Que nous apprennent nos échecs ? Comment nous mènent-ils vers la réussite ? Selon Lao Tseu, « l’échec est le fondement de la réussite ». Comment reconnaître les bons échecs, ceux qui nous font avancer ? Comment permettre aux DRH de mieux accompagner ses collaborateurs ? Comment aider les entreprises à valoriser l’audace ? Et aux managers de savoir prendre une décision ?
Wavestone a participé au dernier Congrès HR’ 2016. Lors de la plénière du 5 octobre, Charles Pépin, écrivain, philosophe et chroniqueur à Philosophie Magazine nous a fait part de ses convictions autour de la « Vertu de l’échec » (titre de son essai paru le 22 septembre dernier) notamment à travers différents courants traitant de l’échec : les échecs nous rendent plus forts (stoïcisme), plus disponibles (existentialisme), plus humbles (christianisme) et peuvent également témoigner d’une intention cachée (psychanalyse).
Vers une reconnaissance de l’échec ?
La société aujourd’hui ne reconnaît pas l’échec. Que ce soit dans notre culture, ou dans nos écoles, nous n’apprenons pas à échouer. Seuls les succès sont récompensés, valorisés, et non la prise d’initiative, l’audace, bien que la plupart des succès (que ce soit en entreprise, en politique, ou dans sa vie personnelle) soient le résultat d’une prise de décision, et donc d’un risque.
Quoi de plus arrogant que celui qui n’échoue jamais ? Ô combien ennuyeuse, la vie de celui qui ne se remet jamais en question, qui enchaîne les succès sans saveur. Cette quête fade d’ivresse qui cesse au moment de la chute, chute qui en devient plus que difficile.
Au contraire, les plus beaux succès surviennent tardivement, après quelques combats, ce qui les rend plus savoureux que les succès précoces. Ils résultent souvent d’une erreur de parcours, d’une succession d’échecs et de succès (la théorie des petits pas), d’une remise en question profonde. « Les succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme » (Winston Churchill). À condition bien sûr de savoir « bien » échouer pour en tirer les leçons.
Quelle est la recette d’un bon échec ?
Un bon échec est celui qui nous rend humble, qui nous met au contact du réel, c’est celui dont on en assume pleinement la responsabilité. C’est un échec que l’on ne regrette pas d’avoir tenté (rien de pire que cette opportunité que l’on n’a pas essayé de saisir, rien de pire que ne pas avoir osé). C’est celui après lequel on a pris le temps de faire le deuil, d’analyser et de comprendre. Comprendre qu’il faut persévérer dans cette voie (Charles Pépin cite Barbara, chanteuse à succès qui a mis une dizaine d’année avant de percer) ou au contraire qu’il faut en prendre une autre (rappelez-vous que Gainsbourg rêvait d’être peintre). Ce qui est important, c’est de ressentir ce sentiment d’échec (qui est propre à chacun) et de l’écouter. Comme le disait Socrate, « la chute n’est pas un échec. L’échec c’est de rester là où on est tombé ».
Pourquoi prendre le risque d’échouer ?
Nous savons bien qu’il est difficile de prendre du recul, ou tout simplement prendre le temps. Pourtant ce temps, c’est la clé. Cela nous permet d’être libre, et complètement disponible pour se remettre en question, se réorienter… Les créations d’entreprise ou les idées innovantes ont besoin d’un temps d’incubation. Un congé de création d’entreprise peut être l’opportunité de prendre le temps de se recentrer sur ce qui est vraiment essentiel, de changer de voie vers ce qui nous correspond mieux, de créer, d’innover. D’ailleurs, c’est grâce à son licenciement par Apple, que Steeve Jobs a pu redevenir créatif et innovant. C’est cet échec qui lui a permis de se remettre profondément en question et de se recentrer sur ses vrais talents mis de côté avec le temps. Il a pu ensuite remonter la pente et réintégrer la firme qu’il a co-fondée avec un nouvel élan, pour devenir l’inventeur visionnaire que l’on connaît.
C’est d’ailleurs plus facile pour certains de tenter l’aventure quand ils n’ont plus rien à perdre. Et oui, pourquoi venir bousculer un chemin de vie ou un plan de carrière parfaitement huilés ? Certains d’entre nous provoqueront d’ailleurs leur échec inconsciemment en se faisant licencier par exemple (un acte manqué ?) : une bonne raison pour reconstruire quelque chose de neuf. Alors, osons l’échec, osons l’audace ! Prenons le risque de nous réaliser.
Comment rebondir ?
Après un échec, parfois douloureux, il est nécessaire de prendre le temps de réfléchir, seul ou accompagné. Nous n’avons pas tous les mêmes ressources, les mêmes contraintes, les mêmes capacités à se relever et à aller de l’avant. Le rôle de la DRH est bien entendu d’accompagner au mieux ses collaborateurs, et notamment de leur faire prendre conscience que l’échec, c’est la rencontre d’un projet avec son environnement, et non une personne (« je suis nul », « je suis un raté »…). Toutefois, même dans un échec collectif, chacun a sa part de responsabilité. Seul et en groupe, il faut savoir en tirer les leçons, prendre le temps d’un bon retour d’expérience pour se recentrer sur ses talents singuliers par exemple, afin de pouvoir rebondir et mettre en place un nouveau plan d’action adapté, innovant.
Les retours d’expérience sont malheureusement souvent négligés en entreprise, ou alors rapidement traités, avec des plans d’actions non suivis. Peut-être serait-il pertinent de revoir, ou de créer un processus de Retour d’Expérience :
- La planification : systématiser un REX suite à des projets structurants par exemple : prévoir et organiser un temps de partage avec toutes les parties prenantes, incluant les RH
- Le constat : analyser l’expérience seul et en groupe, afin d’aborder les retours sous différents angles, en y intégrant bien sûr le volet humain (qu’est-ce qui a bien fonctionné, pourquoi cela a-t-il été un échec ? que pourrait-on améliorer si c’était à refaire ?)
- Les axes d’amélioration : co-construire un plan d’action où chacun peut porter, être responsable de sa réalisation. Impliquer chaque partie prenante permettant en effet de faire adhérer chacun et surtout d’assurer la mise en œuvre des actions proposées.
- Le pilotage : prioriser les actions et définir une feuille de route raisonnable pour la mise en œuvre
- L’ancrage opérationnel : mettre en place un suivi de ce plan (sur une fréquence à déterminer) et partager sur les avancées
Il serait intéressant également, de ne pas traiter que les conséquences des échecs mais aussi de savoir traiter les causes. Comment enseigner la reconnaissance de l’échec et ses vertus dans nos écoles ? Comment valoriser la prise d’initiative, l’audace et en même temps la créativité, l’innovation en entreprise ?
Comment permettre aux dirigeants, aux managers, à chaque niveau de décideur, de prendre des décisions, d’oser prendre une décision mesurée bien entendue pour limiter les risques, mais avec une probabilité de réussir, comme d’échouer.
Qui ne tente rien… ne crée rien. À bon entendeur !
Auteur : Aurélie Welti, Manager People & Change