C’est l’un des premiers chantiers législatifs phare du quinquennat Macron. Le 31 juillet dernier, Députés et Sénateurs – réunis en commission mixte paritaire – sont parvenus à un accord sur le projet de loi d’habilitation à rénover le dialogue social, autorisant l’exécutif à légiférer par ordonnances pour réformer le code du travail.
Parmi les principales mesures, le projet de loi prévoit de simplifier les procédés de négociation entre employeur et salariés en généralisant la fusion des institutions représentatives du personnel (IRP) en entreprise.
Pour rappel, en France, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les IRP sont au nombre de trois, avec les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). En pratique, les délégués syndicaux (DS) sont souvent considérés comme une quatrième instance de par leur capacité à négocier les accords.
Depuis le décret d’application de ladite loi Rebsamen en mars 2016, l’employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés peut décider après simple consultation des instances existantes concernées de regrouper le CE, les DP et le CHSCT, ou seulement deux de ces institutions au sein d’une même instance appelée délégation unique du personnel (DUP). Dans les sociétés de plus de 300 salariés, la mise en place d’une DUP est également possible par accord majoritaire.
Le projet de loi vise à généraliser ce regroupement des instances représentatives du personnel en une instance unique du personnel à « toutes les entreprises et tous les groupes, sans limitation de plafond« . Ce comité serait mis en place de droit à l’échéance des mandats actuels, sauf accord majoritaire contraire. Surtout, il est envisagé d’aller « plus loin » que la fusion des trois instances, autrement dit de fusionner les quatre instances : CE, CHSCT, DP et DS à partir de 50 salariés. L’instance unique aurait ainsi la possibilité de négocier des accords.
Plusieurs arguments sont avancés par la Ministre du travail Muriel Pénicaud pour justifier leur intention de faire de l’instance unique le droit commun : le souci de rendre moins complexe les modalités de négociation (calendrier des réunions, processus électoral…), la volonté de limiter les effets de seuils, et surtout l’intérêt de recentrer la représentation des salariés sur un plus petit nombre afin de permettre à ces élus d’avoir une vision globale de l’entreprise et de jouer efficacement leur rôle, renforçant leur crédibilité.
De nombreuses incertitudes entourent encore cette mesure :
- Le choix des sujets concernés constitue un enjeu certain. Comment assurer un équilibre dans les thèmes traités ? L’objectif économique ne l’emportera-t-il pas sur l’organisation au travail, la santé et la sécurité ?
- L’instance devra disposer de moyens suffisants pour l’exercice des nouvelles prérogatives. Aujourd’hui, seul le CE dispose d’une subvention de fonctionnement d’un montant annuel minimum de 0,2 % de la masse salariale brute. Le même budget sera-t-il à partager ? Quid de la capacité d’ester en justice et du financement des expertises que peut demander aujourd’hui le CHSCT ?
- Les conditions dans lesquelles les représentants du personnel pourront être au mieux associés aux décisions de l’employeur restent à déterminer. Or, la compétence des élus et leur attachement au terrain interrogent. Comment retrouver un dialogue social de proximité face à des représentants du personnel qui vont devoir jongler avec les domaines d’information et de consultation de ces trois/quatre instances ? Jusqu’à quel niveau pourra-t-on négocier : l’entreprise ? L’établissement ?
Reste à savoir si cette future instance s’apparentera à un décalque de l’actuelle DUP qui constitue une addition des différentes instances, ou bien plutôt une réelle fusion avec un nouveau fonctionnement.
Ce qui est sûr c’est que le dialogue social se fera sur un nouveau terrain avec de nouvelles règles auxquelles le DRH devra être préparé.
Prochaines étapes : Présentation des arbitrages aux organisations syndicales et patronales à partir du 21 août. Les ordonnances seront ensuite envoyées au Conseil d’Etat et aux instances consultatives, avant d’être adoptées en conseil des ministres pendant la semaine du 20 septembre, pour une publication au Journal officiel à la fin du mois de septembre.
Guillaume Duchesne, Consultant Wavestone People & Change