Le 22 novembre dernier, le Cercle Humania, sous l’égide de l’Apec et de Kurt Salmon, invitait Frank Bournois, Co-directeur du CIFFOP et Professeur à Panthéon-Assas (Paris II). Le thème de la soirée portait sur l’avenir de la fonction DRH dans un contexte de mutation des organisations.
Les 95 DRH présents ont donc pu entendre l’analyse proposée par Frank Bournois sur le sujet fort engageant de l’avenir de la fonction RH.
L’équipe de Kurt Salmon présente, était constituée pour la circonstance de Claude Bodeau, Associé et ancien du CIFFOP, Gilbert David, Associé, Denis Fompeyrine, Senior Manager, Médérick Trémaud, Manager, Sandrine Berkopec, Lydie Cornayre et Pierre Michenet, Senior Consultants, et Valentin de Turckheim, Consultant.
Kurt Salmon RH-Management accompagne les entreprises sur tous les grands enjeux d‘organisation et de transformation.
DRH : fonction d’avenir ? Prospective et enjeux pour sa survie. La fonction RH ne s’autodétruit-elle pas elle-même ?
A l’horizon 2020, la fonction de DRH va être confrontée à de nouvelles problématiques au centre desquelles se trouve la gestion du risque. Cette gestion du risque devra être traitée sous le prisme de valeurs venues de la société anglo-saxonne, parmi lesquelles se trouvent le besoin constant de formalisation et l’exigence de transparence organisationnelle.
Les conséquences de l’internationalisation aux accents anglo-saxons seront multiples. L’une des plus critiques sera le besoin accru de flexibilité organisationnelle. Tout le défi des DRH sera de transformer celui-ci en une opportunité afin de repenser la fonction RH dans son ensemble et de la rendre plus innovante et plus décentralisée (réallocation des centres de prise de décision).
Autre avatar de ce monde qui vient, l’arrivée programmée sur le marché du travail de la génération Z. Née en 1995, elle complète sa devancière Y grâce à une pratique et une expertise quasi-innées des nouvelles technologies mais aussi par un rapport à l’autorité tout à fait nouveau.
Les codes et comportements qui ont traditionnellement cours dans les entreprises seront bouleversés par l’avènement de cette nouvelle génération.
La rétention d’information, pierre angulaire du jeu de pouvoir, laissera place à la notion de reconnaissance par la diffusion de l’information. Le pouvoir sera détenu par ceux qui seront en mesure de partager l’information. Il s’agit là d’une évolution majeure des comportements qui devra être prise en compte par les DRH. Le besoin d’apprendre, d’acquérir de nouvelles compétences modifiera l’approche de gestion des carrières. La mobilité se latéralisera au détriment de la logique de mobilité verticale. Conséquence directe de ce phénomène nouveau, la pyramide hiérarchique des organisations s’aplatira fortement. Selon diverses études, une diminution de 30% des niveaux hiérarchiques est à prévoir. En corollaire, les réflexions sur l’organisation du travail (organizational development) seront de plus en plus nombreuses.
La capacité d’une organisation à gérer son capital humain deviendra un indicateur de plus en plus suivi par les marchés. Elle devra donc se doter d’outils de mesure adéquats, ce qui constitue un vrai défi compte tenu des nombreux paramètres à prendre en compte et de la difficulté à les mesurer (culture d’entreprise notamment).
Le rôle et la place du manager seront fortement impactés par l’avènement de nouveaux codes et comportements. Face à ce besoin d’apprendre et cette volonté d’acquérir du savoir, la légitimité du manager reposera sur son exemplarité et sa capacité à transmettre un savoir, une compétence. L’individualisation croissante des collaborateurs Y et Z aura également un effet tout à fait conséquent sur le management. Le manager devra être en mesure de construire une relation personnalisée, humaine et sur-mesure afin de répondre aux attentes de ses collaborateurs.
Pour répondre à des exigences éthiques toujours plus fortes en période de crise, les DRH devront être capables de mesurer les conséquences (notamment médiatiques) de leurs politiques non seulement au sein de leur entreprise mais aussi vis-à-vis de leurs partenaires extérieurs (fournisseurs, sous-traitants…).
Pour ce faire, il conviendra de s’adapter à l’évolution des relations sociales. Les organisations syndicales vont en effet évoluer et devenir des courtiers de protection sociale et de gestion des risques de santé. Les relations sociales devront maintenant être gérées en fonction des segments sociaux : seniors, jeunes diplômés.
La problématique de la fi délisation des talents sera également essentielle puisqu’il est prévu que les collaborateurs des nouvelles générations changent de plus en plus fréquemment d’employeur. Face à ce risque grandissant d’un turnover élevé, les DRH devront être en mesure d’apporter des réponses crédibles, efficaces et innovantes. Au-delà du nécessaire renforcement de la culture d’entreprise, les DRH devront répondre à un besoin de reconnaissance changeant qui, au-delà de la rémunération, repose sur la notion de bien-être au travail.
La gestion des risques psycho-sociaux s’inscrit donc aussi dans cette démarche de gestion des talents.
Les SIRH du futur évolueront au fil des innovations technologiques. Ils s’appuieront notamment sur des supports mobiles, sur le Cloud Computing et l’utilisation de réseaux sociaux.
Au final, il est délicat d’imaginer l’organisation de demain tant les variables sont nombreuses et l’avenir économique incertain. Il est cependant possible d’esquisser quelques tendances fortes. Il est à ce titre intéressant de constater que nous sommes en train de passer d’une hiérarchie sociale pyramidale à une structure aplatie fonctionnant sur le principe de partage de l’information.
Pour répondre aux défis de demain, le profil du DRH d’avenir devra s’articuler autour des trois axes suivants :
vision (anticipation du risque), décentralisation (gestion de la multipolarité organisationnelle) et animation (renforcement de la culture d’entreprise).
En conclusion, la question se pose de savoir si le DRH de demain sera nécessairement un spécialiste de la fonction ou si sa principale mission sera de l’animer. Auquel cas, le rattachement hiérarchique du DRH à un Directeur des Ressources pourrait devenir la norme.
Auteur : Valentin De Turckheim, Consultant, RH-Management