Les DRH ne manquent pas d’idées pour favoriser le dialogue social en entreprise. C’est ce que démontrent Claude Bodeau, associé en charge du pôle People & Change du cabinet de conseil Wavestone et Sébastien Vernède, manager People & Change, dans cette chronique. Une opportunitée renforcée par la loi Travail.
La loi Travail, tant discutée en 2016, prévoit de faire de l’entreprise le lieu privilégié de la définition des règles d’organisation du travail. Dans ce contexte, quelles sont les pratiques des DRH pour favoriser un dialogue social en prise avec les enjeux stratégiques, économiques et humains des entreprises ? C’est pour répondre à cette question que le cercle Humania et le cabinet Wavestone, en partenariat avec l’APEC ont mené une étude auprès d’une centaine de DRH.
Première surprise, alors qu’il est courant de pointer l’incapacité des partenaires sociaux français au compromis, les DRH interrogés estiment très majoritairement que le dialogue social joue globalement son rôle dans l’entreprise. Les représentants du personnel et les organisations syndicales sont en effet considérés comme des interlocuteurs légitimes, dont les revendications sont un écho souvent crédible des attentes des collaborateurs.
Bien sûr, le tableau est loin d’être idyllique : les jeux d’acteurs, les positionnements politiques des organisations syndicales, la complexité et l’excès d’encadrement juridique (négociations et consultations obligatoires notamment) sont pointés par les DRH comme autant de facteurs éloignant le dialogue social des véritables enjeux économiques et humains de l’entreprise.
En effet, s’il n’y avait qu’un seul sujet prioritaire de discussion, ce serait, pour 76% des DRH interrogés, l’accompagnement des transformations par la concertation, et plus précisément leurs impacts sur l’organisation du travail (organisation de l’activité, règles de temps de travail…). Dans cet objectif, les contributions des DRH convergent vers plusieurs grandes orientations :
Objectiver les attentes des collaborateurs en s’appuyant sur des enquêtes internes
La réalisation d’enquêtes de perception ou d’engagement adressées soit à l’ensemble des collaborateurs, soit à une population spécifique, est identifiée comme un outil clef de mesure du climat social et d’identification des attentes ou éventuelles craintes des salariés. A l’inverse des référendums, perçus comme une tentation de contourner les corps intermédiaires, ces enquêtes sont généralement bien accueillies par les organisations syndicales, car elles permettent partager les constats et ainsi d’enrichir les échanges lors des informations, consultations et négociations.
Réinvestir le manager de proximité dans son rôle de premier représentant de l’entreprise
Les managers de proximité sont unanimement identifiés par les DRH comme un rouage clef du dialogue social, étant les mieux placés pour partager les décisions de la direction et pour entendre les questions des collaborateurs. Pourtant, ils ne s’emparent que trop rarement de ce rôle de courroie de transmission par manque de temps, mais surtout par crainte de ne pas être légitimes ou habilités à s’exprimer.
Pour les DRH interrogés, il est donc nécessaire de doter les managers de moyens d’actions pour qu’ils se réapproprient ce rôle. Cela passe par de la formation, par l’explication des décisions de l’entreprise et de leurs impacts pour les collaborateurs, mais surtout par une dédramatisation du dialogue social. Un DRH nous rappelait à ce propos que le dialogue social « n’est pas qu’un sujet juridique, c’est avant tout un sujet de management. »
Innover et sortir du cadre
Enfin et surtout, pour remettre les enjeux concrets de l’entreprise et de ses salariés au cœur des échanges, les DRH interrogés insistent sur la nécessité de bousculer les habitudes.
Parmi les initiatives marquantes, citons cette entreprise multi sites qui expérimente chaque nouveau projet sur un site pilote. Cette phase d’expérimentation est évaluée par des groupes de travail mixtes entre management, collaborateurs et représentants du personnel, qui formulent des recommandations concrètes en vue de la phase de généralisation.
Notons également l’initiative du Groupe Up qui a institué en 2016 par accord collectif son Comité Economique et Social (CES), instance unique regroupant les compétences du Comité d’Entreprise, des Délégués du Personnel et du CHSCT. Ou encore, le Groupe Solvay, qui a institué la prise en charge financière par l’employeur de l’adhésion à une organisation syndicale afin d’encourager l’engagement syndical de ses collaborateurs.
En conclusion, si les DRH accueillent plutôt favorablement les évolutions récentes portées par les lois Rebsamen et El Khomri, ils appellent de leurs vœux une simplification forte du cadre d’exercice du dialogue social. Leur volonté : être moins contraints par l’agenda du législateur pour concentrer les discussions sur les sujets propres aux enjeux de leur entreprise.
Nous remercions ActuelRH, Journal en ligne des Editions Législatives, pour la diffusion de cet article, que vous pouvez retrouver sur leur site ou leur compte Twitter.