« Guide de survie » pour l’humanité. C’est ainsi qu’António Guterres, secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qualifie le 6ème rapport du Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Publié le 20 mars 2023, ce rapport constitue une synthèse des travaux scientifiques portant sur le changement climatique menés par l’organisation internationale depuis 2015. Il servira de base scientifique lors de la 8e Conférence des Parties (COP28) organisée par les Émirats Arabes Unis à Dubaï en novembre 2023.
Petit rappel sur le rôle du GIEC
Créé en 1988 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUD), le GIEC est une organisation scientifique internationale chargée d’évaluer l’évolution du climat, ses causes et ses conséquences. Réunissant 195 pays membres, le GIEC est organisé en 3 groupes de travail : un premier dédié à la mise à jour des données scientifiques relatives à l’évolution climatique, un second mettant en lumière les impacts du changement climatique ainsi que la vulnérabilité des sociétés humaines. Enfin, le troisième groupe est chargé de mettre en lumière les solutions d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. Les observations du GIEC font l’objet de rapports approfondis publiés tous les 6 ou 7 ans.
Les points saillants du rapport
Ce dernier rapport, rédigé par 93 scientifiques, s’ouvre sur un constat implacable : l’activité humaine a « sans équivoque » entraîné une augmentation des températures d’1,1°C sur le globe par rapport aux années 1890-1900, correspondant à l’ère préindustrielle. Cette hausse des températures est majoritairement causée par les émissions de gaz à effet de serre (GES). A titre d’exemple, en 2019, la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère a atteint des niveaux record, 410 parties par million (ppm), soit la concentration la plus élevée depuis « au moins 2 millions d’années ». Les conséquences de la hausse des températures sont nombreuses et observables : températures extrêmes, biodiversité menacée, insécurité alimentaire, pénurie d’eau, risques sanitaires accrus, fonte des glaciers…
A noter que les contributions aux émissions de gaz à effet sont très inégalement réparties. En effet, les pays du G20 ont une responsabilité historique dans le dérèglement climatique et produisent aujourd’hui 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Bien que les conséquences soient considérables, nous ne sommes pas tous égaux face à ces dernières. Les pays les moins polluants (principalement en Afrique, Asie, Amérique Centrale et du Sud, dans les pays les moins avancés, les petites îles et l’Arctique) sont aussi les plus touchés par les tragédies climatiques. Entre 2015 et 2020, le risque de mortalité causé par des inondations, des sécheresses ou encore des tempêtes était 15 fois plus élevé dans ces régions que dans les régions à faible vulnérabilité. Cette situation de grande vulnérabilité face au changement climatique concerne 3,3 à 3,6 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale. L’instauration d’une justice climatique, notamment évoquée lors de la COP27 organisée à Charm–el–Cheikh (Égypte), apparaît alors comme essentielle.
Autre constat, bien que les politiques d’adaptation et d’atténuation se soient multipliées, elles sont loin d’être suffisantes. Le rapport souligne un écart important entre les engagements des pays sur le plan climatique et la mise en œuvre effective de politiques publiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La poursuite des politiques actuelles nous conduirait à un réchauffement de la planète de +1,5°C au cours du siècle et de +3,2°C d’ici 2100. Une limitation de l’augmentation des températures à 1,5 °C pourrait être rendue possible par une réduction de près de moitié de nos émissions actuelles de CO2.
Quel rôle pour les entreprises ?
Si ce rapport s’adresse en priorité aux décideurs politiques, la responsabilité ainsi que l’influence des entreprises n’est pas à écarter. En effet, « le soutien politique est influencé par les acteurs de la société civile, notamment les entreprises ». Et comme le martèlent les scientifiques, les solutions afin de limiter le réchauffement climatique sont « réalisables, efficaces et peu coûteuses ».
Parmi ces dernières, une mesure apparaît comme pierre angulaire : la réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre. Mais pour réduire, il faut mesurer. Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises de plus de 500 salariés en France métropolitaine (250 salariés en Outre-Mer) sont tenues légalement de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre complet (scopes 1, 2 et 3) et ce, tous les 4 ans. Les entreprises peuvent se baser sur la méthode Bilan Carbone®, la plus connue, établie par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). Ce premier diagnostic permet de d’identifier précisément les sources d’émissions directes, indirectes ainsi que les axes d’amélioration. La réalisation d’un bilan carbone apparaît comme un point de départ essentiel pour toute entreprise, peu importe sa taille, souhaitant s’investir dans le développement durable et mettre en place une stratégie RSE effective. Par ailleurs, l’élargissement de l’obligation de réalisation d’un bilan carbone scope 3 à toutes les entreprises de plus de 50 employés est l’une des mesures proposées en juillet 2022 par la Convention des Entreprises pour le Climat.
Plus que jamais, le secteur privé peut être un véritable catalyseur et accélérer les initiatives vers plus de durabilité. Outre la réalisation d’un Bilan Carbone, d’autres actions peuvent d’ores et déjà être mises en place au sein des entreprises : politique de tri des déchets, décarbonation des achats, déploiement d’un Plan de Mobilité Employeur (PDME) avec des actions promouvant la mobilité durable, sensibilisation et formation des employés aux enjeux du développement durable, etc.
Face aux réalités climatiques incontestables et aux pressions réglementaires, le temps de l’inertie et du découragement doit être révolu.