Un bénévole pour une association ou une ONG agit sans contrepartie financière. Il consacre une partie plus ou moins importante de son précieux temps à une activité pour laquelle il n’est pas rémunéré. Pensez-vous qu’en rémunérant ces heures, les bénévoles seraient plus nombreux ? Ceci n’est pas garanti…
Le bénévolat est la preuve que les récompenses financières ne sont pas les seules sources de motivation.
Quelles sont les sources de motivation pour le travail rémunéré ?
La récompense découragerait-elle plutôt qu’elle ne motive ?
Nous pensons communément que récompenser les efforts d’un collaborateur via une augmentation de sa rémunération est le meilleur moyen pour accroitre sa motivation. Pourtant, des études récentes nous démontrent que la réalité est toute autre.
Avez-vous la même motivation à accomplir une tâche lorsque vous l’avez choisie ou quand elle vous a été imposée ?
Êtes-vous plus motivé à effectuer une mission lorsqu’il y a une récompense pécuniaire à la clé ?
Des chercheurs américains Mark Lepper, David Greene et Robert Nisbett ont réalisé une étude permettant de répondre à ces deux questions.
Ils ont analysé les « coûts cachés des récompenses »(1) en menant leur étude au sein d’une école maternelle. Ils ont observé pendant plusieurs jours les réactions des enfants face à une récompense. Pour cela, ils ont constitué trois groupes d’enfants :
- groupe 1 : les enfants sont informés qu’ils recevront une récompense si ils réalisaient un dessin
- groupe 2 : une récompense est distribuée seulement après la réalisation du dessin, sans que les enfants n’en soient informés au préalable
- groupe 3 : aucune récompense n’est distribuée pour la réalisation du dessin.
Après deux semaines d’expérimentation, les chercheurs font le constat suivant : dans le premier groupe, les enfants n’étaient plus aussi motivés qu’au début de l’expérimentation, alors que dans les deuxième et troisième groupes la motivation à dessiner est demeurée stable.
Comment expliquer le maintien de la motivation ?
- Deci et R. Ryan ont présenté une théorie distinguant la motivation extrinsèque, provoquée par une circonstance ou un facteur extérieurs à l’individu (punition, récompense, etc.), de la motivation intrinsèque, conduite par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action. Ainsi, lorsqu’une tâche est imposée en échange d’une récompense, l’individu qui la réalise n’y trouve pas toujours une motivation intrinsèque. Généralement, il effectue la tâche pour la récompense promise.
« On recourt à des récompenses pour tirer profit de la motivation accrue d’autrui, mais ce faisant, on induit souvent un coût involontaire et caché en compromettant la motivation intrinsèque de cette personne pour cette activité »(2).
Autrement dit, la récompense en elle-même n’a pas nécessairement d’impact contre-productif, puisque les enfants du deuxième groupe semblaient prendre autant de plaisir à dessiner. C’est la récompense conditionnée (« en échange de ceci, tu auras ceci ») qui semble être démotivante.
Pourquoi la récompense conditionnée est-elle démotivante?
Daniel H. Pink avance qu’en agissant pour une récompense, l’individu renonce en partie à son autonomie(3). Or, une des sources profondes de motivation chez chaque individu est justement l’autonomie.
Cependant, chaque salarié attend une rémunération minimum en échange de son travail… Or, comme nous l’avons vu précédemment, la motivation intrinsèque est bien plus durable…et plus complexe à mobiliser.
Quelles sont les conditions pour que la rémunération reste une source de motivation ?
Pour qu’un système de rémunération reste motivant, il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre rémunération fixe et variable : quand le fixe rétribue la responsabilité et la maîtrise du poste, le variable rétribue la performance du collaborateur. Cette dernière doit prendre en compte à la fois l’environnement de travail du collaborateur, les conditions de travail (physique, mentale, psychologique,..) et les moyens mis à sa disposition pour atteindre ses objectifs. Si le salarié à une perception négative de ces éléments, la rémunération variable peut perdre de son potentiel de motivation.
Par ailleurs, la difficulté est de récompenser à un niveau jugé convenable par le collaborateur sans que cela ne soit perçu comme systématique. Un collaborateur qui anticipe une augmentation quasi automatique en fin d’année la considérera comme due. Il y a donc de faible chance pour que l’augmentation anticipée le motive à travailler davantage ou mieux : à quoi bon travailler plus, si la prime est la même chaque année ?
Enfin, une prime, aussi importante soit-elle, perdra tout son potentiel d’attractivité si elle n’est pas expliquée au collaborateur. En effet, si la prime ne fait pas sens pour un collaborateur, l’impact sur son niveau de motivation sera nul. Il en sera de même, s’il ne comprend pas pourquoi il doit remplir tel objectif plutôt qu’un autre. En résumé, comprendre à quoi il contribue et avoir la perception qu’il a les moyens de réaliser en qualité sa contribution est la principale source de motivation d’un collaborateur.
L’action de chaque individu est régie par une combinaison de deux types de motivations : la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. Or, la motivation durable est la motivation intrinsèque.
Aussi, pour qu’un individu se motive lui-même, c’est au management et aux équipes RH de veiller à mettre en œuvre les conditions qui le permettent. Pour cela, il est indispensable de comprendre la représentation qu’il se fait de son métier (autonomie, apprentissage, évolution de carrière,…), connaitre ses valeurs personnelles, son histoire, poser de bonnes conditions de travail (moyens, ambiance de travail, collectif,..), donner du sens et de la reconnaissance.
Auteurs : Margaux Sion, Consultante, Camille De Maillé, Consultante
- Mark Lepper, David Greene, Robert Nisbett « Undemining Children’s Intrinsic Interest with Extrinsic Reward: A test of the « Overjustification » Hypothesis”, Jouranl of Personality and Social Psychology, 1973
- Jonmarshalll Reeve, Understanding motivation and emotion, 2005
- David H. Pink, Drive: The Surprising Truth About What Motivates Us (La vérité sur ce qui nous motive), 2014
Très intéressant, merci pour cet article.