À partir de 2027, toutes les voitures électriques vendues en Europe devront être accompagnées d’un passeport batterie numérique. Ce document permettra de suivre l’origine, l’empreinte carbone et l’état de santé des batteries, depuis leur production jusqu’à leur recyclage. Volvo, avec son modèle EX90, est le premier constructeur à mettre en place ce dispositif. Un projet pionnier qui vise à renforcer la transparence, la compétitivité et la durabilité de l’industrie des batteries tout en répondant aux enjeux environnementaux croissants.
Il s’agit du dernier maillon de l’écosystème européen des batteries pour véhicules électriques. Dans sa fameuse directive « batterie« , l’exécutif de l’Union européenne a ordonné, en plus des exigences en matière de recyclage, la mise en place du passeport batterie pour toutes les batteries en circulation sur le marché européen.
Le passeport batterie est un document numérique, accessible via un QR code. Il deviendra un outil essentiel de transparence pour tous les acteurs de la chaîne de valeur des batteries (les consommateurs, les professionnels, les recycleurs, etc.), en garantissant une traçabilité complète des batteries, de la mine au recyclage. Une démarche innovante et prometteuse pour son ambition écologique.
La promesse d’une traçabilité intégrale
L’instauration du passeport batterie s’inscrit dans la volonté de l’Union européenne de rendre plus transparente la chaîne de valeur des batteries. Chaque étape, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie des batteries, sera rigoureusement suivie, et toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur pourront profiter de cette transparence.
Le consommateur ou le propriétaire du véhicule électrique, à l’aide d’un simple smartphone, pourra accéder à des informations sur l’origine des matériaux critiques comme le cobalt, le lithium et le nickel, les conditions de production et l’empreinte carbone totale générée par la fabrication de la batterie. Dans une optique d’économie circulaire, et en respect des exigences de recyclage, ce passeport fournira également des informations cruciales aux professionnels de la revente ou du recyclage sur l’état de santé de la batterie (State of Health – SoH) et sa capacité résiduelle.
Ces données permettront non seulement de faciliter l’évaluation de la valeur résiduelle d’un véhicule, mais aussi d’optimiser le processus de recyclage en fin de vie. Les recycleurs pourront décider si une batterie peut être reconditionnée ou réutilisée dans d’autres applications, et, en cas de recyclage, déterminer la méthode appropriée grâce aux informations enregistrées dans le passeport. Ce mécanisme contribue à créer un cycle de vie véritablement circulaire pour les batteries.
De la conception à l’expérimentation : des incertitudes et des défis à surmonter
Les premiers tests réalisés par des constructeurs comme Audi et Tesla ont révélé des lacunes significatives, notamment en matière de traçabilité des matériaux critiques tels que le cobalt. La transparence sur l’origine de ces matériaux reste partielle, et certaines informations cruciales sur la recyclabilité des batteries sont encore manquantes. Les expérimentations ont montré qu’il existe un écart entre les ambitions du passeport batterie et sa mise en œuvre pratique. Pour que ce dispositif atteigne pleinement ses objectifs de transparence et de durabilité, ces lacunes devront être comblées.
L’un des obstacles majeurs réside dans la coordination des nombreux acteurs impliqués dans la chaîne de valeur. De l’extraction des matières premières à la fabrication, en passant par le transport et le recyclage, chaque acteur doit contribuer à la collecte et au partage des données. Cependant, leurs intérêts divergent fortement selon leur position dans la chaîne de valeur, rendant difficile une collaboration fluide et efficace.
Les fournisseurs de matières premières, notamment ceux basés hors d’Europe, peuvent être réticents à divulguer certaines informations sensibles, comme la provenance des minerais ou les conditions d’extraction. De leur côté, les constructeurs automobiles cherchent à protéger leurs innovations technologiques, ce qui crée un conflit entre l’exigence de transparence et la protection des secrets industriels. Les recycleurs se retrouvent parfois avec des données incomplètes sur la composition chimique des batteries, ce qui complique l’optimisation des processus de recyclage.
Ces divergences d’intérêts, combinées à des préoccupations sur la confidentialité des données, ralentissent l’atteinte de l’objectif de traçabilité intégrale. De nombreux acteurs sont encore réticents à partager certaines informations qui pourraient nuire à leur compétitivité. En plus de ces enjeux, les problèmes liés au transfert et au stockage des données[1] soulèvent de nouveaux défis de conformité. L’Union européenne, méfiante vis-à-vis des États-Unis et de la Chine sur la gestion des données, impose des normes strictes pour garantir que ces informations sensibles soient sécurisées et ne peuvent être altérées.
Un levier pour une compétitivité accrue de l’industrie européenne des batteries
L’un des aspects techniques les plus novateurs du passeport batterie est l’utilisation de la blockchain. Grâce à cette technologie, chaque étape du cycle de vie d’une batterie est enregistrée de manière immuable, garantissant que les informations fournies ne peuvent être altérées ou falsifiées. Cette transparence renforcée est essentielle pour répondre aux attentes des consommateurs et des régulateurs en matière de confiance et de fiabilité des données.
Cependant, cette technologie est gourmande en énergie. Il est crucial d’améliorer son efficacité énergétique dans les prochaines années tout en conservant ses avantages en matière de sécurité des données.
Le passeport batterie répond non seulement aux exigences croissantes des consommateurs en matière de durabilité mais constitue un levier pour renforcer la compétitivité de l’Europe sur le marché mondial des batteries. En introduisant des standards stricts de traçabilité, l’Union européenne souhaite se démarquer de ses concurrents, notamment chinois et américains, en proposant des batteries plus transparentes et respectueuses des normes environnementales.
Cette initiative s’inscrit dans un plan plus large de l’UE pour développer une industrie des batteries plus indépendante et résiliente. Avec la multiplication des gigafactories sur le sol européen et l’introduction de normes rigoureuses pour l’approvisionnement en matières premières, l’Europe se positionne comme un acteur incontournable de la transition énergétique mondiale. La transparence offerte par le passeport batterie devrait permettre aux constructeurs européens de mieux valoriser leurs efforts en matière de durabilité, tout en garantissant une traçabilité complète des matériaux utilisés.
Un avenir prometteur pour l’industrie des batteries
Le passeport batterie représente une avancée majeure pour l’industrie des véhicules électriques. Il répond non seulement à un besoin croissant de transparence, mais permet également de créer un cadre normatif qui favorise l’innovation et la compétitivité. D’ici à 2027, tous les véhicules électriques vendus en Europe devront être équipés de ce dispositif, ouvrant la voie à une traçabilité intégrale des batteries.
Les premiers passeports batterie sont déjà en circulation. Volvo est le premier constructeur à avoir intégré le passeport batterie dans l’un de ses véhicules. Le SUV 100 % électrique EX90, lancé à l’été 2024, est équipé d’un QR code donnant accès à des informations sur la batterie. Les acheteurs peuvent ainsi consulter l’empreinte carbone de la batterie et surveiller son évolution dans le temps grâce à des données mises à jour tout au long de la vie du véhicule. L’objectif affiché par Volvo est clair : offrir aux consommateurs un maximum de transparence pour encourager des choix plus éclairés et responsables.
Avec le passeport batterie l’Europe montre l’exemple en matière de durabilité et de responsabilité environnementale.
L’accompagnement de Wavestone :
Wavestone accompagne les acteurs de la chaîne de valeur des batteries dans plusieurs domaines stratégiques pour relever les défis actuels et futurs :
- Gestion des ressources : Wavestone vous aide à sécuriser la conformité de vos fournisseurs en matières premières, en garantissant le respect des normes environnementales et sociales, notamment celles liées à l’origine et à la traçabilité des matériaux critiques (cobalt, lithium, nickel). Nous vous accompagnons dans la mise en place de stratégies d’approvisionnement durable, en lien avec les exigences réglementaires internationales.
- Décarbonation : Wavestone vous accompagne dans vos démarches de décarbonation. Nous travaillons avec vous pour identifier les leviers de réduction de l’empreinte carbone à chaque étape de la production et de l’utilisation de vos produits, contribuant ainsi à vos objectifs de neutralité carbone.
- Performance extra-financière et conformité : Wavestone vous aide à optimiser vos indicateurs extra-financiers, qu’ils soient liés aux réglementations européennes comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ou à des systèmes de notation RSE internationaux, tels que le CDP (Carbon Disclosure Project). Nous mettons en place des stratégies qui vous permettent d’améliorer votre impact environnemental, social et de gouvernance (ESG), tout en garantissant la conformité aux exigences légales.
- Formation des collaborateurs : Pour les fabricants de véhicules électriques et de batteries, la mise en œuvre du passeport batterie représente un enjeu crucial. Wavestone vous aide à développer et déployer des campagnes de formation et de sensibilisation auprès de vos collaborateurs afin d’assurer une transition réussie vers une gestion durable et transparente des batteries.
Sources :
- https://www.globalbattery.org/press-releases/global-battery-alliance-launches-world%E2%80%99s-first-battery-passport-proof-of-concept/
- https://commission.europa.eu/law/law-topic/data-protection/data-protection-eu_fr
- https://www.challenges.fr/automobile/passeport-batterie-volvo-inaugure-le-flicage-des-voitures-electriques-pour-la-bonne-cause_896600
Lisez l’intégralité de la série sur les batteries électriques en Europe :
- Batterie électrique en Europe, d’un enjeu géopolitique à un enjeu écologique
- Entre ambition et incertitude, le long périple de la batterie produite en Europe
- Accès aux matières premières et recyclage des batteries usagées, deux piliers pour une transition écologique réussie
- Passeport batterie : dernier morceau vers un cycle de la traçabilité intégrale