Transformation durable : comment aborder les enjeux, quelle boussole stratégique utiliser ?

Pour le dirigeant et ses équipes, penser et mettre en œuvre la transformation durable au sein d’une organisation requiert de déployer une vision globale et intégrée des enjeux, dans un contexte fortement marqué par l’incertitude. C’est d’autant plus difficile à faire, que cela suppose une capacité permanente à trouver les justes points d’équilibres entre plusieurs aspects (fortement interconnectés) de la transformation à conduire, qui reflètent eux-mêmes différentes dimensions du management. 

Quels sont ces aspects, et comment les articuler aussi efficacement que possible, en tenant compte de multiples faisceaux de contraintes ? Quelle boussole se fixer pour éviter de se disperser et conserver en permanence une approche « à large spectre » ?

Cet article propose une approche en 4 dimensions (empreinte – offre – réputation – modèle), que l’on pourrait appeler le schéma « FORM » (en partant de l’initiale de chaque mot traduit en Anglais) :

Premièrement, la transformation durable passe par un questionnement approfondi sur l’empreinte (« FOOTPRINT ») des activités de l’organisation, dans leurs différentes dimensions. Le plus souvent, cet aspect est le premier à être spontanément pris en compte, dans une logique de nature principalement défensive et surtout (pour l’instant…) centrée sur les questions environnementales : comment réduire mon impact sur le climat, la qualité et la quantité des ressources en eau, la biodiversité, etc. Ici, les principaux facteurs d’accélération sont corrélés aux pressions sociétales et réglementaires croissantes, qui sont amenées à s’étendre rapidement aux questions sociales (inclusion, diversité, droits de l’homme…). Pour ce premier aspect de la transformation, les enjeux portent principalement sur 1) le choix pragmatique d’indicateurs de performance durable appropriés, 2) la collecte de données de mesure homogénéisées et fiabilisées dans le temps et dans l’espace, 3) la définition d’objectifs, le pilotage et le suivi de plans d’optimisation. 

Deuxièmement, la transformation durable invite à se pencher sur l’offre d’une organisation (« OFFER »), face aux évolutions des attentes et des pratiques de marché. Ce second aspect apparaît par nature moins « défensif » que le premier : il s’agit ici plutôt d’anticiper, explorer, valoriser les opportunités (notamment économiques) de la transformation durable. Comment mieux répondre aux besoins prioritaires des clients / utilisateurs / usagers de mes produits et de mes services, dans le contexte de la transition énergétique, écologique et sociale ? Comment maintenir et renforcer ma valeur ajoutée ? Quels services additionnels proposer pour accentuer mon avantage compétitif ? Une banque va ainsi développer une nouvelle offre dans le champ de l’économie circulaire, un promoteur immobilier va ouvrir l’accès à de nouvelles données sur les matériaux et le cycle de vie de ses bâtiments, etc. La transition s’accompagne alors d’une saine émulation de marché, à condition de rester vigilant sur les risques de greenwashing. Pour ce second aspect de la transformation, les enjeux portent principalement sur 1) l’expérience client, 2) l’innovation, 3) la veille concurrentielle ciblée. 

Troisièmement, la transformation durable impose de prendre en compte la question de la réputation (« REPUTATION »), clé dans un monde de plus en plus ouvert. La transition énergétique, écologique et sociale incite (et force, même…) très concrètement à « ouvrir le capot » de l’économie à échelle locale, nationale et mondiale. Les clients (consommateurs sur les marchés B2C, mais aussi professionnels sur les marchés B2B) questionnent de plus en plus systématiquement les conditions de fabrication de produits et services qu’ils utilisent mécaniquement depuis parfois des dizaines d’années. La matérialisation progressive de chaînes de responsabilités collectives, ainsi que le développement rapide du reporting, multiplient les points critiques et les angles d’attaque possibles (de la part d’investisseurs, de collaborateurs, de clients, de partenaires…), engendrant des risques de réputation considérables et une vulnérabilité forte pour toutes les filières d’activité. Y compris celles qui étaient peut-être historiquement les moins « challengées » par leurs parties prenantes… Pour ce troisième aspect de la transformation, les enjeux portent principalement sur 1) l’analyse lucide, intégrée et collégiale des risques de toutes natures, 2) la détection des signaux faibles et l’anticipation prospective associée, 3) la construction d’un narratif let la pédagogie associée. 

Enfin, la transformation durable nécessite de poser la question du modèle de création de valeur (« MODEL ») sur lequel repose l’activité, et de ses nécessaires évolutions. Ce quatrième aspect de la transformation, très directement connecté aux trois précédents, est probablement le plus complexe et le plus délicat à aborder. Il oblige en effet à soulever des questions habituellement considérées comme « régaliennes », sensibles et donc trop « intimes » à une organisation pour faire l’objet de débats en dehors de ses équipes dirigeantes. Il importe ici de distinguer d’une part la façon dont l’organisation (entreprise, ou autre) produit de la valeur, et d’autre part la façon dont elle oriente la répartition de cette valeur à destination de ses parties prenantes. Il apparaît également important de questionner et quantifier les différents types de valeur que l’organisation est en capacité de produire par la réalisation de ses missions et activités (valeur économique, sociale, environnementale, à différentes échelles). Pour ce quatrième aspect de la transformation, les enjeux portent principalement sur 1) l’observation fine des retombées directes, indirectes et induites des activités, 2) l’identification des leviers permettant de maximiser l’utilité pour les différentes parties prenantes, 3) l’activation d’écosystèmes d’affaires et de partenariats élargis.

Les 4 dimensions de ce schéma « FORM » sont étroitement liées et complémentaires. Elles constituent ensemble les pièces indissociables d’une transformation durable pérenne. 

Si la mise en œuvre de la transformation suppose de recourir à une large palette d’outils et solutions internes et externes à l’organisation (grilles d’analyses multicritères, logiciels et bases de reporting, matrices de risques, scénarios prospectifs, études de marchés, simulations de modèles d’affaires, veille réglementaire…), c’est l’analyse de matérialité qui constitue probablement l’une des pierres angulaires pour orienter et guider la transformation. 

« L’analyse de matérialité permet de définir un cadre de synthèse et un synopsis réconciliant risques et opportunités, priorités internes et attentes externes, impact de l’organisation sur son environnement et réciproquement. »

De manière similaire, le dialogue continu et structuré avec les parties prenantes constitue également un prérequis essentiel, pour alimenter l’ensemble des 4 dimensions du schéma « FORM » et poser les fondements d’un progrès concret, qui portera des fruits sur le long terme. 

Jean Monnet, considéré comme l’un des « pères de l’Europe », a dit un jour : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». Engager la transformation durable vise précisément à tenter de faire mentir cet adage. 

Cédric Baecher, Partner

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