Pour son édition du 26 mai 2011 le Cercle Humania, sous l’égide de l’APEC et de Kurt Salmon, recevait M. Bernard Chambon, président de Rhodia Chimie, lors du dîner-débat sur le thème « Comment le DRH peut-il être un acteur de transformation de l’entreprise ? ».
En présence de 65 DRH des grandes entreprises du CAC 40 représentant plus de 700 000 salariés, Bernard Chambon a été interrogé par l’équipe présente de Kurt Salmon, constituée de Claude Bodeau et Gilbert David, associés de Médérick Trémaud, manager et d’Amélie Marcay et Myriam Vijaya, consultantes au sein de l’équipe RH-Management.
Kurt Salmon RH-Management accompagne les entreprises dans leurs projets de transformation sur les volets, accompagnement du CODIR, accompagnement opérationnel des DRH et gestion des relations sociales et préparation des dossiers IRP.
« Lors des nombreuses transformations que nous avons accompagnées, nous avons identifié trois thèmes récurrents. Au sein de chacun de ces chantiers, quel est le rôle particulier que peuvent et devraient jouer le DRH et son équipe ? »
Le premier thème concerne l’accompagnement du comité de direction en phase de conception de la transformation et lors du pilotage des programmes.
Indéniablement, les ressources humaines sont un moteur du changement selon Bernard Chambon.
Cependant, elles sont rarement envisagées comme possédant une réelle stratégie. Elles restent souvent aux yeux de tous comme un « moyen de ne pas faire de vagues ». Dans notre contexte actuel, les RH ont pourtant l’occasion de démontrer leur pouvoir stratégique. Il suffit d’observer l’importance devenue croissante des sujets liés à l’environnement pour comprendre l’évolution que doivent prendre les ressources humaines. En effet, en 20 ans, l’environnement est passé du statut de « préoccupation » au statut de « sujet majeur », essentiellement à cause de la mise en valeur des risques pouvant être engendrés. Les RH sont aujourd’hui porteurs de cette tendance. Pour passer d’une logique éthique qui consistait à vivre dans un bon environnement à une logique économique et avoir une excellente performance financière, l’entreprise a besoin d’une véritable fonction direction humaine, et non plus seulement d’une expertise reconnue, mais sans ambition forte. Le principal défi des RH est donc désormais de dépasser cette position et d’être mobilisé sur tous les sujets de l’entreprise. Et si le pas est réel, il s’avère être un authentique facteur de compétitivité.
Pour transformer les RH, Bernard Chambon propose trois leviers, qui sont cruciaux pour aider les RH à progresser.
Tout d’abord passer de l’aval à l’amont, c’est-à-dire prendre des risques pour anticiper, comme les autres fonctions supports peuvent parfois le faire.
Ensuite, donner du relief business à la fonction RH en combinant la fonction relations humaines sur son versant psychologique et la mise en valeur du capital humain souvent manquant. Il faut pouvoir chiffrer le risque lié à l’humain.
Enfin, proposer un engagement vis-à-vis de l’humain sur le plan des valeurs. Les RH doivent pouvoir challenger les idées du patron et rester indépendantes, et pour cela délimiter leur zone d’autonomie. Au fond, les RH doivent prendre leurs responsabilités et être acteurs aussi sur les sujets transverses non-RH.
Le second thème concerne la mise en dynamique par la motivation et la mobilisation des femmes et des hommes de l’entreprise.
La relation entre l’encadrement intermédiaire et les RH a beaucoup évolué ces dernières années. Auparavant choyés par la direction, les managers intermédiaires n’entretiennent plus cette ancienne relation de confiance réciproque. Les RH doivent aider à renouer le lien et pour cela engager des logiques de discussion ouvertes, informelles, et en dehors du milieu professionnel.
L’accompagnement des hommes est leur mission principale. Cette volonté générale doit être mise en application dans l’ensemble des lieux de l’entreprise pour assurer un alignement et une cohérence, et ce quelque soit la situation culturelle ou sociale.
Les collaborateurs changent de génération. La mixité intergénérationnelle, pour Bernard Chambon, est au cœur des transformations. Entièrement basée sur l’apprentissage terrain, elle garantit en continu le transfert des connaissances et constitue un élément clé de réussite.
Le troisième thème récurent observé dans les situations de transformation concerne la capacité d’appui technique des équipes RH, notamment sur le volet social avec les relations aux IRP.
Le point de vue de Bernard Chambon sur les relations sociales dans les entreprises françaises est positif.
Le niveau de dialogue est satisfaisant, cependant il reste encore très informel et insuffisamment soutenu par le cadre juridique. Les acteurs doivent avoir de véritables engagements sur les sujets sociaux. Il en va de même pour l’intervention publique. Les RH se trouvent souvent face à des acteurs publics qui cherchent à trouver une stabilité et à partager une cohérence et il faut des convictions pour faire émerger des solutions efficaces et pérennes. Au centre du débat actuel, la prime de 1 000 euros n’est pas la bonne réponse à la question du lien entre intéressement et participation, selon Bernard Chambon. Sur tous les versants techniques, les RH doivent être en mesure d’animer et d’accompagner le CODIR.
Il faut parfois relancer le débat, animer les discussions sur des sujets qui fâchent, encourager les personnes qui ne s’expriment pas, notamment dans un contexte où le CODIR est culturellement varié.
Les RH tiennent, par la nature de leur mission, le rôle central de régulateur des énergies et des ambitions.
Sans avoir à faire le travail des managers, les RH doivent accompagner les équipes. Et si les managers exercent de plus en plus de responsabilités RH, chacun des protagonistes doit avoir un périmètre dédié. Le choix d’une augmentation salariale pour un collaborateur reste par exemple du ressort du manager tandis que la réponse à une demande de congés appartient aux RH, même si elle est souvent partiellement automatisée. C’est une fonction charnière qui réclame expertise et ouverture.
Pour faire carrière dans ce métier, ce qui compte le plus reste l’ouverture d’esprit, plus encore qu’un brillant parcours académique. En effet, le métier au quotidien est fondé sur le vécu et la logique des actions et des tâches est transverse. Pragmatisme et polyvalence sont des qualités essentielles pour les RH de demain qui seront confrontées à des mutations dans l’entreprise de plus en plus fortes, rapides et de plus en plus régulières.
Auteur : Equipe du Cercle Humania RH-Management