OUI, il faut aller à la COP28 !

Depuis bientôt 30 ans, les Conférences des Parties sur le Climat (COP) rythment l’agenda international en matière de lutte contre le changement climatique. Comme plusieurs éditions précédentes, la COP28 (qui s’est tenue à Dubaï, Emirats Arabes Unis, du 30 septembre au 12 décembre 2023) a attiré son lot de critiques.

Cédric Baecher, partner chez Wavestone a souhaité prendre sa plume conjointement à Maher Chebbo dans une tribune publiée le 5 décembre 2023 à La Tribune pour apporter une vision plus constructive de ces grands rassemblements internationaux qui selon eux ont une utilité cruciale et permettent malgré ce que certains pensent de réelles avancées.

Avec l’accord des auteurs, voici leur article.


Le concert médiatique et les opinions focalisent leur attention sur le décalage ressenti entre urgence climatique et lenteur des progrès accomplis, soulignant les paradoxes d’une réunion internationale pour la décarbonation organisée dans un pays considéré comme phare de l’économie pétrolière mondiale, réputé peu concerné par la transition énergétique.

Plutôt que de céder à la tentation polémique, réduisant les COP à des lieux de confrontations stériles entre « lobbies », concentrons-nous sur la question essentielle : les COP ont-elles encore une utilité concrète ? La COP28 peut-elle ou non permettre des avancées réelles ? Nous le croyons, pour 3 raisons principales.

Les COP constituent des lieux privilégiés de dialogue interculturel et coopération internationale multi-acteurs

Dans un monde sous pression, marqué par l’accroissement des tensions géopolitiques et un recul inquiétant du multilatéralisme, pourquoi remettre en cause l’une des dernières grandes rencontres internationales matérialisant des efforts communs pour rechercher des solutions aux grands défis planétaires contemporains ? De telles occasions de dialogue tendent à se raréfier, et les outils existants peinent à mobiliser autant que par le passé (cf. l’absence des dirigeants chinois et russes lors du dernier G20 en Inde).

Les COP (et les mécanismes de dialogue qui les alimentent tout au long de l’année) sont des espaces précieux pour faciliter des échanges bilatéraux essentiels entre pays industrialisés et en développement, toutes régions du monde confondues. Elles contribuent à faire émerger des outils concrets, par exemple le Conseil des ingénieurs pour la transition énergétique (CEET, placé sous la supervision du Secrétaire Général de l’ONU et visant à élaborer des recommandations pour accélérer la décarbonation de nos économies), ou encore l’IRENA (Agence Internationale des Energies Renouvelables, basée à Abu Dhabi, qui n’est pas directement issue d’une COP mais dont la création a été facilitée par l’accélération des négociations internationales sur le climat). L’IRENA coordonne les activités de l’Alliance pour la décarbonation industrielle, plateforme réunissant des acteurs de premier plan (EDF, ArcelorMittal, Siemens Energy, ENEL…) mobilisés pour contribuer activement à la COP28.

Ensuite, les COP se sont imposées comme des lieux incontournables pour faire avancer collectivement la doctrine sur le plan technologique. Certes, l’innovation seule ne suffit pas pour faire face à l’urgence climatique, mais elle apporte une contribution majeure, qu’il s’agit d’accompagner et d’encadrer pour viser un impact optimal, respectueux des contraintes économiques, sociales et environnementales.

Plusieurs exemples illustrent à quel point les COP sont devenues des lieux stratégiques pour accompagner le développement des technologies au service de la décarbonation. Les thèmes du digital et de l’intelligence artificielle ont émergé lors de la COP27, avec des pistes de solutions décisives pour accélérer la réduction de l’intensité énergétique de l’économie et sa décarbonation. Des applications concrètes sont déjà identifiées : digitalisation des systèmes électriques, réseaux intelligents, pilotage optimisé des installations de production et stockage d’énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc.

Pour accélérer la transition, nous devons progresser en matière de mesure, suivi, pilotage, optimisation de nos usages de ressources. Notamment dans le secteur énergétique, pour apporter à tout moment aux consommateurs l’énergie la plus proche, la plus propre et la moins chère. Depuis la COP27, le digital est intégré dans les feuilles de route qui identifient les trajectoires à prévoir, les leviers à actionner, les indicateurs de progrès à suivre (cf. par exemple la Stratégie Nationale Bas-Carbone en France).

Les COP permettent de suivre les progrès collectifs, y compris dans le domaine clé du financement de la transition

La COP 28 constitue à ce titre une étape décisive, avec le premier bilan mondial (« Global Stocktake ») des avancées vers la réalisation de l’Accord de Paris sur le climat (atténuation, adaptation et financement).

Les COP sont des catalyseurs majeurs pour encourager l’action publique (cf. le Green Dealeuropéen), l’émulation entre pays et régions, la mise en cohérence des flux financiers (internationaux et nationaux, publics et privés), l’avancement d’outils tels que le Fonds vert pour le climat ou encore le nouveau fonds dédié aux « pertes et préjudices », etc. Tout cela pour appliquer l’Accord de Paris.

Impossible de maintenir et accélérer la dynamique de mobilisation mondiale pour l’action climatique sans disposer de tels dispositifs de suivi, valorisant les progrès, diffusant les meilleures pratiques, mais aussi plaçant chacun face à ses responsabilités. Plutôt que de critiquer les COP, encourageons cet effort inédit de pilotage international, complexe et imparfait, mais ô combien nécessaire.

Que peut-on attendre de cette COP28 ?

En conclusion, nous croyons utile de nous rendre à la COP 28, pour y dialoguer entre pairs, contribuer à faire vivre les échanges officiels et informels, en acceptant pleinement le débat éclairé et argumenté avec les parties prenantes porteuses de visions et cultures différentes, de solutions et approches complémentaires.

Nous attendons de la COP28 des avancées concrètes et pragmatiques pour mener à bien la transition, s’appuyant à la fois sur les faits scientifiques et sur les réalités sociales et politiques propres à chaque pays.

Tous les acteurs, y compris les entreprises, ont leur place à Dubaï. Réjouissons-nous de la mobilisation des industriels et des fournisseurs d’outils et solutions technologiques, mais aussi des acteurs du financement et de l’investissement, dont le rôle est primordial.

La clé du succès réside dans les synergies, la construction d’alliances, l’encouragement de toutes les énergies positives, plutôt que dans la critique stérile et la stratégie du « name and shame ». Notre réussite collective repose sur la collaboration continue entre acteurs publics, privés et organisations de la société civile. Les premiers pour fixer le cap de l’intérêt collectif, définir les règles du jeu, faciliter les échanges. Les seconds pour coconstruire et déployer des solutions pérennes à la bonne échelle. Les troisièmes pour veiller à la prise en compte des besoins réels et des enjeux d’équité et d’acceptabilité.

C’est par la persévérance et l’optimisme que nous réaliserons ensemble la transition.

 


Cédric Baecher est Partner au sein du cabinet Wavestone, Conseiller du Commerce Extérieur de la France et expert Energie Climat auprès de la Commission Européenne.


Maher Chebbo est directeur général d’Univers Europe (ex-Envision Digital) et membre du Conseil des ingénieurs pour la transition énergétique auprès des Nations Unies.

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