Paiement pour services écosystémiques : quels enjeux et quelles opportunités pour les entreprises ?

Les systèmes de paiement pour services écosystémiques (PSE) sont des outils économiques incitatifs de plus en plus utilisés pour financer la bonne gestion des écosystèmes et la restauration du capital naturel.

Fréquemment mis en œuvre dans le domaine agricole, les PSE permettent de rémunérer les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes dont la société tire des bénéfices. Ainsi, les PSE participent à la prise de conscience concernant les « coûts cachés » qu’imposent certaines pratiques économiques délétères sur le vivant et contribuent à la promotion de la performance environnementale.

Aujourd’hui encore cantonné au domaine des politiques publiques, le sujet des PSE pourrait demain devenir stratégique pour les entreprises, qui dépendent d’une manière ou d’une autre de la nature pour leurs activités. En effet, un dispositif de PSE s’intègre parfaitement dans le cadre d’une politique RSE visant à mieux maitriser son impact environnemental et social et promouvoir le dialogue avec les parties prenantes tout en répondant à une logique de rentabilité.

Le décryptage qui suit a pour objectif de mieux faire connaître le sujet des dispositifs de PSE auprès des entreprises et d’apporter un éclairage sur les points importants à garder en tête ainsi que les écueils à éviter lors de leur mise en place.

Nous entretenons une relation de dépendance envers les biens et les services que la nature nous procure, que cela soit pour respirer, nous nourrir, nous maintenir en bonne santé ou encore pour produire les nombreux différents types de biens nécessaires au fonctionnement de nos sociétés. Pour autant, les scientifiques de l’IPBES (GIEC de la biodiversité) soulignent à chaque itération de leurs travaux que les systèmes naturels subissent des pressions croissantes du fait des activités économiques[1]. Ces pressions menacent de manière significative les services essentiels que nous rend la nature, et donc la pérennité de l’ensemble des activités humaines qui en dépendent.

Les dispositifs de paiement pour services écosystémiques (PSE) sont des outils économiques incitatifs de plus en plus fréquemment utilisés pour financer la bonne gestion des écosystèmes et la restauration du capital naturel.

Pour bien comprendre de quoi on parle dans le cadre d’un dispositif de PSE, on peut distinguer 3 grands types de services écosystémiques[2] :

Les services d’approvisionnement
  • Production d’aliments et d’eau
  • Production de fibres textiles
  • Production de bois et de biomasse,
  • Ressources génétiques
  • Ressources médicinales et principes actifs
Les services de régulation et de maintien
  • Pollinisation
  • Stockage du carbone
  • Préservation de la qualité de l’eau
  • Régulation de la qualité de l’air (filtration et captation de polluants)
  • Protection contre les inondations
  • Protection contre les maladies
Les services culturels
  • Valorisation d’un patrimoine naturel
  • Education
  • Bien-être
  • Support pour des activités récréatives et touristiques
  • Spiritualité

A date, les dispositifs PSE existants rémunèrent en particulier les services de régulation.
La logique à l’œuvre dans un système de PSE est celle d’un transfert de fonds volontaire et conditionnel. En effet, un service écosystémique bien défini (stockage du carbone, régulation du cycle de l’eau etc.) est acheté de manière spontanée par un acquéreur à un fournisseur, avec en contrepartie la garantie que ce dernier assure effectivement ce service, vérifiable à l’aide d’indicateurs de suivi. Dans le cas où la performance n’atteint pas les seuils contractuellement définis, alors le dispositif peut être renégocié ou arrêté.

Schéma de fonctionnement d'un dispositif de PSE

Figure 1 – Schéma de fonctionnement d’un dispositif de paiement pour service écosystémique (d’après une modélisation de l’Agence de l’eau Seine Normandie)

En France, la quasi-totalité des dispositifs de PSE en cours sont portés et financés par des acteurs publics. A ce titre, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en partenariat avec les agences de l’eau, expérimente depuis 2020 des projets de PSE pour lesquels une enveloppe de 150 millions d’euros a été débloquée[3]. Ces projets sont en partie financés par une redevance prélevée directement sur nos factures d’eau. Il s’agit là d’une politique publique environnementale dont l’objectif est double : restaurer les écosystèmes dans les zones de captage par lesquelles passe l’eau potable et agir de manière préventive pour maîtriser le budget du service public crucial qu’est le traitement de l’eau.

C’est notamment cette deuxième raison qui a poussé la ville de New York dès les années 1990 à développer un système de PSE. Faisant face à une dégradation de la qualité de son eau, New York a décidé d’investir dans un vaste programme de préservation des zones de captage des Catskills et du Delaware, en finançant à hauteur de 2 milliards de dollars la transformation des activités agricoles dans ces zones afin de réduire la pollution des nappes phréatiques. Ce système de PSE a permis de rétablir une qualité de l’eau élevée pour la population de New York, tout en économisant entre 3 et 5 milliards de dollars par rapport au prix qu’aurait coûté une station de traitement adaptée sur la rivière Hudson[4].

Au-delà de l’intérêt économique du dispositif, le fait de contractualiser un partenariat gagnant-gagnant entre les acteurs amont et aval permet de sensibiliser l’ensemble des parties prenantes du cycle hydrologique à la préservation de la ressource en eau, ainsi que d’installer un dialogue territorial vertueux entre les espaces ruraux et urbains.

Figure 2 – Système de PSE urbain -rural

A ce stade, peu de grandes entreprises se sont mobilisées sur le sujet des PSE, hormis quelques acteurs ayant un enjeu immédiat de préservation des écosystèmes pour la pérennité de leurs activités. C’est le cas de PerrierVittel (Nestlé Waters) par exemple, qui est engagée depuis 1993 dans un programme de PSE contractualisé avec des agriculteurs pour préserver la haute qualité des eaux de son aquifère[5], et ainsi garantir un approvisionnement adéquat pour ses activités.

Plus récemment, en 2020, le groupe bancaire coopératif Arkéa s’est lancé dans un programme de financement de bonne gestion des zones humides en Bretagne, permettant de mieux protéger les territoires du risque d’inondation[6]. Ce projet renforce la position du groupe comme interlocuteur de choix pour les agriculteurs du territoire, et s’intègre également dans une stratégie RSE visant à agir pour accélérer l’adaptation des communautés servies par Arkéa face au changement climatique.

Ainsi, toute entreprise identifiant une dépendance envers des services écosystémiques, qu’elle soit directe ou indirecte via ses parties prenantes, peut, grâce aux PSE[7] :

  • Agir sur l’empreinte environnementale de son activité et contribuer ainsi à la réalisation de grands objectifs en matière de RSE (diminution des émissions de GES, réduction de l’impact sur la biodiversité etc.).
  • Préserver les ressources naturelles dont elle dépend et garantir un approvisionnement sur la durée.
  • Contribuer à la résilience de son territoire ainsi qu’à l’adaptation face au changement climatique.
  • Proposer une traçabilité accrue en structurant un PSE à l’échelle de la filière.
  • Répondre aux attentes des consommateurs, de plus en plus vigilants à l’impact de leur consommation et des procédés de productions.
  • Répondre aux évolutions réglementaires, telle que la CSRD, dont les ESRS 3 et 4 requièrent des entreprises un plan d’action en lien avec la gestion de l’eau et de la biodiversité.
  • Renforcer son image en valorisant la démarche de PSE auprès de ses parties prenantes.

Les dispositifs de PSE sont complexes par nature. Une entreprise qui souhaiterait contractualiser un dispositif de PSE pour l’une des raisons ci-dessus devra réaliser un travail en deux temps.

Tout d’abord, il sera nécessaire de réaliser un travail en amont pour identifier les enjeux environnementaux sur lesquels on souhaite agir par le biais du PSE, bien cadrer le périmètre d’intervention et définir les parties prenantes que l’on souhaite intégrer au dispositif. Il s’agit là de la phase de définition. Il est également important de fixer ses objectifs cibles lors de cette étape, et de s’assurer que ceux-ci sont adéquatement dimensionnés par rapport aux scénarios de développement envisagés.

Toujours lors de cette phase de définition, il sera nécessaire de proposer une structure budgétaire adéquate, dans une logique d’efficacité de coût et de résultats pour l’entreprise. A ce stade, il conviendra donc de déterminer précisément les engagements réciproques entre fournisseurs et financeurs de services écosystémiques : les montants de paiement, la durée du programme, la fréquence des mesures, les jalons clés dans l’atteinte des objectifs… Le système de gouvernance du dispositif devra également être précisé. En particulier, un comité de pilotage du projet de PSE pourra être établi, dont la composition devra refléter l’intégralité des parties prenantes.

Une fois le travail de cadrage réalisé, la deuxième phase peut commencer, à savoir celle de l’animation et du suivi du dispositif. Lors de cette phase, un travail important de collecte des données sera à mener en continu sur les indicateurs cibles de performance environnementale pour suivre la progression du dispositif et opérer un réajustement en cas de besoin. La nature des données à suivre pourra varier en fonction des indicateurs sur lesquels a été construit le dispositif PSE. Il pourra s’agir aussi bien de mesures caractérisant l’état souhaité pour l’écosystème (fertilité des sols, qualité de l’eau) que d’indicateurs de moyens déployés (nombre d’agriculteurs formés à une nouvelle pratique, périmètre du terrain protégé par le dispositif…).

Le sujet des dispositifs de PSE va continuer de gagner en visibilité et en attractivité pour les entreprises qui souhaitent structurer ou renforcer leur politique RSE. En effet, ces outils présentent de nombreux intérêts : forte modularité en fonction des besoins de chaque acteur et territoire, contribution directe à la performance environnementale, renforcement de la résilience des opérations et du modèle économique…

La practice Sustainability de Wavestone met à disposition de ses clients souhaitant se lancer dans un programme de PSE tout son savoir-faire, qu’il s’agisse de (re)définir une stratégie d’affaires durable, d’accompagner un travail de collecte et de traitement de la donnée ou encore de piloter une instance de gouvernance avec de nombreuses parties prenantes.

Avec une forte expertise sectorielle sur des sujets de gestion des ressources naturelles et de biodiversité, nous nous ferons un plaisir de vous accompagner dans la définition, la mise en place et le suivi du dispositif de PSE le plus adapté à vos besoins et vos objectifs.

Pour tout renseignement complémentaire : leah.ball@wavestone.com

Octave Masson
Octave MASSON,
Consultant

[1] IPBES (2019). Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (pp. 1-1082). Brondízio, E. S., Settele, J., Díaz, S., and Ngo, H. T. (eds). IPBES secretariat, Bonn, Germany.

[2] Selon la classification CICES (https://planet-vie.ens.fr/thematiques/ecologie/les-services-ecosystemiques)

[3] https://pse-environnement.developpement-durable.gouv.fr/le-dispositif

[4] https://www.cbd.int/financial/pes/usa-pesnewyork.pdf

[5] https://www.cnpf.fr/sites/socle/files/cnpf-old/345562_efi_policy_brief_7_fra_290812_1.pdf

[6] https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2022-11/Guide%20PSE%20-%20Paiement%20Services%20Environnementaux.pdf

[7] Duval L., Binet T., Colle A., Dupraz P., Pech M., Martin I., 2019. Guide à destination des acteurs privés : déployer des paiements pour services environnementaux en agriculture. Étude réalisée pour le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Paris.

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