Comment s’inscrit la QVT dans l’écosystème de l’entreprise (performance, santé au travail, risques psychosociaux…) – L’interview de Michael Pleskof par le Blog RH – 2ème partie

Avec les événements qui ont récemment chamboulé nos façons de travailler, l’enjeu de la Qualité de Vie au Travail (QVT) est de plus en plus présent en entreprise.

Nous avons donc voulu nous intéresser à la nature de cet enjeu et à sa place dans l’Entreprise de 2022. Retrouvez sans plus attendre l’interview de Michael Pleskof, Manager au sein de la practice People & Change de Wavestone qui nous livrera son opinion au cours de deux épisodes.
Si à la fin de votre lecture, vous souhaitez en savoir plus sur le type d’accompagnement proposé par Wavestone sur ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.

Comment mesurerais-tu le lien entre QVT et performance ?

MP : « J’ai le sentiment que de manière générale, les 3 composantes pouvant être à l’origine de situations sociales dégradées sont :

  • Des processus inadaptés
  • Des situations individuelles avec potentiellement des problématiques de formation/d’accompagnement
  • Des problématiques de management

Or, entre une équipe qui ne va pas bien et une équipe au sein de laquelle les personnes ont à peu près le sourire lorsqu’elles vont au travail, en termes de productivité, la différence se ressent évidemment.

La productivité se mesure plus ou moins facilement selon l’environnement de travail.

Par exemple, en usine avec des chaines de montages, lorsqu’il faut réaliser 200 boulons à l’heure, soit le collaborateur les fait soit il ne les fait pas. Par conséquent il est aisé de mesurer la charge de travail et la productivité associée.

Cependant, dans une société de service, par exemple un cabinet de conseil, comment mesurer la productivité ? Pour une tache X, une personne A pourra l’effectuer en 30 min alors qu’une personne B la réalisera en 1heure. C’est difficile à mesurer, et dans ce cas, il est plus facile de mesurer la capacité des collaborateurs à atteindre les objectifs qui leur ont été fixés.

Or, il me semble évident d’avancer l’idée qu’un collaborateur qui va bien va avoir envie d’atteindre ses objectifs. Pour autant, c’est à condition de lui donner les moyens pour y arriver. Ceci démontre le lien entre bien-être des collaborateurs et performance qui ne peut se mesurer que sur du moyen/long terme.

Par conséquent lorsque l’on parle de politique QVT, une bonne politique QVT est une politique qui s’adresse à tous les interlocuteurs et qui focalise bien au bon endroit les bons outils et les bons besoins.

Dans cette dynamique, je pense que le levier managérial est à 70% « responsable » de l’efficacité ou non de ses collaborateurs.

Accompagner le management de proximité est donc pour moi la clé n°1 d’une politique QVT globale qui va permettre aux collaborateurs d’aller vers la performance dans de bonnes conditions de travail. Ce sont eux les relais, eux qui voient le terrain, eux les premiers remparts ; ils doivent pouvoir détecter quand cela ne va pas.

De plus, il y a aussi des indicateurs très concrets à suivre : l’absentéisme, les arrêts maladies, les arrêts de travail, les accidents du travail. Ces éléments très tangibles permettent de mesurer l’efficacité globale de ta politique santé/sécurité dans laquelle je regroupe QVT et prévention des RPS. »

Quelles sont selon toi les bonnes pratiques pour prévenir les RPS à distance et les actions à mener dans le cadre d’un retour au présentiel depuis quelques mois (dans un contexte où les cas de burn-out sévères ont augmenté de 25% entre mai et octobre 2021 d’après le cabinet de conseil Empreinte humaine) ?

MP : « Il y a un enjeu de trouver un équilibre entre le travail à distance et le travail en présentiel. Il faut tout mettre en œuvre en termes d’environnement de travail chez les collaborateurs. Néanmoins, j’ai la conviction profonde que rien ne remplace le contact physique, les échanges physiques entre nous. Les confinements ont pu nous prouver que le travail à distance pouvait avoir beaucoup d’avantages (meilleure organisation individuelle, plus de flexibilité voire productivité…). Pour autant il est indispensable de garder une forme de vigilance car l’implication demandée à chaque personne est importante.

Pour prévenir les risques, l’acteur indispensable est le manager de proximité. Il doit être hyper sensibilisé au sujet, et formé aux difficultés et risques qu’il peut rencontrer, ou que les collaborateurs peuvent rencontrer. C’est l’estime de soi au travail qui est en jeu derrière cet aspect.

Cela passe par la sacralisation des temps d’équipe par des temps informels et formels.

Avec la distance qui met à mal le bien-être du collaborateur, je pense que l’Entreprise, au-delà du manager de proximité, doit faire beaucoup d’efforts de communication. Cela peut concerner à la fois la vie de l’entreprise, ses résultats, ses objectifs, ses ambitions, afin de maintenir cette logique d’inclusion et de sentiment d’appartenance. »

Avec ces efforts demandés à l’entreprise, quelles seraient tes recommandations pour ne pas aller trop loin et tomber dans l’infantilisation ?

MP : « On parle de juste posture, d’estime de soi : la capacité d’Ecoute Active et d’Empathie du manager est essentielle. Ce qui génère de l’infantilisation, c’est un acte managérial ou une décision de la direction qui va à l’encontre des véritables ressentis ou besoins de l’individu Trouver le juste milieu entre écouter les collaborateurs et les responsabiliser, est un devoir du manager et de l’entreprise de manière générale. Il s’agit, selon moi, de trouver cette finesse d’approche qui permet de ne pas mettre tout le monde dans le même panier. Cela légitime la manière dont les collaborateurs vivent les choses, tout en encourageant une position d’humilité. »

Quelle est, selon toi, la place des différents acteurs de la santé au travail dans la prévention des Risques psychosociaux ?

MP : « Dans la chaîne de valeur de l’entreprise, dans nos temps modernes, tout le monde est responsable, à différentes échelles et avec différentes responsabilités, de la santé et de la sécurité des collaborateurs. Une politique QVT qui est bien en place, doit être capable d’afficher ses modalités de gouvernance au sujet de la santé au travail pour permettre d’avoir des process efficaces en cas de difficulté.

Afin de donner une juste place aux différents acteurs de la santé au travail, il s’agit de préciser les rôles et responsabilités de chacun. En effet, il me semble important de rappeler qu’on n’attend pas d’un manager qu’il soit psychologue du travail et vienne sauver les collaborateurs en difficulté. On attend de lui qu’il joue un rôle de pilote d’activité, qu’il projette ses collaborateurs, qu’il les mette dans les bonnes dispositions pour travailler et qu’il soit vigilant quant à de potentielles situations de mal être.

Ensuite, et pour compléter ce rôle essentiel du manager de proximité, il est du rôle et de la responsabilité des équipes RH de venir en aide aux managers pour accompagner au mieux le mal-être des collaborateurs.

Il est également possible de faire intervenir d’autres acteurs extérieurs à l’entreprise. Par exemple, des dispositifs de type « premier rempart » sont souvent proposés en entreprise avec des numéros verts qui permettent un contact avec un psychologue clinicien professionnel, sous le secret médical. Ensuite, les acteurs comme un.e assistant.e sociale, un.e psychologue du travail, un.e infirmièr.e… ont un rôle à jouer.

Il est donc nécessaire d’avoir des dispositifs communiqués, affichés, clairs sur ce qui existe pour tous, afin de montrer aux collaborateurs qu’il est possible d’avoir accès à de l’aide.

De plus, autour de ces acteurs, on constate que la sensibilisation (auprès des collaborateurs et de toute la ligne managériale) est indispensable. Il s’agit de faire de la prévention des risques psychosociaux un sujet de société et d’Entreprise. Détecter les RPS, ce n’est pas inné et on ne l’apprend pas à l’école. »

Comment définirais-tu le rôle de l’Entreprise désormais face aux constats d’inégalité au travail qui ont pris de l’importance depuis le début de la crise sanitaire ?

MP : « A mon sens, ce sont des sujets de société qui dépassent l’Entreprise, et pour lesquels elle a toutefois une responsabilité. L’Entreprise a ainsi un rôle d’éducation concernant ces sujets et les éléments et démarches mises en place doivent s’accélérer : on ne peut plus fermer les yeux sur ces inégalités qui existent dans le monde professionnel, quelles qu’elles soient. La tolérance diminue et on va dans le bon sens même si force est de constater que ce n’est pas rapide. L’Entreprise se doit d’être proactive pour lutter contre les inégalités.

Pour conclure, je veux porter le message suivant : fini de tergiverser, il faut passer à l’action, mettre ces sujets sur la table et ne plus avoir honte ou peur d’en parler. Inclure les différentes parties prenantes et faire preuve de pédagogie, c’est cela dont l’entreprise a encore plus besoin pour faire avancer les choses. »

 

 

Michael Pleskof, manager
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Pleskof
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Mélody
Cottard Consultante
Juliette Lépagnole Consultante

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