Les leviers de l’entreprise pour protéger et restaurer la biodiversité


Nous assistons à la sixième extinction de masse de la biodiversité (Source : ‘The Sixth Extinction’ Richard Leaky et Roger Lewin, 1995), menaçant notre coexistence harmonieuse avec la planète. Face à cet enjeu crucial, les entreprises doivent s’adapter pour relever les défis liés à la biodiversité afin de la préserver et développer des solutions valorisant les potentialités des services rendus par la nature. Explorons quatre leviers clés pour les entreprises.

La biodiversité désigne la diversité des espèces, des gènes et des écosystèmes, ainsi que leurs interactions. Cette diversité est gravement menacée. Au cours des 15 dernières années, la limite critique de l’érosion de la biodiversité, l’une des neuf limites planétaires, a été franchie. Le seuil acceptable de 10 extinctions par million d’espèces par an est largement dépassé, atteignant entre 100 et 1 000 extinctions par million d’espèces (Source : Steffen et al., 2015). Cette situation expose la biosphère à un risque d’effondrement global. Pourtant, les efforts des entreprises pour inverser cette tendance demeurent insuffisants. Comment les entreprises peuvent-elles agir pour protéger et favoriser la biodiversité ?

1/ De la sensibilisation à l’action : Faire des collaborateurs des acteurs du changement pour la biodiversité

Beaucoup d’entreprises peinent à reconnaître leur impact sur la biodiversité, qu’il soit direct (activités, infrastructures) ou indirect (fournisseurs, clients…). Pourtant, la biodiversité représente un capital naturel indispensable : elle offre un espace physique aux entreprises, constitue une source d’approvisionnement en matières premières, etc.

Pour sensibiliser les collaborateurs aux liens étroits existant entre les activités de l’entreprise et la biodiversité, et les impliquer dans le diagnostic d’impact et des dépendances avec la biodiversité mais aussi dans l’élaboration de la stratégie de l’entreprise pour limiter son empreinte, plusieurs initiatives peuvent être mises en place :

  • Des modules de formation spécifiques pour expliquer et illustrer concrètement les liens entre les actions de l’entreprise et les enjeux de la biodiversité ;
  • Des fresques collectives pour visualiser et comprendre l’impact des activités de l’entreprise sur la biodiversité, stimulant ainsi une réflexion collective et proactive ;
  • Des sorties découvertes de la biodiversité sur le site de l’entreprise pour prendre conscience de l’urgence de la protéger ;
  • Des ateliers de brainstorming pour permettre aux collaborateurs de proposer des idées et des solutions pour réduire l’impact de l’entreprise ;
  • Des groupes de travail transversaux pour impliquer les collaborateurs de différents départements dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise en matière de biodiversité.

Ces actions favorisent la prise de conscience collective et encouragent l’initiative commune. Les collaborateurs ne doivent pas être de simples spectateurs, mais des acteurs engagés dans cette démarche.

2/ Mesurer ses impacts, risques et dépendances avec la biodiversité pour saisir les opportunités de sobriété et création de valeur pour l’entreprise

Toutes les entreprises affectent la biodiversité tout au long de leur chaîne de valeur, entraînant des risques pour leur avenir. Evaluer ces impacts et risques est donc essentiel pour atténuer leur empreinte sur la biodiversité et prévenir les menaces pour l’avenir de l’entreprise. La réglementation, notamment la norme ESRS E4 de la CSRD, impose des obligations de déclaration en matière de biodiversité, accélérant cette nécessité.

Pour évaluer ses impacts, une entreprise doit définir précisément le périmètre de ses activités, le cycle de vie de ses produits et l’emprise physique de ses sites. Cette démarche permet d’identifier ses impacts, risques et dépendances de manière la plus exhaustive possible, et de saisir in fine des opportunités de sobriété et de création de valeur. Cela inclut la minimisation de l’utilisation de ressources, l’utilisation de matériaux recyclés ou recyclables, la réduction des déchets, la réduction de la consommation d’énergie et l’optimisation des processus. Mais cela comprend aussi l’innovation dans des produits et services inspirés par la nature (biomimétisme), l’éco-conception, le développement d’une logistique durable, l’optimisation énergétique, etc.

Les entreprises ont un réel besoin de collecter les données et d’évaluer leurs impacts et risques pour prendre des décisions adaptées. Cependant, la multitude de solutions disponibles peut compliquer cette tâche et reléguer le sujet au second plan. C’est pourquoi Wavestone travaille sur l’élaboration d’un inventaire des outils de collecte et mesure des impacts et risques liés à la biodiversité pour accompagner les entreprises dans le choix de solutions adéquates et renforcer leur capacité à concevoir des diagnostics et des stratégies en faveur de la biodiversité.

Parmi les outils de mesure des impacts, on peut citer le Global Biodiversity Score®, le Biodiversity Impact Metric ou encore le cadre méthodologique Science Based Target Network (SBTN) qui fournit des conseils pour se fixer des objectifs scientifiques en matière de protection de la biodiversité. Quant aux outils d’évaluation des risques, il existe le Score Biodiversité ou encore la méthode du Stress Test qui simule des scénarios de conditions dégradées de la biodiversité pour évaluer les risques financiers et opérationnels.

3/ La décentralisation comme stratégie de protection de la biodiversité : une approche centrée sur le territoire

Pour s’intégrer dans leur environnement local, les entreprises doivent décentraliser leurs activités et leur gouvernance. Cela nécessite un changement de modèle économique, s’éloignant des pratiques standardisées et centralisées.

Pour cela, il est indispensable d’étudier et de comprendre les spécificités locales de chaque territoire et de définir des objectifs locaux précis et adaptés à ces particularités. Les entreprises peuvent ainsi développer des champions de la RSE spécialisés dans les spécificités de leur région.

Exploiter intelligemment les ressources et atouts locaux implique des initiatives telles que l’agriculture locale, les circuits courts, l’éco-tourisme, l’utilisation de matériaux locaux, la création d’emplois locaux, la collaboration avec des producteurs d’énergie renouvelable locaux, l’artisanat local et l’adhésion à des labels locaux. Il faut également adapter l’offre aux besoins et atouts locaux pour devenir le plus autonome et auto-suffisant possible.

Cette approche conduira à une décentralisation des opérations de l’entreprise tout au long de sa chaîne de valeur. Cela permettra à l’entreprise de mieux appréhender les réalités locales des défis de la biodiversité, d’intensifier le dialogue avec ses partenaires locaux, privés ou publics, et de légitimer son action sur son territoire.

Pour réussir cette décentralisation, plusieurs mesures peuvent être mises en place :

  • Centraliser les données pour faciliter la prise de décision en évitant la dispersion des données et la création de silos d’informations ;
  • Mettre en place des processus d’arbitrage pour fluidifier la prise de décisions locales tout en restant aligné avec la vision globale de l’entreprise ;
  • Favoriser le partage d’informations en interne pour éviter l’isolement des différentes unités et créer une cohésion fonctionnelle ;
  • Communiquer à l’externe ses résultats et effets sur la biodiversité afin de valoriser les démarches de l’entreprise, inspirer d’autres entreprises et renforcer sa compétitivité.

En adoptant cette approche, les entreprises peuvent véritablement intégrer la protection de la biodiversité dans leur stratégie, tout en créant de la valeur économique et sociale pour leur territoire.

4/ Collaborer pour la restauration de la biodiversité et inspirer le changement  

Collaborer avec des acteurs privés et publics, tant au niveau régional qu’international, est essentiel pour la préservation et la restauration de la biodiversité. De nombreuses coalitions œuvrent déjà en ce sens.

Le Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) est un groupe international élaborant des recommandations pour aider les entreprises à évaluer et divulguer leurs risques et impacts liés à la nature, notamment la biodiversité. Ce cadre les aide à intégrer ces risques et opportunités dans leurs décisions opérationnelles et financières.

Act4Nature réunit des acteurs publics, privés, des experts scientifiques et des ONG, avec des engagements conformes aux critères SMART (spécifique, mesurable, additionnel, réaliste et temporellement encadré), une analyse de matérialité, et respectant le principe « comply or explain ». Plus de 70 entreprises sont engagées dans cette coalition.

D’autres groupes notables incluent Business for nature, The Global Partnership for Business and Biodiversity (GPBB), The Natural Capital Coalition, et One Planet Business for Biodiversity (OP2B).

Ces dynamiques internationales sont indispensables pour fixer des objectifs communs et stimuler l’engagement en faveur de la régénération des écosystèmes.

Au niveau régional, les entreprises peuvent aussi collaborer avec divers acteurs tels que les agences régionales de la biodiversité (ARB), les parcs naturels régionaux ou nationaux, les territoires engagés pour la nature (TEN), les conservatoires d’espaces naturels (CEN), les chambres d’agriculture, les observatoires régionaux de la biodiversité, etc.

Cette collaboration permet de décrypter collectivement les enjeux actuels et de mettre en place des solutions adaptées et mutuellement bénéfiques pour les entreprises, au service de la protection et de la régénération de la biodiversité.

Face à la sixième extinction de masse de la biodiversité, les entreprises jouent un rôle crucial dans sa protection et sa restauration. En sensibilisant et impliquant leurs collaborateurs, en mesurant leurs impacts, risques et dépendances, en décentralisant leurs activités et en collaborant avec divers acteurs locaux et internationaux, elles peuvent non seulement atténuer leur empreinte sur la biodiversité, mais aussi créer de la valeur économique et sociale pour leur territoire. Protéger la biodiversité est à la fois une responsabilité et une opportunité stratégique essentielle pour prospérer dans un monde confronté à des risques écologiques croissants.

Florine MAINCENT, Analyst


Sources 

https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/comment-se-porte-la-biodiversite-en-france-en-2024

https://biodiversite.gouv.fr/

https://www.act4nature.com/wp-content/uploads/2018/04/MEDEF_Entreprises-et-biodiversit%C3%A9_Comprendre-et-agir.pdf

Présentation PowerPoint (wavestone.com)

13856-guide-biodiversite-juin-2021.pdf (medef.com)

Empreinte biodiversité : méthodes de mesure et démarches (foresteam.fr)

État et tendances de la biodiversité – Fondation pour la recherche sur la biodiversité (fondationbiodiversite.fr)

https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/biodiversite/les-menaces-sur-la-biodiversite-ressources/article/erosion-de-la-biodiversite.

https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rse-avis-empreinte-biodiversite-entreprises-mars-2020_0.pdf

https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2021/04/Publi-JFRB-Indicateurs-outils-mesure-Impact-biodiversite-1.pdf

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https://tnfd.global/

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