Urgence climatique, tensions sociales… Difficile pour les entreprises d’ignorer l’enjeu vital que représente le développement durable et responsable. Avec 2030 en ligne de mire, et les nombreux engagements internationaux fixés pour ce jalon, 2023 s’annonce comme une année charnière. Celle de la bascule d’une essentielle prise de conscience de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) vers l’action concrète.
Le mouvement rappelle l’arrivée du digital, d’abord théorisé avant de se diffuser à toutes les strates de la société, redéfinissant au passage les savoirs-faire, les usages, les marchés… C’est une révolution similaire qui va se produire avec le développement durable. La clé de voûte en est la direction RSE, qui doit voir évoluer son rôle historique visant à simplement répondre aux enjeux de communication et de maîtrise des risques réglementaires, cantonnée, en quelques sortes, à l’animation d’actions volontaires sans impact structurant sur le business model, à un rôle de véritable chef d’orchestre de la transformation. Pour cela, cinq éléments seront clés.
Incarner la vision
Il faut, bien sûr, continuer la pédagogie sur la nécessité du changement. Les contraintes réglementaires vont se renforcer, tout comme la vigilance des consommateurs et ONG, prompts à mobiliser les réseaux sociaux et la justice. Mais le changement est aussi indispensable pour répondre aux attentes du marché, les clients -et collaborateurs- étant de plus en plus sensibles à la logique de durabilité.
Cependant, l’évangélisation ne saurait suffire. Il convient d’avoir une vision globale de la transformation nécessaire et, surtout, de l’incarner. Globale, car la durabilité est multidimensionnelle. L’un des écueils du débat actuel est notre tropisme sur les émissions de carbone. Certes, elles représentent un enjeu, mais l’arbre du climat ne doit pas cacher la forêt de la biodiversité. Les sujets sont complexes et interdépendants. Le salut de l’un ne passe que par celui de l’autre, et réciproquement.
Ces actions, il convient de les illustrer. Que veut dire au quotidien agir pour la responsabilité sociétale ? Cela peut être privilégier les fournisseurs en circuit court, servir d’ascenseur social pour ses employés, basculer vers une alimentation végétale… Donner des exemples concrets est indispensable pour faciliter le nécessaire changement de regard sur notre société.
Mesurer le progrès
Un changement qui devrait amener à se poser la question de la définition et de la mesure du progrès dans l’entreprise. Il faut développer une nouvelle vision de la performance, en intégrant la durabilité. Pour la quantifier et la valoriser, il sera nécessaire de travailler main dans la main avec les directions financières, qui ont déjà l’expérience en gestion de la performance, et avec les services informatiques, pour maîtriser les données et développer des compétences de data analyse et visualisation spécifiques.
Certes, il existe déjà quelques indicateurs, mais ils restent macroéconomiques et présentés au niveau des grandes directions. Pour réussir une réelle transformation, il faut intégrer dans les revues mensuelles à tous les niveaux les performances extra financières en plus des financières. Et, à terme, baser une partie de l’intéressement sur ces indicateurs de performance durable, tels que les émissions de gaz à effet de serre, la quote-part des produits et services durables, la diversité au sein du management, etc.
Mobiliser l’humain
Cela permettrait de mettre fin à l’injonction contradictoire dans laquelle se trouvent bon nombre de dirigeants, coincés entre des enjeux financiers de performance à court terme et la RSE, non quantifiée. Or cet échelon est crucial pour la réussite de la transformation, qui ne peut être portée par un simple mouvement top down. Le changement est tellement profond, complexe. Il s’apparente à apprendre une nouvelle langue, et ne peut donc se décréter. Il sera mis en mouvement par l’humain, qui seul peut innover, inventer de nouvelles façons de bien faire.
A condition que lui soit donné capacité d’agir à son niveau. Pour cela, il faut investir dans des formations sur la durabilité, adaptées à chaque métier. Comment concevoir une offre ou un produit durable ? Comment les vendre ? Comment s’approvisionner de manière responsable ? Comment recruter ?
Créer une filière durabilité
Pour répondre à toutes ces questions, la direction RSE a, elle aussi, besoin de moyens. Il faut qu’elle dispose d’une véritable filière durabilité, avec des relais dans les différentes fonctions et unités. Pas uniquement des ambassadeurs portant la bonne parole. Mais des référents RSE avec du pouvoir de décision, de l’influence, présents dans les comités de direction et qui veilleront à décliner la durabilité pour chaque branche.
Utiliser le digital
Enfin, l’une des clés de la réussite est de conjuguer digital et durable. Aujourd’hui, les deux sujets sont pensés en silo alors qu’ils se nourrissent l’un l’autre. Matériels, logiciels, usages numériques sont à repenser pour moins polluer. Côté durabilité, le digital est un outil formidable pour non seulement mesurer et piloter, via la data et l’Intelligence Artificielle, mais surtout trouver des solutions intelligentes afin de réduire l’empreinte de l’entreprise, à tous niveaux.