A la suite d’un premier article présentant l’état du droit en vigueur en matière de licenciement économique collectif et l’impact de la loi Travail sur ce sujet, nous poursuivons ici notre réflexion sur la problématique du contentieux en matière de licenciement économique collectif.
Pour une révision de la notion de secteur d’activité ?
Face à un marché économique en perpétuelle mouvement, un consensus peut se dessiner sur la nécessité de réformer la notion de secteur d’activité.
Pour rappel, en cas de litige sur la véracité des difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe, le périmètre d’évaluation est aujourd’hui celui du secteur d’activité auquel appartient l’entreprise à l’échelle du groupe dans son ensemble.
La rétractation du gouvernement sur sa proposition visant à cantonner à un critère géographique français le périmètre d’appréciation des difficultés économiques montre en ce sens à quel point cette notion est difficile à appréhender.
Pour autant, l’évaluation selon un secteur géographique à travers différents échelons géographiques (local, régional, national, européen, mondial) semble pertinente selon le type de marché et la taille de l’entreprise.
Cette solution va d’ailleurs dans le sens de l’article 30 du projet de loi Travail, qui fait varier l’appréciation des difficultés selon la taille de l’entreprise. Elle aurait alors pour mérite d’établir une certaine cohérence au sein d’un paysage juridique qui en manque parfois cruellement.
Une autre réponse pourrait être d’instaurer une méthode dite de « faisceau d’indices », à condition d’assurer une réelle transparence dans la sélection et la pondération dans les critères évalués.
Le type de marché pourrait alors à nouveau être pris en compte, dans le secteur géographique, et au regard de la taille de l’entreprise. Corrélativement, les impacts sociaux du licenciement économique pourraient être réfléchis au regard des mesures d’accompagnement mises en place.
Quoiqu’il en soit, le Conseil d’Etat a jugé dans un arrêt communément appelé « Heinz France », en date du 22 juillet 2015, que le choix du secteur d’activité incombait à l’employeur, sous réserve que ce dernier transmette les informations justifiant cette décision.
Autrement dit, l’administration n’a donc pas à se prononcer sur le secteur d’activité du groupe choisi, cette question étant encore tranchée par le juge judiciaire lorsqu’il se prononce sur le motif du licenciement à la suite d’une saisine individuelle…
Par conséquent, il reste aujourd’hui légitime de s’interroger sur la pertinence de la notion de secteur d’activité, dont les conséquences sont cruciales pour la validation de PSE d’entreprises de même groupe.
Pour la création d’un « dossier sériel » ?
L’instabilité économique et juridique générée par l’absence de définition partagée de la notion du secteur d’activité peut aboutir à une distinction des décisions entre les juridictions saisies alors même que les contentieux en jeu sont relatifs à une même procédure de licenciement économique collectif.
La célèbre série d’arrêts « Pages jaunes », conclue par la chambre sociale de la Cour de cassation en janvier 2006, est un exemple significatif de cette problématique.
Aussi, la possibilité de constituer des dossiers sériels, regroupant l’ensemble des contentieux appartenant à une « même » série de licenciement économique devant une juridiction unique, pourrait-elle constituer un outil pertinent d’harmonisation et de sécurisation des décisions ?
A ce stade, les pistes de réflexion sont nombreuses face à une notion si compliquée à définir. Les nombreux débats autour de la gestion du contentieux en droit du licenciement économique mettent en lumière les ambiguïtés et le caractère contestable du périmètre généralement retenu par la jurisprudence, qui considère la situation économique de l’entreprise au niveau de l’activité et du groupe dans son ensemble, privant ainsi les entreprises d’une capacité d’adaptation de leurs stratégies.
Mais l’étude de la jurisprudence en la matière met aussi en évidence la responsabilité des entreprises de renforcer leurs argumentaires économiques.
Pour conclure, nous ne pouvons qu’inviter l’ensemble des protagonistes à ouvrir la voie à un débat contradictoire plus fourni et transparent. Cette évolution apparait souhaitable au vu des enjeux économiques et humains attachés aux plans de restructuration. Elle gagnerait alors à être accompagnée d’une clarification des critères posés par la jurisprudence, afin de permettre un dialogue constructif entre le formalisme juridique et l’analyse économique.
Auteur : Guillaume Duchesne, Analyste