Impulsées par l’Etat puis dans les territoires, de plus en plus de start-up voient le jour, avec pour but d’accélérer la bascule numérique des Ministères et de leurs services.
Ainsi, les ressources humaines, jusque-là confinées à de la gestion administrative et sociale, représentent un enjeu primordial. L’instauration par décret d’une DRH de l’Etat en 2016 à travers la DGAFP, les nombreux volets RH et sociaux pris en compte dans la loi de transformation de la fonction publique de 2019 et la rénovation du cadre des RH voulue par Action Publique 2022, sont autant d’exemples qui témoignent de la volonté de professionnaliser cette fonction.
Dans ce contexte, les solutions proposées par les start-up d’Etat et de certaines collectivités territoriales conduisent à une modernisation de la fonction RH, et par extension à des services publics de plus grande qualité pour les usagers finaux.
La première start-up d’État est créée à titre expérimental en 2013 au sein de la DINSIC (direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État), depuis devenue direction interministérielle du numérique (DINUM) pour la refonte du portail data.gouv.fr. Les résultats sont positifs et encouragent la création de plusieurs autres Startups d’État au sein de la DINUM : mes-aides.gouv.fr, Marchés Publics Simplifiés, API entreprise…
En 2015, Pôle emploi rejoint beta.gouv.fr, le réseau des incubateurs de Startups d’Etat, et suit un programme d’intrapreneuriat : des conseillers Pôle emploi proposent des solutions aux problèmes de terrain qu’ils rencontrent et la direction sélectionne les propositions les plus prometteuses. C’est ainsi que naissent La Bonne Boîte, La Bonne Formation, etc.
Ce modèle va s’étendre aux ministères, aux opérateurs de l’État et aux collectivités locales. En 2018, PIX et demarches-simplifiees.fr sont les premières Startups d’État à lever plusieurs millions d’euros pour leur croissance et le Pass culture représente la première politique publique numérique conçue en mode Startup d’État.
Comment les start-up d’Etat s’efforcent de réinventer les modes de travail dans l’Administration ?
Start-up d’Etat : autonomie, rapidité et flexibilité sont les maîtres mots
Une start-up d’Etat est créée par un responsable d’administration. Il la crée pour répondre à un problème de politique publique pré-identifié, ou en lançant un appel à intrapreneurs afin de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les agents publics sur le terrain.
Pour chaque projet, une petite équipe est constituée (3 collaborateurs au départ en général). Une fois son objectif fixé, une grande autonomie lui est accordée. L’équipe a toute latitude pour prendre les décisions nécessaires au succès du service et elle a la main sur les décisions opérationnelles (recrutement, communication, organisation interne, gestion du budget alloué). Les responsables veillent à leur imposer le minimum de contraintes afin de garantir à l’équipe un espace de liberté pour innover. En contrepartie de cette autonomie, l’équipe assure une transparence sur son travail (code source ouvert, mesure de l’impact publique, démonstrations fréquentes, documentation facilement accessible). Totalement autonome, l’équipe doit élaborer rapidement une solution à tester directement sur le terrain.
En parallèle, l’intrapreneur est formé à l’art du pitch, au management ou encore à l’UX Design… des concepts émergents au sein des services publics.
La start-up d’Etat permet de tester un concept rapidement et à moindre coût. Elle dispose de six mois pour prouver son impact et n’est refinancée que si c’est le cas.
Voici les quatre phases que doit suivre une start-up d’Etat accompagnée par l’un des incubateurs du réseau beta.gouv.fr :
Les Start-up d’Etat reposent sur 3 piliers
- Un développement itératif est privilégié
Le principe du développement itératif est de mettre un service en production rapidement et de l’améliorer par la suite, plutôt que d’attendre qu’il soit « théoriquement parfait » pour le lancer.
Ce fonctionnement à l’encontre des process habituels de l’administration, introduit dans le service public des méthodes dites « agiles » qui permettent habituellement aux start-up de réduire leur time-to-market (délai de mise sur le marché) et d’évoluer selon les retours usagers.
Cette approche répète un schéma cyclique d’action, produisant une nouvelle version du produit souhaité, en modifiant la version précédente. Généralement, ces changements consisteront en l’ajout d’une nouvelle fonctionnalité.
Le droit à l’erreur existe et est mis en avant, permettant ainsi aux équipes d’explorer un plus large panel de solutions.
Le développement itératif semble prendre le contre-pied des processus habituels de l’administration dans lesquels la validation doit précéder toute décision. Il y a donc une volonté d’en finir avec un système très hiérarchisé.
- Les solutions sont développées par les agents publics eux-mêmes
Tout part du terrain. Le but de ces start-up est de solliciter les fonctionnaires qui seraient témoins d’un problème récurrent qui affecte les usagers ou les agents, et qui auraient une idée de solution numérique pour y remédier. Ceux-ci sont libérés de leur fonction et de leurs tâches habituelles et reçoivent les moyens de monter leur start-up d’État.
C’est au directeur ou à la directrice d’un organisme public que revient la responsabilité de lancer une start-up d’État. Il/elle va devoir protéger l’autonomie de l’équipe afin que le service développé réponde bien aux besoins des usagers.
- Les usagers sont au cœur de ces solutions
Les start-up d’État ont pour ambition de changer la façon dont sont conçues les politiques publiques en remettant, notamment, l’usager au centre des politiques publiques. Elles se développent en se confrontant le plus rapidement possible à de premiers utilisateurs.
Dans un premier temps, la nature et l’étendue des besoins des utilisateurs ne sont pas déterminées avec précision. C’est pourquoi, l’équipe doit lancer rapidement une première version fonctionnelle du service de façon à tester son utilité et à l’ajuster selon les retours du terrain par des améliorations successives. Le service, imparfait au départ, s’améliore en continu pour élargir progressivement le périmètre couvert et maximiser son impact.
Les usagers sont dès le départ associés et les solutions, en permanence, évaluées. Les statistiques d’utilisation de chaque service sont publiques : nombre de visites, pourcentage des visiteurs n’ayant regardé qu’une page, etc.
Que ce soient des usagers (citoyens, entreprises, associations, etc) ou des agents publics, l’objectif premier est de construire un service utile et facile à utiliser, qui résolve efficacement un problème ou qui contribue à la mise en œuvre d’une politique publique. Le choix des priorités de développement du service est donc guidé par les retours de ses utilisateurs.
L’administration publique française jusque-là beaucoup critiquée semble se donner les moyens pour améliorer ses méthodes de travail. Néanmoins, malgré ces initiatives et des résultats déjà avérés, le secteur public fait face à un autre challenge : l’attractivité de talents, notamment dans les métiers en tension liés au digital et aux systèmes d’information. Pour l’éviter, son offre se renforce et se structure. « Les administrations ont toutes envie de monter en compétences mais elles n’ont pas forcément les talents numériques internes pour le faire » confie Florian Delezenne, directeur de l’incubateur beta.gouv.