Changement climatique : L’urgence d’une stratégie d’adaptation proportionnée aux risques climatiques

Face à l’accélération du changement climatique, les entreprises ne peuvent plus se contenter d’ajustements progressifs. Les alertes sont connues de longue date, mais les transformations structurelles peinent à s’imposer, freinées par une inertie persistante, alors que l’urgence s’intensifie. Adapter les modèles économiques devient impératif : plus cette transition est anticipée, moins elle sera coûteuse, et plus les chaînes de valeur seront préservées. À l’inverse, ignorer les risques climatiques pourrait rendre certains actifs non assurables, exposant les entreprises à de lourdes pertes, un point que nous développerons dans un prochain article. Si cette adaptation soulève des défis complexes, elle exige une approche rigoureuse. Cet article explore ces enjeux et l’accompagnement proposé par Wavestone pour renforcer la résilience et la pérennité des acteurs économiques. Avant cela, précisons ce que recouvre l’adaptation au changement climatique, à distinguer des démarches d’atténuation.

Atténuation : « L’atténuation des effets du changement climatique fait référence aux mesures, quelles qu’elles soient, prises par les gouvernements, les entreprises ou les personnes, pour réduire ou éviter les gaz à effet de serre, ou pour développer les puits de carbone qui les éliminent de l’atmosphère. »

Adaptation : « L’adaptation au changement climatique se réfère aux actions qui contribuent à réduire la vulnérabilité aux effets actuels ou attendus du changement climatique, comme les extrêmes météorologiques et les catastrophes naturelles, l’élévation du niveau des mers, le déclin de la biodiversité ou l’insécurité alimentaire et hydrique. »

Nous reviendrons d’abord sur les freins à une adaptation anticipée avant d’examiner comment cette démarche peut devenir un véritable levier stratégique pour les entreprises.

Partie 1 : Les défis d’une adaptation subie
1.1. Les risques climatiques augmentent, la réponse règlementaire tarde

La multiplication des sinistres causés par l’intensification des aléas climatiques extrêmes et chroniques bouleversent l’écosystème économique mondial. « Entre 1980 et 2023, la base de données internationale sur les catastrophes (EM-DAT) a recensé plus de 12 000 catastrophes naturelles, dont les deux tiers ont eu lieu depuis le début du XXIe siècle ». Cette fréquence accrue expose les entreprises à des interruptions d’activités, des pertes financières et des perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement.

À l’échelle nationale, la chaleur extrême pourrait toucher 14 % à 36 % des travailleurs, notamment en agriculture et dans le bâtiment, réduisant leur productivité et augmentant les risques d’accidents. Concernant les pertes financières liées à aux vagues de chaleur en France, les projections climatiques à horizons 2055-2064 montrent que ces évènements climatiques extrêmes pourraient engendrer « une perte de 1.5% du PIB global à structure sectorielle inchangée ».

Cette vulnérabilité a conduit à un durcissement progressif du cadre réglementaire européen. Si l’adaptation reste moins encadrée que l’atténuation, plusieurs initiatives récentes poussent les acteurs économiques à structurer leurs démarches. Le Plan européen d’adaptation (PAEC), inscrit dans les priorités 2024-2029, vise à intégrer l’adaptation dans la planification urbaine, agricole et infrastructurelle. La directive CSRD (Corporate Social Reporting Directive), en vigueur depuis 2024, impose aux grandes entreprises de déclarer leurs risques climatiques, physiques ou de transition, selon une logique de double matérialité. Au niveau national, le troisième plan d’adaptation, publié le 10 mars 2025, vise à l’évaluation de ces risques par les entreprises. En effet, La mesure 33 explique que pour « réduire les impacts en cas d’événements extrêmes et éviter les investissements non-rentables […], il est essentiel que les entreprises élaborent des plans d’adaptation » en particulier les gestionnaires d’infrastructures ou de services publics critiques comme les transports, l’énergie et la santé. Cependant on remarque une baisse d’ambition concernant d’autres secteurs où le PNACC n’envisage plus qu’une « réflexion sur l’introduction progressive d’une obligation de réaliser une étude de vulnérabilité et d’élaborer un plan d’adaptation ».

C’est notamment ce cadre en construction qui explique la difficulté pour les entreprises d’aligner gouvernance et stratégie sur ces enjeux. Le passage à l’action reste freiné, faute de contraintes fortes et de structuration interne, rendant l’évaluation des besoins d’adaptation complexe.

1.2. Des investissements d’adaptation insuffisants causés par différents facteurs structurants

Anticiper les aléas climatiques implique d’investir dans des solutions assurant la continuité des activités. Au-delà de la réduction des pertes économiques, la taxonomie européenne et la CSRD renforcent les exigences d’investissement et de transparence notamment en imposant un reporting sur l’adaptation. Pourtant, beaucoup d’acteurs peinent à évaluer leurs besoins et à structurer une gouvernance liant efficacement stratégies physiques et financières. Cette difficulté repose sur quatre facteurs principaux :

1. Insuffisante climatique : Les risques climatiques sont peu intégrés aux décisions stratégiques, souvent en raison d’une faible culture du risque chez les décideurs. Or, mieux les comprendre est essentiel pour anticiper les événements à venir, en évaluer les coûts, les intégrer aux plans de continuité, et orienter les investissements afin d’éviter la dévalorisation d’actifs devenus inadaptés.

2. Une vision à court-terme et fragmentée : L’absence de méthodologie de référence et d’outils d’aide à la décision freine l’adaptation, souvent perçue comme un coût sans retour tangible. Pourtant, une gouvernance structurée et inscrite dans le long terme permettrait d’en objectiver les bénéfices, notamment les gains liés à la continuité d’activité lors d’un aléa climatique, évitant ainsi des interruptions coûteuses.

3. Difficulté de chiffrer les besoins: Faute de vision consolidée, l’estimation des besoins financiers liés à l’adaptation reste incertaine. Les CAPEX d’adaptation se confondent avec la maintenance, dilués dans les budgets d’exploitation. Cette opacité complique leur suivi, freine l’allocation de ressources dédiées et décourage les investissements pourtant essentiels à la résilience.

4. Un dialogue insuffisant entre les parties prenantes : Dans leurs échanges avec les acteurs territoriaux, certaines entreprises hésitent à assumer seules les coûts de l’adaptation, estimant que les impacts relèvent d’une responsabilité partagée. Cette posture reporte la charge sur les assureurs et freine un dialogue nécessaire à des stratégies communes. Ce manque de coordination limite la mise en place de financements mutualisés, pourtant essentiels à la résilience des territoires.

C’est notamment pour ces raisons que le financement de l’adaptation reste insuffisant, ne représentant que 5 % du financement climatique mondial en 2021-2022 soit environ 63 milliards de dollars par an, sur un total estimé à 1 150 milliards. Au niveau national, la situation est également alarmante puisque le plan d’adaptation (PNACC 3) mentionne que « si rien n’est fait, le réchauffement climatique pourrait conduire à une perte de richesse potentielle de 10 points de PIB pour notre pays en 2100 et à un coût estimé à environ un milliard d’euros par an pour notre agriculture à horizon 2050 ». Les entreprises risquent alors de se retrouver face à des choix financiers complexes, où l’adaptation pourrait souvent être reléguée en arrière-plan.

 

Partie 2 : Faire de l’adaptation une stratégie : les convictions de Wavestone pour accompagner ses clients face aux risques climatiques

Notre approche s’articule autour de cinq modules couvrant le parcours d’adaptation. Conçus pour s’adapter aux spécificités de chaque organisation, ils s’appuient sur les enseignements tirés de missions menées auprès d’acteurs issus de secteurs variés.

Détail des cinq modules Wavestone :
Diagnostic de vulnérabilité
Feuille de route d’adaptation
Développement de nouvelles offres
Coopération avec les parties prenantes
Culture du risque et formation

 

1. Diagnostic de vulnérabilité : L’élaboration d’un plan d’adaptation commence par la définition du périmètre des opérations concernées, suivie d’une cartographie des risques sur la chaîne de valeur, de l’évaluation des vulnérabilités et de leur hiérarchisation. Nous privilégions une approche outillée et partenariale, en mobilisant des expertises ciblées et des solutions éprouvées, telles que Maptycs, qui s’appuie sur les données de risque de réassureurs de référence.

2. Feuille de route d’adaptation: Notre approche se déploie en deux étapes. La première vise à renforcer la compréhension des enjeux via un diagnostic de l’existant, un benchmark sectoriel et une veille réglementaire, posant les bases d’une réflexion structurée. La seconde formalise une feuille de route, en définissant une gouvernance adaptée et en traduisant les vulnérabilités identifiées en actions concrètes.

3. Développement de nouvelles offres: Nous voyons dans l’adaptation un levier de création de valeur. Cela implique de faire évoluer les offres en intégrant les enjeux climatiques et les attentes des parties prenantes dès la conception. Cette démarche peut s’appuyer sur des expérimentations concrètes, comme des POC (Proof of concept) territoriaux, pour tester de nouvelles approches adaptées aux réalités locales.

4. Coopération avec les parties prenantes externes: Nous sommes convaincus que l’adaptation repose sur une dynamique collective. Cela suppose de renforcer la coopération avec les parties prenantes, via des consortiums territoriaux, des partenariats public-privé ou des financements croisés. Nous contribuons également aux réflexions sectorielles en animant des espaces de dialogue et de co-construction. C’est dans cet esprit que nous avons accompagné le Freedom of Mobility Forum de Stellantis en assurant sa gouvernance, l’animation des échanges et la formalisation des conclusions.

5. Culture du risque et formation: Développer une culture du risque est un levier clé de l’adaptation. Cela passe par la sensibilisation des équipes aux impacts climatiques, via des modules adaptés aux métiers et publics concernés. Cette démarche s’inscrit dans des programmes de transformation mêlant pédagogie et ancrage opérationnel. Par exemple, nous avons accompagné la direction RSE d’une banque sur l’économie circulaire à travers ateliers, présentations et entretiens métiers.

Conclusion

Face à l’urgence climatique, l’adaptation s’impose comme un impératif stratégique pour les entreprises. Adapter les modèles économiques est essentiel : plus cette transformation est anticipée, moins elle sera coûteuse, et plus elle permettra de limiter les impacts susceptibles de fragiliser les chaînes de valeur. En dépit d’un cadre réglementaire en construction, il est crucial d’agir dès maintenant pour renforcer la résilience des activités et se positionner face à une incertitude croissante. Loin d’être une contrainte, l’adaptation peut devenir un levier de compétitivité. Wavestone accompagne ses clients dans cette dynamique, en intégrant l’adaptation au cœur de leur stratégie et en partageant ses retours d’expérience pour coconstruire des solutions sur mesure. À défaut d’anticipation, c’est un monde non assurable qui se profile, un enjeu que nous approfondirons dans un prochain article.


Elias LEPRIEULT, Consultant
Marie BAUCHET, Senior Consultante
Arnaud PENSIVY, Senior Manager

Sources: 

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