L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’Union Européenne persiste (11.6% en moyenne en 2022 selon l’OCDE), avec des variations importantes entre les États membres, et n’a que très peu diminué au cours des dernières années.
Faute de transparence, les éventuels écarts de rémunération demeurent méconnus. De fait, les victimes de discrimination ne disposent pas des informations nécessaires pour agir et les actions en justice sont vouées à l’échec.
C’est une des raisons pour lesquelles l’Union européenne a adopté une directive « visant à instaurer davantage de transparence pour assurer une équité salariale.
La directive adoptée par l’Union européenne impacte l’ensemble de la communication autour de la rémunération dès l’embauche
L’Union européenne a donc adopté le 10 mai 2023 une directive visant à renforcer la transparence des rémunérations. Elle sera transposée dans le droit français au plus tard en juin 2026, pour une mise en conformité les mois suivants.
La directive impose que désormais :
- lors de l’embauche, les candidats aient le droit de recevoir des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale,
- après l’embauche, l’employeur ait l’obligation d’expliquer tous les éléments de fixation des rémunérations et de la politique de progression salariale.
La transparence des rémunérations est un élément fondamental de la RSE
Ce texte s’inscrit dans une dynamique plus large de RSE, et favorise la mise en place de pratiques durables au sein des entreprises.
La transparence salariale vise par exemple à réduire les inégalités de rémunération en rendant les salaires visibles et comparables. Cela s’inscrit dans une démarche RSE qui promeut l’équité et la justice sociale au sein de l’entreprise.
En adoptant des pratiques de transparence salariale, les entreprises renforcent la confiance, la satisfaction au travail et l’engagement des employés, des éléments essentiels pour une culture d’entreprise responsable.
Elles peuvent également attirer et retenir des talents qui valorisent l’équité et la responsabilité. Cela contribue à une image de marque positive, alignée avec les principes de la RSE.
De plus en plus de réglementations, comme la CSRD, exigent des entreprises qu’elles soient transparentes sur leurs pratiques salariales. La mise en conformité réglementaire pousse ainsi les entreprises à intégrer des critères RSE dans leur stratégie de rémunération.
Enfin, la transparence salariale permet aux entreprises de renforcer leur responsabilité envers toutes leurs parties prenantes : non seulement à leurs employés, mais aussi les investisseurs et la société civile.
Concrètement, « être transparent », ça veut dire quoi ?
La directive impose désormais aux entreprises de :
1. Mesurer les écarts de rémunération entre des personnes accomplissant le même travail ou un travail de même valeur, et de les communiquer de manière individuelle aux salariés qui en feront la demande
2. Expliquer la politique salariale en mettant à disposition, d’une manière facilement accessible :
- les critères utilisés pour déterminer la rémunération,
- les niveaux de rémunération,
- les règles de progression de la rémunération
et apporter la preuve de l’équité des rémunérations
3. Rendre les informations disponibles
- par la publication de KPIs auprès de l’ensemble des parties prenantes : salariés, partenaires sociaux et organismes de suivi et de contrôle,
- auprès des candidats par la publication des fourchettes de salaires dans les offres d’emploi
4. Produire des reportings réglementaires, en accord avec notamment les critères de publication exigés par la CSRD quant à l’équité salariale notamment
La mise en œuvre de la directive expose ainsi l’entreprise à un certain nombre de risques …
Elle s’expose par exemple à un risque d’image, si l’image perçue par les parties prenantes est en contradiction avec sa politique RSE, mais aussi à un risque juridique car en rendant les salaires plus visibles, la directive inverse la charge de la preuve et les employés peuvent plus facilement prouver qu’ils sont victimes de discrimination le cas échéant.
La comparaison des salaires peut également amener à un « choc de révélation » et une perte de motivation des salariés, ou un manque d’attractivité de la part des candidats si les fourchettes de salaire annoncées dans les offres ne sont pas au niveau attendu. Une mauvaise communication ou une incapacité à répondre clairement aux questions peut amener à une perception erronée voire une incompréhension des politiques de la part des différentes parties prenantes.
Enfin, les processus et outils peuvent s’avérer inadaptés s’ils ne permettant pas de répondre aux nouvelles exigences réglementaires.
…mais elle ouvre également des perspectives prometteuses
La mesure des écarts de rémunérations peut permettre de converger vers des niveaux de salaires plus équitables, permettant ainsi une réduction des inégalités salariales et une harmonisation des pratiques salariales, une fidélisation des employés, en renforçant le sentiment d’équité et permettant à chacun de se projeter dans son entreprise, et un renforcement de la marque employeur, pour attirer de nouveaux talents.
Quels sont les chantiers à engager pour les entreprises pour être prêtes en 2026 ?
Il convient alors d’anticiper cette réforme, afin d’identifier les efforts à fournir et comprendre les éléments à faire évoluer :
- Processus et politique de rémunération :
- Analyser l’ensemble des processus impactés par la directive
- Auditer et analyser la politique de rémunération pratiquée
- Définir et analyser des catégories d’emplois en cohérence avec la directive
- Définir une trajectoire et une politique adaptée
- Maturité du SIRH et production des KPIs :
- Analyser la maturité du SIRH et ajuster ses évolutions
- Calculer et analyser les écarts entre les catégories d’emploi
- Produire les KPI d’analyse et les tableaux de bord
- Embarquement des parties prenantes :
- Former et sensibiliser à la transparence salariale : managers, RH, salariés, partenaires sociaux…
Conclusion
Ainsi, la transparence des rémunérations n’est pas seulement une obligation légale, mais c’est une formidable opportunité de transformation positive.
Évoquer la rémunération en entreprise est à la fois un sujet sensible et complexe.
Dans les prochains mois, l’entreprise devra communiquer auprès des parties prenantes internes (salariés, managers, RH, partenaires sociaux…) et externes (organismes de contrôle, marchés…) ses pratiques de rémunération.
Le succès de ce changement nécessite :
- des expertises métier couvrant l’ensemble des évolutions attendues
- une animation des acteurs/services concernés
- un suivi des jalons de mise en œuvre
Pour plus d’informations, contactez Jean-Christophe Procot (jean-christophe.procot@wavestone.com)