Le télétravail et de façon générale le nomadisme amène le management à s’adapter, à évoluer et, dans un certain nombre de cas, à se remettre en question. Fer de lance des nouveaux modes de travail, Télétravail et Nomadisme constituent de formidables accélérateurs de la façon de penser la relation au travail différemment.
Même si ces concepts sont plus que jamais au cœur de la réflexion des entreprises et mis en avant par la politique gouvernementale actuelle dans les lois Travail, il n’en reste pas moins que cela reste une étape compliquée à mettre en œuvre dans beaucoup d’organisations.
La transition est difficile pour un mode de fonctionnement du travail innovant mais qui met à mal la pertinence et certains diront le confort, du modèle installé que performance professionnelle rime avec présence physique au sein d’un groupe.
Le télétravail n’est pas un concept si récent mais il ne se s’est encore pas généralisé dans les modes de management, d’autant qu’il ne fait pas spontanément l’unanimité auprès des managers de proximité qui doivent animer une relation adaptée avec les collaborateurs, selon des postures et des pratiques qui restent à inventer.
Normaliser une relation par nature flexible : le paradoxe du télétravail
La difficulté que les entreprises éprouvent à mettre en place le télétravail et à rendre nomades leurs collaborateurs, relèvent du paradoxe à chercher d’une part à adhérer à une solution par nature flexible mais que tout ramène d’autre part à devoir positionner dans un cadre de référence qui restera toujours d’une façon ou d’une autre, normalisé et donc contraint par des règles et un texte : l’accord d’entreprise, le règlement intérieur, etc.
Formulé autrement, pour fonctionner plus « spontanément », le télétravail ne devrait être ramené de façon circonscrite par exemple, à un jour fixe par semaine toute l’année ou encore à un crédit de jours dans lequel on puise par opportunisme / sans lien avec l’actualité opérationnelle, tout en respectant un délai de validation de la demande de la ligne hiérarchique.
La quantification du télétravail (1 jour par semaine, 10 jours par an … ou toute autre formule incantatoire qui viserait à convenir au plus grand nombre et faire la somme des subjectivités individuelles sur à quoi le télétravail peut servir) est en soi un principe qui renvoie vers une contractualisation du temps, vers la perception que cette définition du temps est homogène et s’applique à tous de la même façon et c’est ce qui finit au final par dériver vers une relation contractuelle entre le manager et le télétravailleur, autour d’une négociation de temps consenti à être consommée en dehors du cadre physique de l’entreprise. Le télétravail dans sa logique première est un acte de management collectif et non un acte de confort individuel.
L’équation attendue du Télétravail entre performance collective et qualité de vie individuelle appelle à un niveau de confiance plus fin et plus intuitif entre le manager et le télétravailleur. Le télétravail viserait dans l’absolu à maintenir voire à optimiser une équation qui tient d’un côté d’une capacité à créer de la valeur ajoutée au moins égale à celle générée habituellement en présentiel et de l’autre côté, à ambitionner une qualité de vie au travail qui soit inégalée.
Le télétravail dépend par nature de la charge conjoncturelle (et non structurelle) du collaborateur.
Cette charge pouvant varier dans le temps et sans parfois, de réelle capacité à la prévoir en avance. Il faut donc laisser suffisamment de flexibilité au télétravailleur dans le choix de son jour de télétravail qui par nature ne devrait pas être le même chaque fois et qui varie selon la charge de travail, son actualité, sa nécessité de la proximité au groupe ou au contraire la recherche d’isolement pour une activité purement cérébrale / de concentration maximale…
La responsabilité de se mettre en télétravail dépend du collaborateur et de l’arbitrage qu’il prend en considérant que se retrouver à distance est le jour dit, une solution appropriée pour sa performance individuelle dans une perspective de performance collective.
Ce principe est souvent mal accueilli par la ligne managériale directe, d’autant plus si celle-ci fait reposer son management par du contrôle visuel et présentiel, très éloigné d’une logique de management coach, management à distance et toute autre initiative visant à donner de la marge de manœuvre au collaborateur dans la gestion de son temps, dans un climat de confiance et avec l’idée que le collaborateur saura de lui-même avoir l’intuition du meilleur schéma d’organisation de sa journée.
Des différences fortes en fonction des métiers
Tous les métiers ne sont certainement pas égaux devant leur capacité à pouvoir mettre en place le télétravail mais il existe dans l’absolu peu de freins opérationnels à la mise en place d’une organisation incluant le télétravail.
Pour exemple, on n’a pas encore trouvé le moyen de mettre une hôtesse d’accueil en télétravail mais le métier existera-t-il encore dans 10 ans ? Autre exemple : « Le technicien est absolument nécessaire sur site aujourd’hui » mais sa présence relève-t-elle du fait que lui seul a la compétence technique ou que la chaine de délégation le contraint à être présent quand son assistant s’il avait été aussi bien formé, aurait pu suppléer sur cette journée ?
La valeur ajoutée du télétravailleur réside dans sa capacité à travailler de façon la plus autonome et responsable.
Il n’existe pas de corrélation entre une proximité physique entre deux interlocuteurs et la qualité de leur communication voire de leur performance. On notera le cas de ces deux collaborateurs qui témoignent d’avoir eu un loupé dans l’une de leurs actions opérationnelles récurrentes alors qu’ils sont juste en face l’un de l’autre : on ne va tout de même les faire s’asseoir sur un tandem pour qu’ils se parlent davantage ? … A l’inverse citons le cas de ses équipes qui travaillent sur des livrables complexes alors que les participants sont dispersés sur trois continents et que leur salut tient à leur outil collaboratif de visio-conférence et de documentation partageable en ligne.
Un télétravailleur dans l’absolu devrait produire au moins autant, si ce n’est plus, qu’un collaborateur qui a déjà dû consacrer une partie de sa journée à se rendre sur son lieu de travail (mouvement pendulaire) ou à rejoindre ses lieux de RV professionnels (temps de latence d’une mobilité éclatée).
Le collaborateur devrait choisir de télétravailler le jour où il a effectivement le plus de travail à abattre et qu’il a fondamentalement besoin ce jour-là de gagner du temps et de ne pas le consacrer à un trajet en voiture ou en métro qui sera improductif. Le collaborateur peut dans les faits démarrer plus tôt ou terminer plus tard sans que le facteur transport ne pèse sur sa charge et sa fatigue mentale. Notons au passage que cette idée va à l’encontre que la journée de télétravail est parfois perçu comme un contrat au 4/5ème qui ne dirait pas son nom.
Tous les managers sont potentiellement concernés
Le télétravail peut donc concerner tous les managers et tout particulièrement ceux qui sont amenés à faire travailler leurs équipes en mode Projet, et donc dans une animation managériale qui répond avant tout de l’atteinte d’objectifs jalonnés en qualité et à un moment donné, quels que soit finalement la méthode ou les moyens mis en œuvre par le collaborateur pour tenir son objectif et qui sont quelque part, laissés à sa discrétion.
Tant que le Manager ne parviendra pas à intégrer les mécanismes d’un management par objectif, visant à développer chez son collaborateur à la fois autonomie et sens de la responsabilité dans une approche « collective » et non individualiste du temps, et plus le Manager continuera de subir les contraintes et limites du présentéisme et d’un management par le contrôle (visuel) qui le coupe du mode projet et des animations d’équipe les plus agiles.
Un article rédigé par Marc Godard, Manager People and Change.
Pour en savoir plus, vous pouvez le contacter à cette adresse : marc.godard@wavestone.com