Les perspectives d’évolution pour un individu ne se mesurent pas uniquement à ses connaissances, ses capacités ou aux opportunités offertes par son environnement professionnel. Le facteur clé de réussite se trouve dans sa capacité à utiliser ces mêmes ressources afin d’évoluer ; pour ce faire, encore faudrait-il avoir conscience de son potentiel !
« Nous savons ce que nous sommes, mais nous ignorons ce que nous pourrions être », William Shakespeare
Cette belle citation illustre parfaitement le potentiel, notion définissant la capacité de l’être humain à évaluer ses marges de progression au regard de ses actes présents et passés. Il s’agit d’une projection ; elle est donc inconnue, nous ne pouvons que poser une hypothèse sur celle-ci. Malheureusement, beaucoup auront tendance à la sous-évaluer. Une erreur qui peut s’avérer forte de répercussions…négatives.
L’ère du « potentiel » : au second plan le « capital humain » ?
« L’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique. » voici la définition du capital humain selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique). Vous l’avez compris, il s’agit d’une notion faisant référence à une situation donnée à un instant T. Dans un monde en perpétuel mouvement, l’une des clés de réussite des organisations et des individus, est la capacité à se projeter et à anticiper. C’est là que la notion de potentiel entre en jeu.
Il ne s’agit plus d’évaluer uniquement des aptitudes mises en œuvre dans le présent ou par le passé mais d’anticiper (au regard du capital humain) la propension d’un individu à évoluer. C’est tout l’enjeu des stratégies de gestion des talents aujourd’hui mises en œuvre dans les entreprises, qui n’évaluent plus uniquement des compétences mais tentent d’identifier des potentiels.
Identifier un potentiel grâce au Talent Management
Selon une étude ANDRH – FEFAUR de mars 2015, faite sur plus de 300 grandes entreprises françaises, tous secteurs confondus, 71 % des entreprises interrogées considèrent la gestion des talents comme critique pour leur performance (contre 63% en 2013). En 2013 le facteur prépondérant afin de qualifier un talent était la performance, en 2015 c’est le potentiel (86% pour le potentiel et 81% pour la performance).
Attention donc, le talent, en fonction de sa grille de lecture, ne signifie pas forcément potentiel. On peut être talentueux de manière innée ou le devenir sans pour autant avoir la capacité d’évoluer et inversement. C’est en intégrant cette nuance que les entreprises pourront optimiser leur stratégie de gestion des talents ; miser sur les talents existants mais également sur ceux en devenir.
Sous-évaluer son potentiel : un frein à sa carrière
Les perdants de cette « chasse au potentiel » sont les personnes compétentes ayant de réelles capacités humaines et intellectuelles mais qui, malheureusement, n’en ont peu ou pas conscience. Cette carence peut s’illustrer de différentes manières au sein d’une entreprise :
- Par une sous-performance
« Je ne peux pas car je ne suis pas capable de… » c’est ce que l’on appelle une pensée limitante. Limitante car elle sera à l’origine d’une sous-performance dès lors que nous ne chercherons pas à la contredire. L’individu intériorise son incapacité à progresser, se limitant alors à ce qu’il ou elle connait.
- Par un échec lors de l’entretien d’assessment (en vue d’une promotion interne)
D’autres performent en entreprise jusqu’à éveiller l’attention de leur manager ou des acteurs des ressources humaines, qui les identifient alors comme des éventuels potentiels (ou talents). Néanmoins, lorsque ces mêmes personnes sont reçues en entretien, en vue d’une promotion interne, leur discours n’est pas révélateur de tout ce potentiel, voire les dessert. Cela est d’autant plus problématique dans les organisations où le processus d’assessment est assuré par une entité à part entière. Ce manque ou cette absence de prise de conscience peut, par exemple, s’illustrer ainsi :
▫ Une difficulté à dire « je »
▫ L’utilisation quasi systématique de la voix passive
▫ Une difficulté à s’attribuer des qualités ou à utiliser des adjectifs positifs afin d’illustrer ses propres réalisations
Mais pourquoi un tel écart entre potentiel perçu et potentiel exprimé ?
Ce que je sais de moi VS ce que je perçois
L’une des richesses de l’humanité réside dans nos différences ; nous sommes tous distincts, physiquement, dans nos caractéristiques, nos pensées mais surtout dans notre manière d’appréhender le monde et ce qui le compose. Nous avons donc tous des perceptions singulières résultant entre autres de notre histoire personnelle, de nos expériences ou encore de notre éducation. C’est à partir de cette perception que nous allons traiter l’information et la transformer en faits ou disons en connaissances ; c’est ce que l’on appelle un processus cognitif. Le titre de ce paragraphe serait donc plus justement formulé ainsi : ce que je perçois de moi devient ce que je sais de moi… et donc inévitablement ce que je suis.
Tout l’enjeu pour ces personnes serait alors d’optimiser leur connaissance de soi en mettant en évidence leurs réalisations et les atouts qu’elles ont pu démontrer.
- Se réapproprier ses succès
Un exercice pouvant paraitre anodin mais qui se révèle puissant peut être proposé dans ce cas de figure : lister toutes ses réalisations, personnelles et professionnelles, et y attribuer une compétence et/ou une qualité. D’une sous-évaluation de son potentiel découle également la tendance à se désengager d’une réussite en l’attribuant à des éléments environnants tels que la chance, la présence d’une personne tierce ou encore un concours de circonstances. L’enjeu sera alors de se réapproprier le mérite de ce ou ces succès.
- Mieux se connaitre – avec la fenêtre de Johari
La fenêtre de Johari est à l’origine un outil de communication visant à faciliter les échanges, mieux se comprendre et mieux comprendre son interlocuteur. Une défaillance dans son auto-évaluation de potentiel peut être en partie comblée par la (re)découverte de sa « zone aveugle » grâce à du feedback ou un accompagnement de type coaching.
La zone inconnue quant à elle, également utile pour se connaitre, nécessite quasi systématiquement l’aide plus poussée d’un professionnel (coaching et/ou psychothérapie).
- Modifier ses croyances par l’affirmation
« C’est la répétition des informations qui mène à la croyance. Et quand cette croyance devient une conviction profonde, les choses commencent alors à se réaliser », Mohamed Ali.
Imaginez Mohamed Ali, avant un grand combat, prêt à faire son entrée sur le ring, quelle affirmation décide-t-il de formuler ? « Je ne sais pas trop, il est quand même « balaise » Joe Frazier et puis j’ai déjà perdu quelques combats » ou « je sais ce que je fais, je suis le meilleur, je vais gagner ».
Cela peut paraître fou, certains penseront peut-être qu’il s’agit d’une pratique quasi schizophrénique, mais le fait de se répéter (à voix haute) des affirmations peut entraîner l’intégration et la réalisation de celles-ci. « Je suis capable de… » « Je vais réussir à.. ». Attention, il s’agit bien ici d’affirmations positives, il n’est pas question d’accroître ses croyances limitantes mais bien de les contrer !
Prendre conscience de son potentiel n’est pas le moyen de le créer mais bien de le développer. (Mohamed Ali s’est entraîné et a travaillé de manière acharnée avant d’entrer sur le ring !).
Sous-évaluer son potentiel freine donc son développement et son expression. Il ne s’agit pas non plus de basculer dans la prétention ou la surévaluation de ses propres capacités à évoluer. Certains auront besoin d’un accompagnement spécifique pour y voir plus clair, et s’approcher au plus près de son plein potentiel.
A lire sur ce sujet : Le coaching, un art au service du développement des managers et de leurs équipes
Face aux enjeux de transformation des organisations et aux nouvelles attentes en termes de management, le manager est sans aucun doute le premier acteur au sein des entreprises à devoir développer sa connaissance de soi et optimiser son potentiel de leader. Ce travail est primordial notamment afin d’assurer l’un de ses rôles et non des moindres : aider ses collaborateurs à développer leur propre potentiel.
Wavestone vous accompagne, en tant que manager, à monter en compétence, et en tant qu’entreprise, à faire évoluer votre culture managériale.
Sources :
Hugues Poissonnier, Delphine Dulaunois – Passer du capital humain au potentiel humain pour un management plus vertueux – Theconversation – 2019
http://theconversation.com/passer-du-capital-humain-au-potentiel-humain-pour-un-management-plus-vertueux-109205
Sophie d’Armagnac, Alain Klarsfeld et Claude Martignon – La gestion des talents : définitions, modèles, pratiques d’entreprises – dans @GRH 2016/3 (n° 20), pages 9 à 41
https://www.cairn.info/revue-%40grh-2016-3-page-9.htm
2ème édition de l’enquête ANDRH FEFAUR Conerstone – 2015
https://www.andrh.fr/pressemedias/58/cp-gestion-des-talents-les-entreprises-francaises-restent-elitistes-2eme-edition-de-lenquete-andrh-fefaur-cornerstone
Nosra REGUIG – Analyste
Pour en savoir plus :
Philippe GOT – Senior Business Advisor
philippe.got@wavestone.com