Compte Personnel d’Activité (CPA) : La priorité aux usages !

Annoncée en avril dernier par le Président de la République, la mise en place du CPA vise à regrouper l’ensemble des droits attachés à la personne qui contribuent à la protection des actifs ainsi qu’à la sécurisation de leur parcours professionnel tout au long de la vie (compte personnel de formation, compte pénibilité, droits à l’assurance chômage …). Dans ce cadre, le gouvernement missionnait, en juillet dernier, France Stratégie pour étudier les options possibles en vue de la mise en œuvre du compte personnel d’activité. Au-delà des négociations avec les partenaires sociaux et du grand débat public lancé par la ministre du travail, la mise en place du dispositif du CPA au 1er janvier 2017 devra donc être simple, accessible et évolutive afin de coller au plus près aux besoins des usagers, dans des délais relativement courts…

 

Un compte numérique co-construit avec les usagers

Le rapport remis par la mission France Stratégie le 9 octobre 2015 ouvre des pistes et des scénarios sur le périmètre et les modalités d’utilisation de l’outil, et met d’ores et déjà en avant les conditions d’appropriation et d’utilisation du futur compte : au-delà de la connaissance par les usagers de leurs droits acquis et des possibilités d’utilisation de ces droits, la mission France Stratégie présente le Compte Personnel d’Activité comme une offre de services numériques cohérente et à valeur ajoutée pour ses titulaires. Ainsi, si l’accès au compte depuis internet est une évidence, la mission a surtout insisté sur la nécessité de concevoir le compte en associant les usagers : le compte doit être co-construit avec ceux qui en seront les bénéficiaires pour bien cerner les usages prioritaires et garantir une ergonomie simple d’utilisation, quel que soit le device utilisé (tablette, smartphone, PC).

 

Le CPA doit offrir des services en lien avec les besoins des usagers

Connaître les formations débouchant dans un délai court vers un emploi, pouvoir simuler l’acquisition de droits en fonction de sa situation (droits à la formation professionnelle, au chômage …), … cette offre pourrait prendre la forme d’un catalogue d’applications mobiles téléchargeables et de services accessibles sur internet, organisé par événements de vie (« Je cherche une formation », « Je veux faire un bilan », « Je veux réaliser un projet personnel », …), et développé par la sphère publique ou par des acteurs privés. Un exemple récent et exemplaire de ce modèle de service est l’Emploi store mis en place par Pôle Emploi.

Il est donc important de souligner que dès les travaux de cadrage du CPA, les pouvoirs publics se préoccupent des conditions concrètes de son utilisation. Il reste maintenant aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics à délimiter précisément les contours du compte : les droits concernés et les usages possibles. Ce qui renvoie à la première condition de sa réussite : la simplicité du dispositif dans les règles d’alimentation et d’utilisation du compte.

Comment faire du CPA une réussite dans les délais impartis ?

Alors que le CPA devra être mis en place pour le 1er janvier 2017, son contour et ses principes de fonctionnement ne sont pas encore fixés… Dans ces conditions, et vu les courts délais, comment faire aboutir avec succès le projet du CPA ?

Avant tout, il semble essentiel de développer des services simples et apportant un gain immédiat aux usagers. La priorité doit clairement être donnée à la création d’une application mobile et d’un service internet de consultation des droits acquis, et de services interactifs simples d’utilisation, pour lesquels les données seraient disponibles et directement utilisables (par exemple pour la simulation de droits…). En comparaison, se limiter au seul élargissement du champ d’acquisition et de mobilisation de droits à la formation professionnelle (par ailleurs nécessaire), présenterait sans doute moins de gains immédiatement visibles pour l’usager par rapport à ce qui existe déjà avec le Compte Personnel de Formation.

L’Etat devra être agile dans le développement de ces nouveaux services : les penser avec les usagers, et les développer par itérations successive en mode «Test & Learn». Autant d’éléments de méthode essentiels pour produire un service utile et utilisable dans les délais imposés. L’Etat a fait le choix de s’engager dans ce modèle pour faire émerger ses futurs services numériques en mode « start-up » : voici donc une opportunité de démontrer la pertinence de l’approche sur un service à grande échelle (plus de 40 millions de comptes à créer).

Anticiper la « mise sur le marché »  des services est un enjeu fort dans une approche de type Start-up : réussir le passage d’un démonstrateur à petite échelle (proof of concept) à un service industrialisé réalisable à grande échelle.  Au-delà de l’utilisabilité de l’application du point de vue de l’usager, la qualité de service perçue reposera également sur la disponibilité des données, leur fiabilité et leur récence. Cet enjeu doit être anticipé car le compte s’adressera à l’ensemble des salariés et demandeurs d’emploi, et est présenté comme la grande réforme sociale du quinquennat.

Pour une mise en œuvre début 2017, c’est dès la conception du service qu’il faudra se préparer à l’industrialisation de la mise en activité des comptes personnels et à l’informatisation des traitements de back-office spécifiques au CPA (alimentation du compte et des services associés en données réelles à  grande échelle, informatisation des règles de fongibilité entre différents droits acquis, fiabilité technique, support aux utilisateurs, promotion du service et communication, accompagnement des usagers, etc.).

Un nécessaire accompagnement des usagers dans l’utilisation de leur compte

Si la mission France Stratégie recommande de donner aux usagers une grande liberté dans l’utilisation du CPA, cette liberté ne peut exister que si les usagers bénéficient d’un accompagnement individualisé sur l’utilisation du compte en fonction de leur situation et de leur projet. Quelle que soit leur qualité et leur simplicité d’utilisation, les services numériques ne suffiront pas à tout le monde pour s’informer, s’orienter et mobiliser ses droits ; le recours à un conseiller sera alors nécessaire (sur le modèle du conseil en évolution professionnelle). Concrètement, cela signifie : identifier et former les conseillers en relation avec le public à l’ensemble des règles d’utilisation du compte, organiser dans les territoires et au niveau national les réseaux d’experts pouvant intervenir en appui des conseillers. Sans oublier d’associer les employeurs à cet accompagnement : le premier point d’entrée du salarié désireux d’évoluer professionnellement reste souvent son employeur. Encore faut-il que ce dernier soit en mesure d’informer et de conseiller son salarié ou, a minima, de l’orienter vers le bon interlocuteur public.

Une évolution de la fonction RH

Au-delà de l’employeur, c’est notamment à la fonction RH qu’incombera la responsabilité d’accompagner au mieux les collaborateurs. Selon le périmètre du futur CPA, cet accompagnement pourra se retrouver au croisement de plusieurs métiers RH : ceux relatifs au développement RH tels que la gestion des carrières, de la formation avec le CPF et de la GPEC, et  également ceux de la gestion administrative avec le compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) ou les droits chômage. Cela pourrait même impacter le recrutement si le CPA devient suffisamment souple pour être un argument d’employabilité, la valeur du collaborateur ne venant alors pas seulement de son profil et de ses expériences mais également de son potentiel de développement grâce à ses droits acquis sur son CPA. La fonction RH développerait ainsi l’expérience collaborateur personnalisée.

S’inscrire dans une trajectoire post-2017

Tout ne pourra pas être fait pour début 2017. Il reviendra aux décideurs publics d’évaluer la valeur des services à développer pour les prioriser et étendre progressivement le champ d’application du CPA.  Plusieurs questions se posent donc : quels gains concrets pour l’usager ? Quels bénéfices par rapport aux objectifs du gouvernement et des partenaires sociaux ? Le service sera-t-il complexe à développer ? Combien coûtera-t-il par rapport au bénéfice attendu ? À ce stade, sans visibilité sur ce que seront les orientations des pouvoirs publics après 2017, un premier retour sur investissement doit être visé d’ici cette échéance ; justifiant la nécessité de développer des services simples, et préservant l’évolutivité du dispositif au-delà de la prochaine élection présidentielle. Accompagner les usagers dans l’utilisation de leurs droits n’est pas une option. Le développement rapide de services numériques ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel et la finalité du CPA : assurer la protection des actifs et sécuriser leur parcours tout au long de leur vie, en garantissant la continuité des droits sociaux. La balle est maintenant dans le camp des partenaires sociaux, mais elle ne tardera pas à revenir dans celui des administrations… et c’est à l’ensemble de ces points qu’elles doivent se préparer.

Auteurs : Philippe Goddard, Senior Manager Secteur Public Kurt Salmon, et Laetitia Génot, Consultante RH-Management

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