécurité sociale et le sens de la preuve dans les échanges entreprises-OPS. 

  1. La notion de plafond de sécurité sociale a été instaurée lors de la création du régime général de l’assurance vieillesse. A cette époque, les droits à retraite s’exprimaient en annuités et le cadre restait plusieurs années dans l’entreprise. Il était donc logique de calculer les cotisations et de positionner la référence au plafond de sécurité social sur la base d’un salaire annuel. Aujourd’hui, les droits s’expriment en trimestres et les lignes carrières d’un cadre ne se limitent pas à une ligne par année civile. Ainsi, si le plafond reste déterminé par rapport à une période annuelle, l’application de règles de prorata conduit à des calculs inextricables lors de chaque paie mensuelle pour rétablir les calculs effectués au cours des mois précédents selon que le total annuel conduit à franchir dans un sens ou un autre le plafond. Outre le fait de la complexité du processus de paie, ces re-calculs constituent l’essentiel des anomalies retournées par les OPS lors du traitement des déclarations annuelles de données sociales. Tout ceci a un coût et correspondant à ce qu’on appelle « l’impôt administratif », c’est-à-dire le prix payé par l’entreprise en formalisme administratif inutile. Une mesure simple et de bon sens consiste à ne retenir comme période de référence que la période mensuelle. Ceci sera rendu possible avec la DSN. L’avantage pour les entreprises : simplification du processus de paie. L’avantage pour les entreprises et les OPS : réduction du nombre d’anomalies à traiter. Certes, la procédure aurait un inconvénient pour la CNAV (un transfert de recette au profit de l’AGIRC pour la partie écrêtée de rémunération autour du plafond), mais n’est-il pas possible de raisonner compensations financières dans l’intérêt de la simplification ? 
  2. L’inversion du sens de la preuve dans la relation Entreprises-OPSest une proposition qui résulte du constat que la complexité des réglementations ne doit pas être à la charge de l’entreprise mais de ceux qui les conçoivent. Si la responsabilité du chef d’entreprise sur le bulletin de paie ne se partage pas, est-il pour autant normal de le responsabiliser sur l’exactitude du calcul des cotisations alors que même un technicien OPS en est difficilement capable ? De fait, chaque année, ce sont des milliers de redressements de calculs qui sont adressés par les OPS aux entreprises, parfois d’ailleurs injustifiés.L’usage des technologies SOA (communication directe d’application à application) devrait conduire les OPS à repenser leurs relations avec les entreprises dans une logique de service. Là encore, ceci sera rendu possible par l’usage de la DSN : à l’entreprise de déclarer le montant du salaire brut et les références conventionnelles (la partie haute du bulletin de paie) ; à l’OPS le soin de déterminer le montant de la cotisation due (parts salariale et patronale) en fonction de sa réglementation. Un tel processus devrait se doubler de l’envoi par l’OPS d’une facture qui pourrait ainsi entrer dans la comptabilité fournisseurs de l’entreprise, ce qui allégerait d’autant les circuits administratifs et financiers au sein de l’entreprise. L’avantage pour l’entreprise réside dans la résolution immédiate des écarts de calculs et dans l’absence de retraitements plus d’un an après les événements. L’avantage pour les OPS réside dans la suppression des procédures de régularisation a posteriori des comptes entreprises et dans la possibilité de clôturer ses comptes de l’exercice beaucoup plus rapidement. L’avantage pour le salarié et pour l’OPS : la connaissance des droits acquis dès le mois suivant la paie.

Je suis malheureusement conscient que ces évolutions nécessiteront de longues années avant d’être prises en compte par les gestionnaires en charge des régimes et qu’il faudra sans doute  l’intervention des Politiques ou « de Bruxelles » pour permettre de telles mini-révolutions.

Auteur : Renaud Vatinet, Associé Kurt Salmon

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