Travail hybride & management : quel nouveau rôle pour le manager ?

Depuis la pandémie, le télétravail n’est plus un facteur de méfiance pour la plupart des entreprises, comme cela pouvait être le cas auparavant. En effet, les salariés ont montré que la productivité était au rendez-vous, même sans travailler dans l’enceinte de l’entreprise. Avec l’amélioration de la situation sanitaire, une nouvelle forme d’organisation s’est progressivement développée : le travail hybride. A mi-chemin entre le travail au bureau et le travail à distance, ce mode de travail vient redessiner le rôle des managers : il leur faut en effet trouver le subtil équilibre entre autonomie et accompagnement, confiance et contrôle, tout en gardant leurs équipes engagées et motivées.

Evolution du rôle de manager

Le mode hybride est censé représenter le meilleur des deux mondes, en permettant une meilleure flexibilité et autonomie dans la gestion du temps mais aussi du lieu de travail. Il s’impose désormais comme la norme pour beaucoup d’entreprises. Selon une étude de la Dares publiée en 2022, parmi l’ensemble des salariés qui télétravaillaient en janvier 2021, 42% étaient favorables à du télétravail partiel (1 ou 2 journées par semaine), 22% se seraient laisser tenter par une majorité de télétravail (3 ou 4 jours par semaine) tandis que 8% étaient favorables au 100% télétravail.

Dans ce « nouveau monde », où les collaborateurs ne sont plus que quelques jours par semaine au bureau (et parfois pas les mêmes jours d’une semaine à l’autre), les managers font face à plusieurs défis :

Comment mesurer la performance des membres de l’équipe?

Même si les modèles de management traditionnels (construits de manière verticale, autour d’une hiérarchie pyramidale et du contrôle des salariés) étaient déjà remis en cause avant la crise sanitaire, cette dernière a accéléré la transition vers des modèles de management plus horizontaux, davantage basés sur la confiance. Ainsi, le mode hybride impacte la manière dont les employeurs mesurent la valeur du travail et bouleverse le système de pilotage des managers (il n’est par exemple plus possible d’apprécier le travail et la contribution d’un salarié par son temps de présence au bureau).

Comment créer des liens et maintenir la cohésion d’équipe ?

La manager se retrouve face à un autre enjeu important : maintenir une appartenance forte à l’équipe mais aussi à l’entreprise, quelles que soient les modalités de travail. En effet, les collaborateurs ont besoin de se sentir accueillis et inclus, ce sentiment d’appartenance étant primordial pour les garder engagés et motivés sur le long terme. Seulement, depuis la généralisation du travail à distance, les rythmes de travail sont différents : certains collaborateurs finissent par se croiser au bureau et les moments de convivialité en présentiel se font plus rares. Il est ainsi plus difficile de créer des liens et se sentir intégré, notamment pour les nouveaux arrivants.

Comment garantir le bien-être des collaborateurs ?

Malgré ses différents avantages, le travail hybride peut s’accompagner d’un certain nombre de problématiques. Par exemple, un sentiment d’isolement peut se développer chez certains collaborateurs (dû à la fragilisation du lien social et la diminution des interactions avec les collègues), la perte de sens au travail peut s’accentuer et la délimitation entre vie professionnelle / vie personnelle peut être difficile à maintenir (ce qui entraîne un allongement des horaires de travail et génère du stress).  Autrement dit, le travail hybride peut donc avoir des conséquences négatives sur le bien-être des collaborateurs. Si le manager a toujours occupé un rôle primordial à ce sujet, il se retrouve aujourd’hui face à un nouveau défi : détecter les signaux d’alerte des membres de son équipe et garantir leur bien-être alors qu’il ne les voit plus aussi souvent qu’auparavant.

Quelques bonnes pratiques managériales

Plusieurs leviers et bonnes pratiques managériales peuvent permettre de répondre aux défis que rencontrent les managers.

Un premier levier peut être l’organisation du rythme de travail (temps au bureau versus temps au domicile) en fonction des tâches à effectuer. Depuis la généralisation des espaces partagés, les collaborateurs sont davantage sollicités et interrompus dans leur activité. A l’inverse, le télétravail est souvent apprécié puisqu’il permet de préserver la qualité des temps de concentration. Ainsi, une bonne pratique managériale peut consister à identifier les tâches « télérobustes » et « téléfragiles ». Par exemple, l’équipe peut privilégier le domicile pour les tâches individuelles de concentration et consacrer les temps au bureau autour des tâches collectives, comme la gestion d’un projet. Il peut également être intéressant de fixer un ou plusieurs jours communs au bureau (tout en restant flexible en fonction des contraintes de chacun) afin de permettre aux membres de l’équipe de se retrouver tous ensemble en présentiel.

Un autre levier consiste à accorder de l’importance aux moments de régénération et d’activation. A la maison comme au bureau, les temps de relâchement permettent au cerveau de se régénérer, ce qui a des effets positifs sur la productivité ou encore la créativité. Ainsi, l’exemplarité managériale ne consiste plus tellement à arriver tôt le matin et à repartir tard le soir mais plutôt à oser prendre des pauses lorsque l’envie se fait ressentir et encourager ses collaborateurs à faire de même. De plus, il est important de fixer des règles de déconnexion au sein de l’équipe, comme des plages d’horaires pour les réunions ou l’envoi de mails.

Penchons-nous davantage sur la cohésion d’équipe, dont les bienfaits ne sont plus à démontrer : elle permet par exemple de générer de la motivation chez les collaborateurs, de renforcer la confiance ou encore de faciliter la prise de décision. Seulement, ce concept n’a rien de naturel ou d’évident (et cela peu importe le mode de travail) car une équipe ne se résume pas à la somme de ses individus. S’il n’existe pas de recette miracle pour favoriser la cohésion d’équipe, il est tout de même possible d’agir sur les différents éléments qui la caractérise : un objectif commun, une répartition des tâches, des valeurs partagées et un sentiment d’appartenance. Par exemple, le manager peut faire preuve de transparence en partageant le cap stratégique de l’entreprise et faire comprendre au collaborateur que son travail est une brique essentielle pour atteindre les objectifs en question. Il peut également favoriser les interactions entre certains collègues et organiser des points réguliers avec les collaborateurs pour mesurer leur niveau de motivation et d’engagement. Autrement dit, il est primordial que le manager mette l’accent sur la communication, d’autant plus lorsqu’une partie de l’équipe est en télétravail. Les rituels informels, comme les conversations à la machine à café, sont également très importants pour la cohésion d’équipe: ils doivent donc être maintenus – et adaptés – quel que soit le mode de travail mis en place.

En ce qui concerne la mesure de la performance plus précisément, la plus grande autonomie accordée aux salariés dans cet environnement hybride plaide pour une orientation sur les résultats. En effet, le collaborateur est libre de choisir les moyens à mettre en place (comme la gestion de son temps) pour atteindre le résultat en question. Cela implique d’établir un cadre commun (notamment en se mettant d’accord sur les responsabilités et périmètres de chacun) et fixer des objectifs clairs (à court terme mais également à plus long terme).

La généralisation du mode hybride impacte le rôle des managers et rappelle l’importance de certaines compétences managériales clefs : une certaine intelligence émotionnelle, une communication claire et une culture fondée sur la confiance sont en effet plus essentiels que jamais.

Anaïs Jacquot, Consultante
Amelle Youssefi, Consultante
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