La Corporate Sustainability Reporting Directive : un levier pour la préservation des ressources naturelles

Les ressources naturelles sont essentielles dans la conduite des activités des entreprises. En effet, certains secteurs d’activité, comme l’agriculture, la pêche ou l’industrie textile, dépendent directement de l’exploitation de ressources naturelles. Cependant, les pressions exercées sur les ressources contribuent à leur détérioration et à l’érosion de la biodiversité. L’eau est une ressource naturelle essentielle au centre de toutes les activités, qu’elle soit potable ou dédiée aux différentes productions. Aujourd’hui, c’est près d’un tiers du territoire européen qui est concerné par le stress hydrique, c’est-à-dire confronté à une insuffisance des ressources en eau disponibles face à la demande.

Dans ce contexte, la réglementation peut jouer un rôle majeur dans la détermination de normes et obligations pour les entreprises en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles. En ce sens, la CSRD apparaît comme un tournant en matière de performance environnementale des entreprises. En contraignant les entreprises à divulguer des informations extra-financières, notamment sur la gestion de l’eau, la biodiversité et l’économie circulaire, la CSRD favorise la transparence et la responsabilité des entreprises.

1. Qu’est-ce que la CSRD ?

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une directive européenne qui vise à améliorer le reporting de durabilité des entreprises et la qualité des données ESG (environnement, social, gouvernance) publiées par les entreprises.

Le principe de double matérialité est un concept clé de la CSRD. Il fait référence aux impacts que l’environnement et la société peuvent avoir sur les activités des entreprises (traduits en risques et opportunités financiers), mais, ce qui est plus nouveau, aux impacts des entreprises sur l’environnement et la société. On parle de matérialité financière pour désigner les effets positifs ou négatifs auxquels sont exposées les entreprises en matière de durabilité et de matérialité d’impact pour désigner les incidences des entreprises sur leur environnement.

Outre ce socle de double matérialité, la CSRD vise une convergence des standards. En effet, elle vise à aligner les différentes normes de reporting en matière de durabilité à l’échelle européenne afin d’uniformiser les cadres réglementaires existants comme la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et la Taxonomie verte.

Un champ d’application élargi

Son champ d’application est plus large que la directive NFRD (pour Non-Financial Reporting Directive) qui la précède, puisqu’elle devrait concerner près de 50 000 entreprises, contre 11 000 entreprises pour la NFRD. L’application de la directive est progressive et concerne déjà depuis le 1er janvier 2024, les grandes entreprises européennes qui étaient soumises à la NFRD. Son champ d’application s’étend jusqu’au 1er janvier 2026, date à laquelle les PME cotées en bourse devront également réaliser un rapport de durabilité.

Pour se conformer à la CSRD, les entreprises doivent suivre des normes européennes de reporting de durabilité : les ESRS.

2. Le rôle fondamental des normes European Sustainability Reporting Standards (ESRS)

Les ESRS sont des normes standardisées, définies par le Groupe consultatif européen sur l’information financière (EFRAG), qui fournissent un cadre harmonisé pour la divulgation d’informations extra-financières, dans le cadre de la CSRD. Il s’agit de favoriser la transparence, la qualité et la comparabilité des informations communiquées par les entreprises dans leur rapport de durabilité.

Il existe trois catégories d’ESRS : les normes transversales, les normes thématiques qui traitent des sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance, puis les normes sectorielles qui ne sont pas encore formalisées. On peut catégoriser les ESRS de la manière suivante :

Typologie d’informations

Normes ESRS

Informations générales

ESRS 1 – exigences générales

ESRS 2 – informations générales

Informations environnementales

ESRS E1 – changement climatique

ESRS E2 – pollution

ESRS E3 – ressource aquatiques et marines

ESRS E4 – biodiversité et écosystèmes

ESRS E5 – utilisation des ressources et économie circulaire

Informations sociales

ESRS S1 – effectifs de l’entreprise

ESRS S2 – travailleurs de la chaîne de valeur

ESRS S3 – communautés touchées

ESRS S4 – consommateurs et utilisateurs finaux

Informations de gouvernance

ESRS G1 – conduite des affaires

3. Les enjeux eau, biodiversité et économie circulaire de la CSRD

L’ESRS E3 qui porte sur les ressources aquatiques et marines couvre la relation de l’entreprise avec l’eau dans ses propres activités en termes d’impacts, risques et opportunités.

Les obligations concernant la biodiversité sont définies dans la norme ESRS E4. Celle-ci incite les entreprises à rapporter leurs impacts sur la biodiversité et les écosystèmes. On attend des entreprises qu’elles démontrent leur engagement envers la protection et la restauration de la nature.

L’ESRS E5 quant à elle, couvre les sujets de ressources et économie circulaire. Il prend en compte les pratiques en matière de conception durable des produits, de recyclage et de réduction des déchets.

Ce qui est attendu de la part des entreprises

Les entreprises sont tenues de mettre en place des politiques d’action pour identifier, évaluer, gérer et/ou remédier à leurs impacts, risques et opportunités liés à l’utilisation de l’eau, à la biodiversité et à l’économie circulaire. Elles doivent également préciser comment leurs actions et ressources s’inscrivent dans la hiérarchie d’atténuation, c’est-à-dire éviter, minimiser, réhabiliter ou restaurer l’utilisation de ressources. Dans le cas de l’ESRS E4, ces éléments doivent figurer dans un plan de transition biodiversité. Ce plan doit identifier les impacts, risques, opportunités et interactions de l’entreprise avec la biodiversité.

On attend aussi des entreprises qu’elles détaillent leurs objectifs liés à la gestion des impacts, ainsi que leurs métriques.

De plus, les entreprises doivent divulguer les effets financiers potentiels des risques et opportunités découlant de l’impact de l’utilisation de l’eau, de la biodiversité et de l’économie circulaire.

La CSRD : une opportunité pour les entreprises de s’inscrire dans des modèles soutenables

L’ESRS E3 comporte de nombreux enjeux pour les entreprises. En effet, il est question de développer des stratégies pour utiliser les ressources aquatiques et marines de manière durable et de veiller à la préservation et protection des sources d’eau locales. Dans cette perspective, l’ESRS E3 constitue une opportunité pour les entreprises de réduire leurs coûts grâce à une utilisation rationnelle et durable des ressources.  De plus, s’engager dans une stratégie de gestion des ressources aquatiques peut permettre à l’entreprise d’améliorer sa gestion du risque de pénurie d’eau.

Les entreprises sont également exposées à des défis notamment concernant la localisation des sites en zones de stress hydrique. Elles doivent être capables d’identifier et d’évaluer les zones de stress hydrique où elles opèrent. Cela nécessite donc une collecte de données précises sur la disponibilité de l’eau, la demande et les usages concurrentiels de l’eau dans ces zones.

La mesure d’impact sur les fonds marins apparaît comme une problématique importante pour les entreprises qui utilisent des ressources naturelles issues des fonds marins. En ce sens, les entreprises doivent réaliser des études d’impact détaillées pour comprendre comment leurs activités affectent les fonds marins et les écosystèmes marins dans l’ensemble. Il est question de gérer la dépendance de ces activités à l’exploitation des écosystèmes marins.

De même, l’ESRS E4 implique pour les entreprises l’évaluation de leur impact sur la biodiversité (au travers de ses activités, produits/services propres, mais aussi de sa chaine de valeur) et d’intégrer cet impact dans leurs prises de décision, notamment pour les nouveaux projets, investissements ou changements opérationnels. De nombreux indicateurs sont à disposition des entreprises pour évaluer le politique de biodiversité suivant le degré de maturité de l’entreprise. Ainsi, on peut relever l’indicateur de surface et états de conservation des habitats naturels qui mesure la superficie et l’état de conservation des habitats naturels et semi-naturels ou l’indice de condition des écosystèmes qui évalue quant à lui, la qualité des écosystèmes en se fondant sur divers paramètres comme la végétation, le sol et l’eau.

Une attention particulière doit être portée sur la cartographie des zones sensibles de biodiversité dans lesquelles elles sont présentes ou ont un impact. Pour ce faire, l’utilisation d’indicateurs de biodiversité apparaît indispensable mais à l’heure actuelle, peu sont reconnus par les experts. La réalisation d’évaluation d’impact environnemental est nécessaire pour comprendre comment les activités de l’entreprise affectent ces zones sensibles.

Les enjeux de l’ESRS E5 induisent pour les entreprises qu’elles se tournent vers des modèles d’affaires plus circulaires et qu’elles prennent en compte l’ensemble du cycle de vie des produits. C’est l’occasion pour elles de développer une meilleure gestion des ressources, de l’écoconception en amont à la réduction des déchets en aval.

Les entreprises peuvent se heurter à de nombreux obstacles concernant l’implémentation d’une stratégie d’économie circulaire. En effet, la prise en compte de l’écoconception en amont paraît complexe dans la mesure où elle nécessite un certain degré de transparence sur les données fournies tout au long du cycle de vie du produit. Pour autant, si de nombreux défis se posent, comme les changements technologiques ou la résistance au changement, l’écoconception des produits et l’intégration de l’économie circulaire dans la stratégie de l’entreprise sont de puissants leviers pour rendre son modèle d’affaires plus efficient et dégager un avantage concurrentiel.

4. Conclusion

La CSRD encourage la transparence des entreprises en matière de gestion des ressources. Elle invite les entreprises à fournir des données précises pour évaluer leur impact sur les ressources naturelles comme l’eau, la biodiversité et sur l’économie circulaire.

Cette nouvelle réglementation pose un défi majeur : la production et la collecte des données nécessaires pour se conformer aux exigences de publication de la CSRD. Autant les données relatives au changement climatique commencent à être bien maîtrisées dans les entreprises, autant celles relatives aux ressources aquatiques, marines, à la biodiversité ou à l’économie circulaire restent encore dispersées, peu fiables, voire inexistantes. Même si les données attendues restent au démarrage essentiellement narratives ou semi-narratives, il va être nécessaire dès lors que ces thématiques sont jugées matérielles par l’entreprise, de se mettre en ordre de bataille pour définir des objectifs, des politiques, des indicateurs, à divulguer les années suivantes pour témoigner des progrès. Cela peut amener à la création de partenariats et collaboration entre les entreprises d’un même secteur d’activité ou avec des institutions pour partager les connaissances et les ressources disponibles.

Finalement, la CSRD est une étape supplémentaire dans la prise de conscience des entreprises de leur impact sur l’environnement.

Si vous voulez en savoir plus, contactez-nous !


Claire-Marion ELOA, Consultante
Marine REINHARDT, Consultante

 


Sources : 

– https://www.hbrfrance.fr/strategie/biodiversite-en-peril-le-role-crucial-des-entreprises-60098

– https://www.cieau.com/connaitre-leau/les-ressources-en-france-et-dans-le-monde/quels-sont-les-impacts-de-lactivite-humaine-sur-les-ressources-en-eau-en-europe/

– https://www.novethic.fr/lexique/detail/directive-csrd.html

– https://www.sami.eco/blog/fiche-csrd#:~:text=Le%20texte%20confirme%20que%20les,pr%C3%A8s%20de%2050%20000%20entreprises.

https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16970

– https://greenly.earth/fr-fr/blog/guide-entreprise/european-sustainability-reporting-standards-esrs-le-guide

– https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2FED_ESRS_E3.pdf

– https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2F11%2520Draft%2520ESRS%2520E4%2520Biodiversity%2520and%2520ecosystems%2520November%25202022.pdf

https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2F12%2520Draft%2520ESRS%2520E5%2520Resource%2520use%2520and%2520circular%2520economy.pdf

Back to top