La directive CSRD représente un virage significatif pour les praticiens des ressources humaines, étendant considérablement le champ du reporting de durabilité en prenant davantage en compte la dimension sociale de l’entreprise. En succédant à la NFRD, la CSRD élargit effectivement le champ du reporting en incluant de nouvelles catégories de parties prenantes (notamment les non-salariés) ou encore introduisant de nouvelles mesures et des concepts (tels que les salaires décents, l’équilibre vie professionnelle/vie privée, etc.). Elle vient également renforcer le degré de transparence des informations à communiquer (en désagrégeant les données par pays, par région, par sexe), préciser les attentes en matière de politiques RH et amener une obligation de meilleur traitement de la donnée RH.
Pour la fonction RH, cette nouvelle directive ne doit pas être seulement appréhendée sous l’angle réglementaire mais représente une réelle opportunité stratégique de redéfinir sa valeur et de s’engager dans une approche durable de la gestion de son capital humain et du reporting des données associées. Avec la fin du cadrage pour la plupart des entreprises de la première vague, les RH se trouvent désormais en première ligne pour assurer la conformité de leur organisation aux nouveaux datapoints exigés.
Dans cet article, nous explorerons les implications de la CSRD et particulièrement de l’ESRS S1 pour les RH, en mettant en lumière l’importance stratégique de la qualité des données RH et en proposant des stratégies de mise en œuvre et de conformité pour naviguer avec succès dans ce nouveau paysage réglementaire.
L’importance stratégique de la qualité des données RH
La fonction RH, traditionnellement axée sur la gestion administrative, le recrutement et la conformité légale, a historiquement été moins analytique et data-driven que d’autres fonctions dans l’entreprise, notamment financière ou encore marketing – la gestion du capital humain étant par ailleurs et par essence moins encline à l’exercice analytique.
Ces données RH sont pourtant le socle sur lequel repose la gestion efficace de ce capital humain dans les organisations modernes. Leur collecte et leur analyse poussée représentent ainsi un défi particulièrement unique pour des départements RH qui sont paradoxalement ceux qui en amassent et en traitent le plus au quotidien. Ce défi est principalement dû au caractère spécifique de la donnée RH :
- Un grand nombre d’acteurs les manipulent, à la fois au sein de la fonction RH elle-même mais également auprès des opérationnels, sans forcément être familiers avec leur exploitation
- Des sources éparses, éclatées dans des SI très variés, dans des documents légaux (BDESE, BSE ou encore la DPEF sur le périmètre français), en interne comme en externe et collectées auprès de l’ensemble de la chaine de valeur (notamment les éditeurs SIRH)
- Leur caractère protéiforme, avec des données à la fois quantitatives mais également qualitatives au niveau des politiques de gestion du capital humain dans l’organisation
- Des méthodologies de calcul disparates selon les périmètres, les entités, les personnes pour les exploiter et donc un reporting exigeant une convergence systématique sur chaque point de donnée
- Leur lien et l’impact de leur manipulation avec d’autres métriques, notamment environnementales de la CSRD : à titre d’exemple, les données RH permettent d’affiner le calcul des émissions de GES du scope 3, de mieux identifier les populations les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, etc.
Avec la CSRD et ses nombreuses exigences de publication autour de la norme sociale, et particulièrement l’ESRS S1 (plus de 200 points de données de reporting), leur qualité devient un enjeu crucial. La fondation du reporting exige une précision sans faille, englobant des métriques variées, aussi bien quantitatives que qualitatives. Cette exigence va au-delà de la simple conformité pour devenir un catalyseur de performance, permettant des décisions éclairées et une gestion proactive des lacunes dans la gestion du capital humain sur l’ensemble de sa chaine de valeur.
Ainsi, la qualité des données RH constitue ainsi le fondement sur lequel s’appuient les stratégies de mise en œuvre et de conformité en réponse aux exigences de la CSRD.
Les stratégies de mise en œuvre pour la fonction RH
La qualité des données RH constitue le fondement sur lequel doivent s’appuyer les stratégies de mise en œuvre de la fonction RH. Un engagement total de la part des différents départements RH de l’organisation et une approche stratégique et méthodique permettra de répondre de façon sereine aux exigences de la CSRD.
Les principaux chantiers à mener sont les suivants :
- Réaliser un audit des données sociales au sein de votre organisation, en les mettant en regard des exigences de publication de la directive
- Créer un cadre de reporting robuste et adaptable est essentiel pour assurer une conformité continue et une utilisation efficace des données RH dans la prise de décision stratégique. Cela implique la mise en place de systèmes de collecte de données complets, des formations sur la manipulation des données et l’utilisation de technologies RH avancées pour garantir la fiabilité et l’intégrité des données.
- Acculturer les populations RH à la réglementation est également crucial pour assurer une transition en douceur (et sans douleur) vers ce nouveau cadre. Cela nécessite la création d’une dynamique collective et la préparation au changement au sein de l’organisation, en identifiant des référents métiers chargés d’assurer la compréhension et l’adhésion à la nécessité d’un dispositif commun de reporting. L’année 2024 sera marquée par une forte activité projet et la mise en œuvre de nombreux nouveaux processus. Le besoin d’accompagnement des équipes concernées par la collecte, consolidation et publication des données doit être maintenu dans la durée et évoluer avec le degré de maturité des acteurs internes/ externes.
- Aligner les politiques RH avec l’ESRS S1, en intégrant les objectifs de durabilité dans les pratiques RH et en engageant efficacement les parties prenantes.
- Investir dans le développement des compétences et favoriser la collaboration interfonctionnelle permettent aux RH d’adopter une approche holistique du reporting CSRD et de renforcer leur rôle en tant qu’architectes d’une main-d’œuvre durable.
En synthèse, la mise en œuvre de la CSRD représente un défi passionnant et une opportunité stratégique pour les professionnels des RH. Cette directive met en lumière la nécessité de renforcer la convergence entre la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et les pratiques RH, offrant ainsi la possibilité de créer des politiques et un écosystème organisationnel plus durables.
Cette évolution souligne également l’importance croissante de la professionnalisation dans la gestion des données RH, avec une masse et une diversité de données en constante augmentation, nécessitant une approche stratégique, une gouvernance solide et une valorisation efficace.
En répondant à ces exigences de reporting, les organisations sont par ailleurs incitées à repenser leurs politiques sociales et à adopter une approche plus inclusive de leur écosystème de parties prenantes, ce qui élargit le rôle des professionnels des RH, les transformant en véritables architectes d’une main-d’œuvre durable et adaptative, au cœur de la stratégie organisationnelle et du Future of work.
La practice Sustainability de Wavestone met ses compétences en pilotage de la performance durable et en ressources humaines à disposition de ses clients, pour les accompagner dans leurs travaux de reporting liés à la CSRD.
Benjamin NINOU – Manager Benjamin.ninou@wavestone.com
Anthony GUINOT – Manager Anthony.guinot@wavestone.com