La réussite du mode de travail hybride dépend-t-elle de la motivation des collaborateurs à revenir travailler au bureau ?

Les entreprises souhaitent le retour des salariés sur site mais les collaborateurs ont besoin de comprendre le sens et la dynamique que l’entreprise engage dans un retour sur site. 

Pour garantir la réussite du mode de travail hybride, l’entreprise doit favoriser la motivation des uns et des autres à revenir sur site.  

 

L’entreprise doit définir la performance attendue dans une organisation du travail hybride  

Certaines entreprises ont des difficultés à objectiver si télétravailler accélère ou défavorise la performance collective et individuelle. Il n’est pas aisé de mesurer une corrélation entre télétravail et performance, qu’elle s’avère moindre, égale ou plus élevée. 

L’entreprise doit rappeler aux collaborateurs les objectifs communs qui concernant chacun et comment le travail hybride est pensé au sein de l’organisation, pour atteindre ses objectifs. 

 

L’entreprise doit proposer un contrat moral au salarié qui inclue l’équilibre de vie et la possibilité de télétravailler  

Prenons l’exemple du cas parisien. A Paris le temps de transport moyen pour se rendre au travail est compris entre 45 et 60 minutes par trajet. Prenons l’hypothèse de deux heures par jour aller / retour. Un collaborateur qui ne se rend pas sur site de la semaine, épargne donc 10 heures par semaine de son temps. S’il travaille 40 heures par semaine forfaitairement, c’est donc 10 heures additionnelles – un quart de la disponibilité hebdomadaire à travailler – dont le salarié dispose par rapport à un monde d’avant COVID où il ne télétravaillait pas.  

Cette « manne » de temps additionnel et ce que le collaborateur en fait, portent en elle toutes les interrogations et les réactions associées, parfois conflictuelles chez les managers : « Le salarié en télétravail est plus proche du burn-out parce qu’il ne déconnecte plus de 8h30 à 19h30 » ou dans le sens inverse « Mes salariés ne font rien derrière leur écran pendant qu’ils sont en télétravail ». 

Le contrat moral entre le manager et le salarié doit définir des principes convenus entre les deux, pour vivre le télétravail de façon performante et juste pour les deux parties, dans le respect du cadre plus global de l’entreprise (accord signé, norme, …).

 

L’entreprise doit mettre en avant que revenir sur site est un acte préventif, au bénéfice du salarié

Le collaborateur qui a deux ou trois jours de télétravail ne perçoit pas nécessairement l’intérêt de revenir sur site deux à trois jours, au-delà du bénéfice que « les collègues me manquent et cela fait du bien de quitter son petit appartement parisien » 

Le télétravailleur convient que revenir sur site présente un intérêt mais pose la question :  » Revenir pour faire et vivre quoi ? » au regard du fait que depuis deux ans, le collaborateur a appris à tout faire à distance.  

L’entreprise doit présenter les risques à long terme de l’isolement, du « burn-out », en quoi « la distance crée de la distance » et mettre en avant que le désengagement suppose la prise de conscience par chacun qu’un risque existe mais qu’il peut être maitrisé. 

L’entreprise peut objecter que le télétravail ne présente pas que des avantages. Il faut appréhender à long terme une contre-performance du fait de l’éloignement durable du collaborateur de son lieu de rattachement physique et un effet de bord sur la culture et la performance globale de l’entreprise.  

 

L’entreprise doit outiller le manager qui peine à argumenter le bien fondé du retour sur site

Le travail hybride est un révélateur de la réalité managériale de l’entreprise. Il n’y a pas de bon manager en présentiel qui serait moins bon manager en distanciel. Le télétravail est un facteur qui exacerbe les situations où l’animation managériale serait déjà antérieurement en défaut.  

Le manager a besoin d’être formé pour aborder les situations complexes, avoir les bons éléments de langage, la bonne posture, définir la latitude décisionnelle qu’il accorde à ses salariés pour faire en sorte que le travail hybride fonctionne bien au quotidien. 

 

L’entreprise doit définir la superficie en m2 dont l’organisation aura durablement besoin

Certaines entreprises ont pris le parti de laisser au collaborateur l’initiative du retour sur site en posant simplement comme règle un nombre maximum de jours sur site par semaine. 

Cette liberté d’initiative est un bon calcul si on part du principe que l’entreprise ne peut pas et ne veut pas imposer un retour sur site à ses collaborateurs. En laissant l’initiative aux collaborateurs de revenir ou non et si l’entreprise fait instruire sur la même période une mesure du taux d’occupation des espaces, l’entreprise devrait constater ce que sera sur le moyen terme le vrai ratio d’occupation des espaces et ainsi avoir plus de visibilité sur la superficie de bureaux à conserver ou à céder.  

 

L’entreprise doit anticiper à définir les nouveaux usages en présentiel

Instruire la performance en travail hybride amène à définir les usages du travail car on ne peut pas signer des accords Télétravail plus généreux, si en même temps, on n’organise pas ce travail hybride.  

Le travail hybride ne peut pas être pensé comme la juxtaposition simpliste de temps en présentiel et de temps en distanciel. La définition d’une norme qui s’impose à tous ne se construit pas par la seule somme des intentions individuelles.  

La logique d’abandon de l’espace individuel dans les entreprises pour un espace collectif et partagé n’a pas été sans mal par le passé, générant la résistance de ceux qui considéraient leur bureau et leur espace, comme leur objet, leur « propriété », comme la garantie d’un statut, la reconnaissance sociale tant recherchée et qui a demandé tant d’effort, le privilège de se démarquer du groupe ou au moins de s’en séparer pour s’isoler quand de besoin. Ce paradigme a sauté.  


Aujourd’hui c’est le télétravail qui est la valeur refuge, le privilège que le salarié ne veut pas concéder. Toute tentative de mise en place du travail hybride qui ne serait pas porteur de sens conduira à une adhésion des salariés sans réel enthousiasme. 

Les entreprises ont donc tout intérêt à s’interroger sur la manière dont elles organisent le travail hybride, quelles sont leurs intentions, comment celles de leurs salariés à bien cadrer leurs propres motivations et celles de leurs salariés. Elles devront faire évoluer les modes de travail en partant du principe que l’espace physique collectif est dédié avant tout à des séquences qui nécessitent vraiment la présence du collectif sur site, et que ces dernières doivent réellement apporter de la valeur pour tous. 


Marc GODARD, Manager
Marc GODARD, Manager

Pour en savoir plus : marc.godard@wavestone.com

3 thoughts on “La réussite du mode de travail hybride dépend-t-elle de la motivation des collaborateurs à revenir travailler au bureau ?

  1. Il est vrai que les salariés qui ont expérimenté le télétravail pendant le Covid, ont vus les bénéfices de travailler confortablement chez soi. Par conséquent, ils ne trouvent pas l’intérêt de retourner travailler sur site quand ils trouvent qu’ils peuvent faire le même travaille de chez eux. Mais je suis tout à fait d’accord au fait que le télétravail à long-terme pourrait entraîner des conséquences plutôt négatives sur l’employé (burn-out, solitude, etc.) et l’entreprise en elle-même (baisse de productivité, etc.). Par conséquent, motivé les collaborateurs à adopter un système de travail hybride pourrait être une solution pour éviter, ou tout au moins à réduire les effets négatifs du télétravail à long-terme. Et pour cela, il faudra motiver ces derniers à adopter ce nouveau mode de travail.
    Je trouve que ce blog (Le Blog RH) a déjà donné les conseils nécessaires afin de motiver les collaborateurs à revenir au bureau. Mais je vais rajouter que la motivation première des télétravailleurs pour revenir sur site est de retrouver les collègues et les interactions sociales, donc l’entreprise pourrait favoriser des petites sorties déjeuner entre collègues, organiser des journées à thème au travail, etc. Bref, présenter le travail hybride comme un nouveau départ et non de retour à la normale et de la routine.

  2. Bonjour !

    Excellent poste pour les travailleurs qui tentent de fonctionner en mode hybride, ce qui est de plus en plus fréquent sur le lieu de travail ces dernières années, notamment dans le contexte de la crise du Covid-19. En réalité, concernant ce que vous avez dit dans le blog, je suis complètement de votre côté. Pour que les travailleurs travaillent de manière productive grâce au télétravail, un contrat moral doit être fourni. Les employés peuvent respecter leur vie personnelle dans ces situations parce qu’elles offrent une certaine flexibilité, ce qui augmente le bien-être des employés. Le responsable doit également permettre aux employés du site le même niveau d’autonomie qu’à leurs collègues distants. Ils doivent être tenus informés par l’entreprise afin qu’ils soient motivés à reprendre le travail. Le travail à domicile est pour moi un endroit heureux aujourd’hui, et c’est un avantage qu’aucun employé ne veut sacrifier. Étant donné que le suivi de tous les employés dans un mode hybride peut être difficile, le leadership doit s’assurer que tout le monde est inclus dans les initiatives.

    Merci de partager vos points de vue.
    À bientôt !

  3. Bonjour Marc,
    J’ai beaucoup apprécié votre article.
    Je suis étudiant en RH et je me demandais aussi comment est-ce que les entreprises anticiperaient le retour des employés au bureau. Déjà, redéfinir la performance attendue des collaborateurs est primordiale afin que tous soient sur la même longueur d’onde, car une équipe qui travaille avec le même objectif, est une équipe qui pourra rendre un travail irréprochable.
    Mais ce que je trouve plus important selon moi, reste l’équilibre de vie. Comme mentionné dans l’article, le télétravaille apporte nombre d’avantages ; moins de temps perdus dans les transports en commun en est un. Par compte, comme aussi mentionné, le risque de stresse augmente lorsque l’employé passe plus d’heures à travailler ‘en isolement’.
    De ce fait, je pense que la compagnie doit trouver des stratégies innovantes afin que les employés puissent être de retour sur site ; la possibilité d’y retourner une ou deux fois par semaine, travailler dans un espace vert ou même les rappeler qu’ils ont à leur disposition les locaux du bureau ; soigneusement aménagés pour leur confort – salle de repos, salle à manger, véranda entre autres.

    Encore une fois merci pour cet article, très enrichissant.
    Salutations,
    Bradley

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