Verdissement des métiers : Quelles tendances pour les métiers de la transition écologique ?

La transition écologique s’accompagne d’une transformation profonde des activités professionnelles. Toutes les prospectives étudiant le couplage emploi-transition convergent vers un phénomène de transformation des métiers, les collaborateurs étant amenés à intégrer de nouvelles compétences pour s’emparer d’enjeux originaux. Pour autant et contre-intuitivement, les emplois verdissants n’ont augmenté que de deux points de pourcentage sur la décennie 2011-2021 en moyenne dans 30 pays de l’OCDE pour atteindre 18% du total des emplois, alors que parallèlement la part des talents verts augmente chaque année de 11,3% depuis cinq ans. Dès lors, à l’appui des études tendancielles disponibles et de l’événement de Jobsferic du 12 avril 2023, nous pouvons miser sur une dynamique de verdissement des emplois et de croissance conséquente du marché de la formation et de la reconversion. Les DRH auront un rôle-pivot à jouer dans la montée en compétence des collaborateurs.

Un verdissement des emplois

A l’automne 2020, une synthèse de France Stratégie identifiait certaines des tendances à l’œuvre en matière de verdissement des emplois, à savoir la systémique de la transition sur fond d’influence réglementaire, la réinvention des façons de faire, l’expérimentation des solutions et l’ancrage des compétences dans l’activité professionnelle. Après l’industrie de masse et l’irruption d’Internet, la transition écologique s’annonce comme une révolution pour les RH et les collaborateurs.

Le verdissement des emplois désigne l’intégration de la transition écologique dans les activités professionnelles. Le phénomène englobe les métiers verts dont la finalité et les compétences sont directement environnementales (gestionnaire de déchets, jardinier, technicien, animateur entre autres) et les métiers verdissants dont la finalité n’est pas environnementale mais qui intègrent de nouvelles briques de compétences liées à la transition écologique dans leur cœur de métier. 

Cette intégration de la transition écologique dans les activités professionnelles est le produit des tendances au global, à savoir :

  • La crise sanitaire et sa période d’introspection sur le sens du travail ;
  • Les éveils environnementaux grandissants depuis la COP21, les publications du GIEC et les Marches pour le Climat de 2018 ;
  • Le phénomène social du Great Quit venu des Etats-Unis ;
  • Les évolutions réglementaires récentes, telles que la taxonomie verte européenne, le BEGES (bilan des émissions de gaz à effet de serre) ou encore la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ;
  • Les enjeux politiques de reterritorialisation, depuis les crises commerciales et géopolitiques, comme l’illustre actuellement le Projet de loi Industrie Verte.

Le 12 avril 2023, la conférence intitulée « Transition écologique : quête de sens et reconversion des collaborateurs sur de nouveaux métiers », organisée par Jobsferic, avec Armand de Coussergues, Président de l’Institut Supérieur de l’Environnement (ISE), Céline Conte, Fondatrice du cabinet de conseil Bien plus RH, et Catherine Lefebvre, Senior en reconversion en tant que Responsable Biodiversité dans le BTP chez Citea, explorait plus en détails les dynamiques de formation et reconversion vers les emplois verdissants. Quelles sont les 4 contre-intuitions et la conviction que nous pouvons tirer de l’étude de ces dynamiques ?

Des emplois inégaux en intensité écologique, divers mais masculins et polarisés autour de l’ingénierie et du droit

Tous les métiers verdissants ne se valent pas en termes d’intensité écologique, entre un agronome, un chef de projet éolien, un inspecteur BTP et un gestionnaire des eaux usées par exemples. Le verdissement des emplois est ainsi nuancé.

Exemples de métiers verdissants :

Les emplois verts et verdissants ne sont pas nécessairement divers. Les différences selon les genres sont manifestes : 82 % des emplois sont occupés par des hommes contre 52 % pour l’ensemble des professions.

La majorité des emplois verdissants se polarise autour de compétences techniques, opérationnelles et réglementaires. Bien que les compétences stratégiques et transversales de type achats durables, gestion de projet ou animation de communauté sont sensiblement en croissance, leur part reste marginale dans le total.

Une croissance lente des offres d’emploi verdissant, découplée des profils verts et des besoins sur le marché

En France, en 2021, l’Onemev (Observatoire National des Emplois et Métiers de l’Economie Verte rattaché au Gouvernement) dénombrait 4 millions d’actifs dans les emplois écologiques, soit environ 15% de la population active totale. Il y a environ 26 emplois verdissants pour 1 emploi vert. Les intentions d’embauche portant sur ces métiers se sont montées à 17% de l’ensemble en 2019.

Parallèlement à ces chiffres sur l’emploi, le nombre de profils « verts » est en hausse plus rapide avec une progression de 38,5% en 6 ans sur base LinkedIn.

Comment expliquer cet écart ? D’abord par des temporalités différentes. Le temps de latence entre l’appropriation des enjeux physiques et réglementaires par les organisations (très variable d’une filière à l’autre), l’existence effective des offres sur les services et produits écologiques (jusqu’à 15 ans), et les années de formation (jusqu’à 9 ans) ou de reconversion des collaborateurs (18 mois en moyenne) expliquent en partie cet écart. Ensuite, la tertiarisation depuis les années 70 a déclassé un certain nombre d’emplois verts en augmentant le niveau général de diplomation. En effet, des employeurs sont en tension pour trouver des techniciens de niveau inférieur à Bac+3.

LinkedIn, 2021

Une montée en compétences qui demeure une source d’incertitudes pour les entreprises et à laquelle les DRH devront contribuer

Globalement, la montée en compétences sur les enjeux environnementaux dans les différents métiers est significative. Les familles de métier les plus impactées sont celles des achats, de l’ingénierie, de la recherche et du développement, avec 50 à 70% des macro-compétences qui devraient évoluer. Trois autres familles de métiers devraient renforcer près de 40% de leurs macro-compétences : la logistique, la gestion des déchets, l’ingénierie d’affaire et commerciale et les professions liées à l’industrialisation.

Or, 7 entreprises sur 10 ont peu ou pas du tout identifié leurs besoins en formation dans le cadre de la transition écologique. Deux tiers d’entre elles disent éprouver des difficultés à répondre à cet enjeu et souhaitent la mise en place d’actions de formation sur ce thème, avec une différence thématique selon la taille des entreprises (gestion des déchets et matières premières pour le TPE alors que les émissions de gaz à effet de serre et les difficultés techniques concernent plutôt les ETI et grandes entreprises).

C’est dans ce cadre que les DRH sont attendus. En effet, au travers du pilotage des compétences, ces derniers contribueront au développement des compétences. Les DRH devraient ainsi se mettre en capacité de retravailler la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP), au regard de ces nouvelles compétences propres à de nouveaux métiers verts et verdissants, ou des compétences transverses qui concernent tous les professionnels quels que soient leurs métiers.

La formation et la reconversion, un marché d’avenir faiblement entravé

Le marché des emplois verdissants accueille des profils très hétérogènes en raison du caractère interdisciplinaire, transversal et global des changements. Les savoir-faire sont ainsi transférables.

Néanmoins, l’investissement en temps, une perception incapacitante, et un a priori sur les rémunérations sont d’après les parties prenantes de l’événement du 12 avril les principaux freins à la formation et la reconversion vers les métiers verdissants. Ceux-ci sont pour autant jugés mineurs.

L’accompagnement au changement, la formation et la reconversion dans les métiers verdissants sont sans nul doute un marché en croissance, dont les entreprises sont demandeuses.

Un réel décollage des emplois verdissants, au cœur des politiques RH de 2025

De cette rapide analyse, quatre tendances se dégagent : polarisation des compétences, lenteur des emplois verdissants disponibles, montée en compétences au travers de l’accompagnement RH, et croissance de la demande de formation et reconversion. Nous pouvons y ajouter « transformation RH », en ce que les emplois verdissants vont probablement se déployer plus rapidement sur la décennie à venir et que les RH en seront affectées, notamment au travers de la gestion des compétences, la proposition d’offres de formation et le recrutement de profils verts.

La vitalité du marché des emplois verdissants est une quasi-certitude ; pour autant, son intensité dépendra des stratégies mises en place par les acteurs économiques, de l’ancrage du phénomène de sens au travail, et de la réalisation collective que la profession est un levier formidablement puissant de transition.

Synthèse de l’Onemev, 2021

Wavestone accompagne les Directeurs de Ressources Humaines et intervient régulièrement pour les grandes entreprises privées ou publiques sur des projets de GPEC / GEPP, de formation et de conduite du changement.

Ces interventions s’articulent, pour exemples, autour de :

  • La définition des compétences attendues des métiers verts d’aujourd’hui et de demain
  • La définition des plans de formation initiale et continue et concevoir des parcours de formation qui professionnalisent les pratiques
  • L’accompagnement du référencement de ces nouvelles compétences dans un SIRH dont le LMS
  • L’accompagnement de la transition des nouveaux modes de travail, des pratiques et des usages vers des postures plus responsables, en commençant par une RH responsable
  • L’accompagnement des managers dans les opportunités que la transition écologique permet de mobiliser, engager et soutenir l’effort de transformation des équipes
  • L’instruction du changement autour de la recherche et l’ancrage du sens au travail, en accompagnant les nouveaux talents comme les collaborateurs senior.

Les chantiers RH à venir sont multiples. Ils conduiront les DRH à se mettre en capacité de penser une GEPP au diapason de ces nouvelles compétences green, propres à de nouveaux métiers du green business ou transverses à tous les professionnels quels que soient leurs métiers.

Le DRH portera encore des transformations par le pilotage des compétences allant de pair avec la révolution green qui est la plus ambitieuse depuis la révolution numérique des années 2000. Les DRH ont dans un passé encore récent accompagné l’émergence de métiers nouveaux (les data scientistes, les IA managers, etc.). Cela met les DRH en capacité de relever le défi du green et de capitaliser sur un savoir-faire et des retours d’expérience permettant d’aborder la nouvelle révolution sur les compétences qu’induisent les métiers verdissants.

 

Sources :

Mathieu Groffe, Consultant
Marc GODARD, Manager
Marc Godard, Manager

One thought on “Verdissement des métiers : Quelles tendances pour les métiers de la transition écologique ?

  1. Bonjour,
    Je recherchais justement des données sur la dynamique actuel concernant les « métiers de l’économique verte » en raison d’une demande de reconversion ! Merci pour votre travail et la diffusion d’une bibliographie riche et récente sur ce sujet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top